Novissimi: les vérités ultimes

Le jugement dernier


J'ai déjà dit à quel point les interventions a braccio du Saint-Père étaient fluides et essentielles, contenant dans un langage simple et accessible à tous la quintessence de son enseignement, tout en dévoilant beaucoup de l'humanité de la personne.

Cet échange avec le prêtres de Rome est une illustration grandeur nature de ce que disait Mgr Ide dans son livre Le Christ donne tout.
Je me répète, mais c'est important:
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....la limpidité de la parole - comme de l'écrit - n'est jamais sacrifiée à la puissance du contenu.
Un double fait l'atteste à l'oral. D'une part, Benoît XVI est le premier pape... à oser improviser, et longuement, sur des sujets théologiques fondamentaux. Régulièrement, notamment face aux médias, aux prêtres ou aux séminaristes de Rome, il s'entretient sans papier, pendant largement plus d'une heure, et aborde en détail, voire affronte, dans une langue autre que sa langue maternelle, des questions précises et délicates. ... D'autre part... Benoît XVI ... fait partie de ces rares personnes qui possèdent le don de pouvoir parler comme elles écrivent. Or, cette unification de l'écrit et de l'oral engendre souvent un style particulièrement simple.
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La simplicité de son style devrait faire rougir tous ceux qui le commentent, moi y compris. Je m'en rends compte en réalisant à quel point le traduire m'est facile et agréable, alors que la plupart des "vaticanistes" me donnent plus que du fil à retordre... pour dire, au final, des choses pas toujours essentielles.

J'ai traduit aussi, pour le plaisir, car je suis consciente de n'anticiper que très peu sur la traduction officielle, les questions posées: elles ont leur intérêt, car leur examen élimine toute interprétation tendancieuse à partir des commentaires faits dans les medias (il y en a eu au moins un, pour les réponses que j'ai lues jusqu'à présent, je n'insisterai pas).

Dans cet échange, le Saint-Père s'exprime sur ce que son interlocuteur appelle les Novissimi, un mot que j'ignorais (il s'agit après recherche d'un terme latin qui désigne traditionnellement les 4 réalités ultimes: mort, jugement , enfer, paradis).
C'est une excellente introduction à la lecture de la deuxième partie de l'encyclique Spe Salvi. L'explication de texte idéale faite par l'auteur lui-même!
En même temps, il me semble que ce qu'il dit à un certain moment pourrait lever un coin de voile (encore un!) sur le contenu de la prochaine encyclique:
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" je vois toujours de nouveau comment dans ces terres [ex-communistes] sont restés détruits non seulement la planète, l'écologie, mais surtout et plus gravement les âmes. Retrouver la conscience vraiment humaine, éclairée de la présence de Dieu, est le premier travail de ré-édification de la terre. C'est là l'expérience commune de ces Pays. La ré-édification de la terre, en respectant le cri de souffrance de cette planète, ne peut se réaliser qu'en retrouvant Dieu dans l'âme, avec les yeux ouverts vers Dieu... "

Texte italien ici (Vatican)


Question

Saint-Père, je travaille dans un oratoire et dans un centre d'accueil pour mineurs en difficulté. Je voulais vous demander: le 25 Mars 2007 vous avez fait un discours a braccio, en déplorant qu'aujourd'hui on parle peu des Novissimi.
En effet, dans le catéchisme de la CEI (conférence épiscopale italienne, ndt) utilisé pour l'enseignement de notre foi aux enfants qui préparent la confession, la communion et la confirmation, il me semble que quelques vérités de foi sont omises.
On ne parle jamais d'enfer, jamais de purgatoire, une seule fois de paradis, une seule fois de péché, uniquement le péché originel. En omettant ces parties essentielles du Credo, ne vous semble-il pas que s'écroule le système logique qui porte à voir la Rédemption du Christ ? En écartant le péché, en ne parlant pas d'enfer, la Rédemption du Christ elle-même en vient à être diminué. Ne vous semble-il pas que cela favorise la perte du sens du péché et donc du sacrement de la réconciliation, et même la figure salvifique, sacramentelle du prêtre qui a le pouvoir d'absoudre et de célébrer au nom de Christ ? Aujourd'hui malheureusement, même nous, prêtres, lorsque dans l'Évangile il est question de l'enfer, nous éludons l'Évangile même. Nous n'en parlons pas. Ou nous ne savons pas parler du paradis. Nous ne savons pas parler de vie éternelle. Nous risquons de donner à la foi une dimension uniquement horizontale ou bien où l'horizontal et le vertical sont trop détachées. Et malheuresement, dans les catéchèses aux enfants, quand ce n'est pas une initiative des prêtres, de la structure "portante", cela vient à manquer. Si je ne me trompe pas, cette année, c'est le 25e anniversaire de la consécration de la Russie au Coeur immaculé de Marie. Pour l'occasion ne peut-on imaginer de renouveler solennellement cette consécration pour le monde entier ? Le mur de Berlin s'est écroulé , mais il y a tant de murs de péché qui devraient s'écrouler aussi: la haine, l'exploitation, le capitalisme sauvage. Des murs qui doivent s'écrouler et nous attendons encore que triomphe le Coeur immaculé de Marie pour pouvoir réaliser aussi cette dimension.
Je voulais également remarquer que la Madone n'a pas eu de la peur de parler de l'enfer et du paradis aux enfants de Fátima, qui, hasard, avaient l'âge du catéchisme: sept, neuf et douze ans. Et nous, très souvent au contraire nous l'oublions. Pouvez-vous nous dire quelque chose de plus là-dessus ?


