Ce n'est pas le pape qui fait les JMJ
Tel est l'enseignement de Sydney. On a prétendu que le succès des JMJ s'expliquait par le charisme indéniable exercé par Jean-Paul II sur les jeunes générations. Faux! Ces JMJ 2008 ont donné lieu aux mêmes manifestations d'enthousiasme que les précédentes, entraînant 250000 jeunes de l'autre côté de la planète, dans ce qui est aussi une extraordinaire opération d'image pour l'Église. Benoît XVI est certes loin d'avoir avec les jeunes le même contact que son prédécesseur. Le P. Lombardi, porte-parole du pape, peut bien expliquer que «Jean-Paul II avait avec eux l'attitude du prêtre qui emmène une troupe de scouts dans les bois alors que BenoîtXVI est plus comme un professeur devant ses étudiants». En réalité, jamais Benoît XVI ne parvient au degré de complicité que le pape polonais avait avec la jeunesse. Il ne sort pas de ses textes, il reste en retrait, ne prend pas de lui-même l'initiative d'un geste, même s'il montre toujours une très grande disponibilité et une grande écoute. Cela n'a pas pour autant empêché la réussite de ces JMJ... Cela ne signifie pas que la présence du pape est accessoire. Les JMJ sont devenues pour le successeur de Pierre un incontournable rendez-vous avec l'avenir de l'Église, et les jeunes ne comprendraient pas qu'il ne soit pas là. La jeunesse est exigeante. Mais elle voit avant tout dans le pape... le pape, au-delà de la personne, démontrant au passage une belle maturité. Le pape est pris pour ce qu'il est, le garant de l'unité de l'Église qui vient les confirmer dans leur foi, point de repère indispensable dans un monde qui en est tant privé. On devine pourtant combien l'exercice même est étranger à l'univers feutré de Benoît XVI: affronter dans un stade des centaines de milliers de jeunes qui hurlent leur joie comme pour un groupe de rock doit être une épreuve bien redoutable pour cet intellectuel pudique. Il sait bien qu'il n'a pas le choix. Il le fait à sa manière, de professeur et d'intellectuel, et les jeunes lui en sont infiniment reconnaissants. Les JMJ perdurent au-delà de leur fondateur. Elles sont devenues, notait le cardinal Pell, archevêque de Sydney, un point de référence de l'histoire de l'Église contemporaine. ----------------
Surprenante jeunesse. «Vous êtes les prophètes de ce nouvel âge», leur lance, le dimanche, Benoît XVI. Des prophètes d'une grande diversité. «C'est Dieu qui nous unit», affirme Héloïse, 16 ans...
Des «prophètes», donc, mais singulièrement respectueux. Qui peuvent écouter sagement, pendant 25 minutes, un homme de 81 ans leur lire sur un ton appliqué un long développement sur l'Esprit Saint et saint Augustin. Le pape, comme l'a noté plus tard le P. Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, « n'a pas joué devant les jeunes sur l'émotion, ni la rhétorique facile. Il a utilisé le ton de la catéchèse, en proposant un texte riche de contenu théologique et spirituel». Certes. Mais il faut bien reconnaître que, samedi soir, le texte du pape, une magnifique méditation sur l'Esprit Saint, est passé totalement au-dessus de la tête de la plupart des 250.000 auditeurs... Faut-il s'en plaindre? Pour Héloïse, très préparée à ces JMJ, peu importe, «on lira ensuite les traductions». «Benoît XVI ne parle pas à des enfants, mais à des chrétiens, note-t-elle. Il nous dit que nous sommes pour quelque chose dans la mission de l'Église.» Un jeune Américain se réjouit presque de la difficulté: «Nous sommes quand même ballottés par nos idées. Là, quelqu'un en qui nous avons confiance nous confirme ce qu'on pense, ça fait du bien. » Certes, mais une animatrice regrette quand même que le pape ne se soit pas mieux adapté au public: «Parler de l'unité de l'Eglise et de saint Augustin à des adolescents, ce n'est pas vraiment entrer dans leurs préoccupations.» Le texte est destiné à être repris ensuite: «Pour BenoîtXVI, il faut travailler pour approfondir sa foi, il donne là un matériel de réflexion que les jeunes peuvent emporter avec eux, et qui durera», explique encore le P. Lombardi. Avec ces jeunes, le pape a évité une vision négative de la religion, n'évoquant ni interdits, ni morale sexuelle. Il est parvenu, en parlant de la foi, à sortir de ce piège qui enferme le discours de l'Église dans ce domaine depuis des années. En revanche, il leur a demandé d'avoir une foi «solide et ouverte, cohérente et dynamique, vraie et toutefois »
|