Divorcés remariés: la voix du saint-Père

En juillet 2005, s'adressant au clergé du val d'Aoste, il s'exprime sur la question (25/6/2008)



Merci à Raffaella, d'avoir attiré mon attention sur les propos du Saint-Père, s'adressant aux prêtres du Diocèse d'Aoste, en été 2005. (http://www.vatican.va/holy_father/ )
Interpellé par les prêtres sur différentes questions d'ordre pratique, il a répondu "a braccio", et on sait qu'il excelle à cet exercice.
Et voici ce qu'il a dit sur le thème des divorcés remariés:



Nous savons tous que cela est un problème particulièrement douloureux pour les personnes qui vivent dans des situations où elles sont exclues de la communion eucharistique ainsi que, naturellement, pour les prêtres qui veulent aider ces personnes à aimer l'Eglise et à aimer le Christ. Cela pose un problème.

Aucun de nous n'a de solution toute faite, notamment parce que les situations sont toujours différentes. Je pense que la situation est particulièrement douloureuse pour les personnes qui se sont mariées à l'Eglise; mais qui ne sont pas vraiment croyantes et qui l'ont fait par tradition, puis ayant contracté un nouveau mariage non valide, se convertissent, trouvent la foi et se sentent exclues du Sacrement. Cela est réellement une grande souffrance, et lorsque j'étais Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai invité plusieurs Conférences épiscopales et spécialistes à étudier ce problème: un sacrement célébré sans foi. Je n'ose pas m'avancer en affirmant que l'on puisse trouver ici réellement un motif d'invalidité parce qu'il manquait une dimension fondamentale au mariage. Je le pensais personnellement, mais à la suite des discussions que nous avons eues, j'ai compris que le problème est très difficile et doit être encore approfondi. Mais étant donné la situation de souffrance de ces personnes, il doit vraiment être approfondi.

Je n'ose pas apporter une réponse immédiate; quoi qu'il en soit, deux aspects me semblent très importants. Le premier: même si elles ne peuvent avoir accès à la communion sacramentelle, ces personnes ne sont pas exclues de l'amour de l'Eglise et de l'amour du Christ. Une Eucharistie sans la communion sacramentelle immédiate n'est certainement pas complète, il manque une chose essentielle. Toutefois, il est également vrai que participer à l'Eucharistie sans communion eucharistique n'est pas égal à rien, cela signifie toujours participer au mystère de la Croix et de la résurrection du Christ. Il s'agit toujours d'une participation au grand Sacrement dans la dimension spirituelle et pneumatique; dans la dimension également ecclésiale, sinon strictement sacramentelle.

Et étant donné qu'il s'agit du sacrement de la Passion du Christ, le Christ souffrant embrasse de façon particulière ces personnes et dialogue avec elles d'une autre façon. Elles peuvent donc se sentir embrassées par le Seigneur crucifié qui tombe à terre et meurt et souffre pour elles, avec elles. Il faut donc faire comprendre que même si, malheureusement, il manque une dimension fondamentale, elles ne sont toutefois pas exclues du grand mystère de l'Eucharistie, de l'amour du Christ ici présent. Cela me semble important, tout comme il me semble important que le curé et la communauté paroissiale fassent sentir à ces personnes que, d'une part, nous devons respecter le caractère indissoluble du Sacrement et, de l'autre, que nous aimons ces personnes qui souffrent également pour nous. Et nous devons aussi souffrir avec elles, car elles apportent un témoignage important, parce que nous savons qu'à partir du moment où l'on cède par amour, on porte préjudice au Sacrement lui-même et son indissolubilité apparaît toujours moins vraie.

Nous connaissons le problème non seulement des Communautés protestantes, mais également des Eglises orthodoxes qui sont souvent présentées comme un modèle dans lequel il est possible de se remarier. Mais seul le premier mariage est sacramentel: eux aussi reconnaissent que les autres ne sont pas un Sacrement, il s'agit de mariages dans une mesure réduite, redimensionnée, dans des conditions de pénitence; d'une certaine façon, ils peuvent s'approcher de la Communion, mais en sachant que celle-ci est accordée "dans l'économie" - comme ils disent - en vertu d'une miséricorde qui, toutefois, n'ôte rien au fait que leur mariage n'est pas un Sacrement. L'autre point dans les Eglises orientales est que pour ces mariages, on a accordé la possibilité de divorcer avec une grande légèreté et que le principe de l'indissolubilité, et du véritable aspect sacramentel du mariage est gravement lésé.

Il y donc d'une part le bien de la communauté et le bien du Sacrement que nous devons respecter, et, de l'autre, la souffrance des personnes que nous devons aider.

Le second point que nous devons enseigner et rendre crédible également pour notre propre vie est que la souffrance, sous ses diverses formes, fait nécessairement partie de notre vie. Et il s'agit là d'une souffrance noble, je serais tenté de dire. Il faut à nouveau faire comprendre que le plaisir n'est pas tout. Que le christianisme nous donne la joie, comme l'amour donne la joie. Mais l'amour signifie également toujours renoncer à soi-même. Le Seigneur lui-même nous a donné la formule de ce qu'est l'amour: celui qui se perd se retrouve; celui qui gagne et se conserve soi-même se perd.

Il s'agit toujours d'un exode et donc également d'une souffrance. La véritable joie est une chose différente du plaisir, la joie croît, mûrit toujours dans la souffrance en communion avec la Croix du Christ. Ce n'est que de là que naît la véritable joie de la foi, dont ces personnes non plus ne sont pas exclues si elles apprennent à accepter leur souffrance en communion avec celle du Christ.
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On voit que le Pape n'élude pas la question, qu'il l'aborde avec lucidité et humanité, et surtout une grande humilité - il dit lui-même qu'en tant que préfet de la CDF, il en a discuté avec différentes conférences épiscopales, qui semblaient avoir des idées plus intransigeantes que lui.
L'autre aspect important de ces propos surprenants - mais seulement pour quelqu'un qui ne le connaît pas - c'est la souffrance, dont il dit que "sous ses diverses formes, [elle] fait nécessairement partie de notre vie". Le refus de la souffrance est une des caractéristiques de notre époque hédoniste, c'est un thème qu'il a déjà abordé. (je me permets d'ajouter une petite remarque personnelle, étant donné le contexte particulier qui a donné naissance à cette mini-polémique: j'ai du mal à croire que Berlusconi, pour ne parler que de lui, ressente de la "souffrance" pour cette raison: mais qui sait?...)

Enfin, il est intéressant de noter qu'il réfute - avec délicatesse mais fermeté - les arguments de ceux qui invoquent l'exemple des autres confessions chrétiennes, notamment les orthodoxes, qui peuvent se remarier, "[..] mais seul le premier mariage est sacramentel: eux aussi reconnaissent que les autres ne sont pas un Sacrement, il s'agit de mariages dans une mesure réduite...", où "... le principe de l'indissolubilité, et du véritable aspect sacramentel du mariage est gravement lésé..".



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