La réponse du Saint-Père

Vous avez parlé à juste titre des thèmes fondamentaux de la foi, qui malheureusement apparaissent rarement dans notre prédication.
Dans l'Encyclique Spe Salvi, j'ai justement voulu parler du Jugement Dernier, du jugement en général, et dans ce contexte, aussi du purgatoire, de l'enfer et du paradis.

Je pense que nous tous sommes encore toujours frappés par l'objection des marxistes, selon lesquels les chrétiens ont seulement parlé de l'au-delà et ont négligé la terre. Ainsi nous voulons montrer que réellement nous nous engageons pour la terre et ne sommes pas des gens qui parlent de réalités lointaines, qui n'aident pas la terre.
Maintenant, bien qu'il soit juste de montrer que nous, chrétiens, travaillons pour la terre - et tous nous sommes appelés à travailler afin que cette terre soit réellement une cité pour Dieu et de Dieu - nous ne devons pas oublier l'autre dimension. Sans en tenir compte, ne ne travaillons pas bien pour la terre. Montrer cela a été un des buts fondamentaux pour moi en écrivant l'Encyclique.
Lorsqu'on ne connaît pas le jugement de Dieu, on ne connaît pas la possibilité de l'enfer, de la faillite radicale et définitive de la vie, on ne connaît pas la possibilité et la nécessité de la purification. Alors l'homme ne travaille pas bien pour la terre parce qu'en définitive, il perd les critères, ne se connaît plus lui-même, ne connaissant pas Dieu, et il détruit la terre. Toutes les grandes idéologies ont promis : nous prendrons en main les choses, nous ne négligerons plus la terre, nous créerons un monde nouveau, juste, correct, fraternel. Au contraire, ils ont détruit le monde. Nous le voyons avec le nazisme, nous le voyons aussi avec le communisme, qui ont promis de construire le monde comme il aurait dû être et qui, au contraire, ont détruit le monde.

Dans les visites ad limina des Évêques de Pays ex-communistes, je vois toujours de nouveau comment dans ces terres sont restés détruites, pas seulement la planète, l'écologie, mais surtout et plus gravement les âmes. Retrouver la conscience vraiment humaine, éclairée de la présence de Dieu, est le premier travail de ré-édification de la terre. C'est là l'expérience commune de ces Pays. La ré-édification de la terre, en respectant le cri de souffrance de cette planète, ne peut se réaliser qu'en retrouvant Dieu dans l'âme, avec les yeux ouverts vers Dieu.

Donc vous avez raison : nous devons parler de tout cela justement par responsabilité envers la terre, envers les hommes qui vivent aujourd'hui. Nous devons parler aussi et vraiment du péché comme possibilité de se détruire soi-même et aussi d'autres parties de la terre.
Dans l'Encyclique, j'ai cherché à montrer que justement, le jugement dernier de Dieu garantit la justice.

