Mustapha Chélif est consterné

"Le philosophe Mustapha Chérif fait partie des 138 musulmans qui seront reçus par Benoît XVI au Vatican en novembre 2008. En réaction au baptême du journaliste italien Magdi Allam, il a voulu s’adresser au pape". ("Témoignage Chrétien")



Voici un "article" publié par "Témoignage Chrétien".
Voir ici: http://www.temoignagechretien.fr/...
Je sais bien, il s'agit d'une "lettre ouverte", une sorte de tribune, donc, ce qui signifie que le journal ne peut être tenu pour responsable des opinions qui y sont énoncées... mais personne ne me fera croire qu'il l'aurait publiée s'il n'était pas d'accord avec son contenu.

Le ton de la lettre oscille entre insolence, condescendance, et provocation (en inversant les rôles, puisque c'est le Pape qui est accusé de provocation).

De la part du magazine, il s'agit ni plus ni moins que de subversion: les catholiques français "adultes" (Affaire Magdi Allam: l'invité surprise) ne sont pas d'accord avec le pape, ils le font savoir, et ils sont prêts à se ranger derrière n'importe quel bannière, sauf la sienne!

Une fois de plus, au nom d'un prétendu dialogue avec l'autre (qui est en réalité un abandon) un journal français "chrétien" se désolidarise du Saint-Père et rejoint ce qu'il faut bien appeler le camp adverse.

Mustapha Chérif est, si j'ose dire, une vieille connaissance.
En novembre 2006, il avait eu les honneurs de la bienveillance de Tincq, dans un article intitulé: Le pape consulte sur l’islam, où l'oracle du "Monde" nous rendait témoin de la parfaite symétrie d'influence et de pensée entre l'obscur philosophe algérien et le chef spirituel d'un milliard de catholiques.
Un peu plus tard, après la visite de Benoît XVI en Turquie, le même Chérif portait à la connaissance du monde, sur un site africain, un "geste politique et diplomatique significatif, le Pape soutient l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne!! "
Ce qui était pour le moins une conclusion hasardeuse, et prématurée: Après l’orage, l’éclaircie





Lettre ouverte d’un musulman à Benoît XVI

par Mustapha Cherif

Je viens d’apprendre avec étonnement, Saint-Père Benoît XVI, que vous avez baptisé, de manière spectaculaire, pendant la vigile pascale, un musulman converti, journaliste italien d’origine égyptienne.
Je défends la liberté de conscience, que l’islam respecte, sans aucune ambiguïté, contrairement à certaines lectures fermées.

Mais une nouvelle fois, je suis consterné par le fait qu’en personne, vous baptisiez un individu qui, depuis des années, est connu pour ses attaques virulentes et haineuses contre l’islam, et pas seulement contre les dérives des extrémistes.
Pour preuve, il a poursuivi publiquement ses diatribes violentes le lendemain même de sa conversion.
Je pensais que l’on devenait chrétien pour apprendre à aimer tous ses frères, comme Jésus.
Je crains une nouvelle affaire qui donnera de l’eau au moulin de tous ceux qui veulent opposer et diviser les peuples et les hommes de bonne volonté, et confortera ceux qui prétendent que le dialogue sert à justifier des postures de diversion et de puissances hégémoniques.
Pourtant le dialogue est fondé sur le bon sens ; pour être à la hauteur de ce que nos sources de vie exigent. Certains partisans du dialogue, désespérés, vont se demander si cela vaut la peine de continuer à œuvrer dans le domaine du dialogue islamo-chrétien.
Alors que, depuis l’audience privée que vous avez eu la générosité de m’accorder, des progrès substantiels ont été enregistrés, comme votre visite réussie en Turquie, votre sage décision de rétablir le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la décision, sans précédent, commune avec notre groupe des 138 savants musulmans, d’instituer un Forum de concertation, dont la première réunion aura lieu au Vatican en novembre prochain.
Et depuis lundi dernier cette initiative positive du Roi d’Arabie, annoncée à Ryad en ma présence et celle d’autres théologiens, d’organiser au niveau de l’ONU une rencontre mondiale interreligieuse pour unifier nos positions face aux défis communs.

À chaque fois qu’on remonte une pente, une nouvelle maladresse vient remettre en cause ce qu’on avait péniblement reconstruit. Notre destin est-il celui de Sisyphe ? Pourquoi Saint-Père, alors que je reste convaincu de vos louables intentions, donnez-vous parfois l’impression que nous entrons dans une nouvelle « guerre de religion » où le nombre de convertis servira de comptage des points ?
Cet Égypto-Italien a tout à fait le droit de vouloir devenir catholique et l’Église se doit d’accueillir cette recherche : mais de la à ce que ce soit le souverain Pontife qui le baptise, en connaissant sans doute sa ligne de conduite, il y a là un signe fort inquiétant.

Question de confiance
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Des croyants, musulmans et chrétiens, vont penser que c’est une forme de provocation délibérée.
Une, ou cent, ou mille conversions ne sauront masquer les problèmes de fond que vit l’Église en particulier et d’autres soucis que connaît chaque communauté. En ce qui concerne la musulmane, riche de près d’un milliard et demi de croyants, les mosquées ne désemplissent pas, mais je reconnais ses difficultés et le fait qu’elle n’est pas aujourd’hui à la hauteur de l’Appel qui la fonde.

Cependant, se pose la question de confiance : ne concevez-vous les relations avec les musulmans qu’en terme, au mieux, de compétition et, au pire, d’affrontements ? Ou bien voulez-vous vraiment, comme je le crois, non pas favoriser la polémique stérile, la confrontation, la fuite en avant, mais vous placer sur le terrain des échanges, du dialogue franc et respectueux ; voire de la saine altercation, pour assumer les difficultés avec discernement, et faire reculer les discriminations, les préjugés et les violences, visibles sous des formes flagrantes ou insidieuses au Nord comme au Sud, et partant contribuer à apprendre à tous à relever les défis du vivre ensemble ?

La grandeur de votre fonction suppose que vous donniez l’exemple sur la scène historique au sujet de la relation entre les grandes communautés abrahamiques.

Sachez, Saint-Père, que rien ne saurait entamer notre détermination à accueillir l’autre sans conditions. Des musulmans, des juifs, des chrétiens et des humanistes, à mon avis la majorité silencieuse, savent qu’il n’y a pas d’autre alternative sage à la coexistence, en notre époque marquée par des risques sans précédent de déshumanisation. En réaction, des dérives sectaires prolifèrent ainsi que la folklorisation de la religion. Aucune communauté ne peut à elle seule rouvrir l’horizon. Rien n’est donné d’avance et la complexité de notre temps est comme insaisissable. Mais si nous savons être ensemble à l’écoute, il reste un avenir. »



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