Tous nous voulons un monde juste. Mais nous ne pouvons pas réparer toutes les destructions du passé, toutes les personnes injustement tourmentées et tuées. Seul Dieu lui-même peut créer la justice, qui doit être justice pour tous, même pour les morts. Et comme le dit Adorno, un grand marxiste, seule la résurrection de la chair, qu'il considère comme irréelle, pourrait créer la justice. Nous croyons en cette résurrection de la chair, dans laquelle tous ne seront pas égaux. Aujourd'hui on s'est habitué à penser: c'est quoi, le péché, Dieu est grand, il nous connaît, donc le péché ne compte pas, à la fin Dieu sera bon avec tous. C'est un bel espoir. Mais il y a la justice et il y a la vraie faute. Ceux qui ont détruit l'homme et la terre ne peuvent pas s'asseoir tout de suite à la table de Dieu en même temps que leurs victimes. Dieu crée la justice. Nous devons le garder présent à l'esprit.

C'est pourquoi il m'a semblé important d'écrire ce texte également sur le purgatoire, qui pour moi est une vérité si évidente, si évidente et aussi si nécessaire et consolante, qui ne peut pas être absente. J'ai cherché à dire : ils ne sont peut-être pas nombreux ceux qui se sont détruits à ce point, qui sont incurables pour toujours, qui n'ont plus le moindre élément sur lequel puisse s'appuyer l'amour de Dieu, n'ont plus en eux-mêmes un minimum de capacité d'aimer. Ce serait cela, l'enfer.
D'autre part, ils sont certainement rares - ou de toute façon peu nombreux - qui sont purs au point de pouvoir entrer immédiatement dans la communion de Dieu.
Beaucoup parmi nous espèrent qu'il y a quelque chose de purifiable en nous, qu'il y a une volonté finale de servir Dieu et de servir les hommes, de vivre selon Dieu. Mais il y a beaucoup et tellement de blessures, tellement de saleté. Nous avons besoin d'être préparés, d'être purifiés.
C'est cela notre espérance : même avec autant de saletés dans notre âme, à la fin le Seigneur nous donne la possibilité, nous lave finalement avec sa bonté qui vient de sa croix. Il nous rend ainsi capables d'être avec Lui pour l'éternité. Et ainsi le paradis est l'espérance, c'est la justice finalement réalisée.
Et Il nous donne aussi des critères pour vivre, afin que ce temps soit d'une certaine manière le paradis, soit une première lumière du paradis. Là où les hommes vivent selon ces critères, il apparaît un peu de paradis dans le monde, et ceci est visible. Cela me semble aussi une preuve de la vérité de la foi, de la nécessité de suivre la route des commandements, dont nous devons parler davantage. Ce sont réellement des indicateurs de route et ils nous montrent comment vivre bien, comment choisir la vie.
Donc nous devons aussi parler du péché et du sacrement du pardon et de la réconciliation. Un homme sincère sait qu'il est coupable, qu'il devrait recommencer, qu'il devrait être purifié. Et c'est la merveilleuse réalité que nous offre le Seigneur : il y a une possibilité de renouvellement, d'être nouveau. Le Seigneur commence avec nous de nouveau et nous pouvons de la même manière recommencer même avec les autres dans notre vie.

Cet aspect du renouvellement, de la restitution de notre être après tant d'erreurs, après tant de péchés, est la grande promesse, le grand don que l'Église offre. Et que, par exemple, la psycho-thérapie ne peut pas offrir. La psycho-thérapie aujourd'hui est largement diffusée, et même nécessaire face à tant à de psychismes détruits ou gravement blessés. Mais les possibilités de la psycho-thérapie sont très limitées : elle peut seulement chercher un peu à rééquilibrer une âme déséquilibrée. Mais elle ne peut pas donner un vrai renouvellement, un dépassement de ces graves maladies de l'âme. Et donc cela reste toujours provisoire et jamais définitif.
Le sacrement de la pénitence nous donne l'occasion de nous rénover jusqu'au bout avec la puissance de Dieu - ego te absolvo - qui est rendu possible parce que le Christ a pris sur lui ces péchés, ces fautes. Il me semble que c'est aujourd'hui une grande nécessité. Nous pouvons être assainis. Les âmes qui sont blessées et malades, comme c'est l'expérience de chacun, ont besoin non seulement de conseils mais d'un vrai renouvellement, qui peut venir seulement du pouvoir de Dieu, du pouvoir de l'Amour crucifié. Il me semble que c'est le grand noeud des mystères qui finalement comptent réellement dans notre vie. Nous devons nous-mêmes y penser et ainsi les faire parvenir à nouveau à nos ouailles.


Voir aussi:

Les grandes célébrations ... et Loreto
Choisis la vie
Rencontre avec le clergé romain
Une Parole, et des images


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