JMJ: un Pape qui enchante les jeunes

Une interviewe de Sandro Magister, qui rétablit certaines vérités sur le charisme de Benoît XVI (24/7/2008)

Le grand vaticaniste italien n'hésite pas à avouer que certaines interventions du Saint-Père l'ont "laissé sans voix"!



Un Pape qui enchante les jeunes, les portant à l'essence même du fait chrétien
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Dire des choses fortes mais compréhensibles aussi aux simples, au point de parler de la bible toute entière comme d'une grande histoire d'amour entre Dieu et l'homme, culminant avec le "oui" de Marie à l'Ange ( cf JMJ: Le "oui" de Marie ).
C'est dans ce mélange de profondeur intellectuelle et de clarté communicative que Sandro Magister, vaticaniste de l'hebdomadaire "L'Espresso", identifie l'originalité de ce pape, qui, à Sidney, a été encore une fois capable d'enchanter des centaines de milliers de jeunes.



Q: Benoît XVI a commencé ces JMJ en parlant d'un monde menacé par une conception de la liberté de l'homme détachée de la vérité. Il l'a dit en se référant à la Création (il creato) mais aussi à la vie menacée par des actes comme l'avortement. Cela semble une synthèse d'éléments et d'arguments différents.
R: Benoît XVI, avec ce type d'argumentation en chaîne, a en effet répondu à une objection courante.
Que ce soit de la part des laïcs, ou d'une certaine fraction du monde catholique, on voit monter une critique de la hiérarchie ecclésiastique, et en particulier du Pape, parce qu'il insisterait trop sur les thèmes de la défense de la vie et de la famille, et à l'inverse, il serait très réservé sur d'autres urgences, comme l'"écologie", ou ce que nous pourrions définir comme "l'écologie sociale". Le Pape a démontré que ces différents thèmes sont tout à fait connectés entre eux: il ne peut exister de courant qui défende l'un sans défendre l'autre.

Q: Sur quoi se fonde cette synthèse, dans l'argumentation du pape?
R: En arrière-plan du discours du pape émerge le dessein de la création, comme il l'a lui-même montré et illustré dans sa prédication: au sommet de la création, il y a l'homme. L'homme est à l'image de Dieu, et donc la quintessence du sens de la création dans son ensemble. C'est pourquoi défendre la vie de l'homme inclut déjà au départ l'engagement inéluctable pour la défense de tous les autres aspects de la création.

Q: Dans ces journées à Sidney, il a eu aussi une rencontre importante avec les représentants des autres confessions. A cette occasion, le pape a parlé de "point critique" dans le dialogue oecuménique. Qu'entendait-il par là?
R: Cette phrase a été interprétée par beaucoup de commentateurs comme une référence explicite à la situation de crise dans laquelle se trouve l'Eglise anglicane. En réalité, en lisant le discours du pape dans son intégralité, cette référence au "point critique" est de caractère plus général. Il a voulu exprimer sa préoccupation pour la tendance à pointer presque avec un soupçon de culpabilité les doctrines que chacune des confessions chrétiennes défendent comme bases de leur propre identité.
Autrement dit, le Pape a dénoncé un courant de pensée très répandu, selon lequel pour arriver à l'unité des Eglises, il faut mettre de côté, ou à l'arrière-plan, les différences doctrinales, comme si elles comptaient moins. Il a à l'inverse souligné que l'on ne peut envisager un oecuménisme du dialogue, disjoint d'un oecuménisme de la vérité. Telle est la caractéristique de ce pontificat, encore confirmée ces jours-ci.

Q: On a aussi annoncé le lieu des prochaines JMJ: Madrid. Un choix significatif, au vu de la situation dans laquelle se trouve l'Eglise espagnole?
R: Ce choix était déjà dans l'air, et il était prévisible qu'après des JMJ en un lieu éloigné de l'Europe et de l'Occident, on revienne à un endroit plus proche. Certes, le choix de Madrid implique un nouveau type d'appel, et de défi lancé à la vieille Europe, qui, si l'on peut la considérer comme "aînée" dans la chrétienté, est en réalité une zone où l'Eglise souffre de difficultés notables. L'Espagne, en particulier, est révélatrice des souffrances que vit l'Eglise en Europe et en Occident.

Q: Une fois encore, durant ces journées, le pape a démenti, s'il en était besoin, l'image d'un pontife "professeur", loin de la sensibilité des jeunes. Quel est le secret de cette capacité communicative de Benoît XVI, qui étonne à chaque fois?
R: Cette capacité de communication va de pair avec la capacité de communiquer d'une manière générale avec toutes les personnes, quels que soit leur âge ou leur origine culturelle.
Il se confirmre chaque jour que le pape n'est pas fait seulement pour les "académies" mais qu'il est capable de dire des choses fortes aux simples, avec des mots simples.
Certes, ce sont des mots toujours denses et riches de sens, et non pas "faciles" (..): mais le pape est capable de dire des choses fortes à des gens qui n'ont pas besoin de diplômes universitaires pour les comprendre. C'est vrai: ce Pape surprend de plus en plus, de ce point de vue. En particulier avec les jeunes, le pari est plus haut, et il parvient toujours à le tenir.

Q: Que le Pape ait eu l'intention une fois encore de concepts forts et denses, on l'avait compris à partir du thème de ces JMJ: la force de l'Esprit Saint. Ce n'est certainement pas un argument facile pour les jeunes.
R: Les deux discours majeurs ont vraiment été d'une densité stupéfiante. Le discours de la veillée, dédié précisément à l'Esprit Saint - la personne oubliée de la Sainte Trinité, comme il l'a dit lui-même - a vraiment été une leçon de catéchisme d'une profondeur abyssale, où il n'a pas hésité à se réclamer de Saint Augustin, et, suivant ses traces, à dérouler un cours sur le sens et l'importance de l'Esprit Saint. Puis il a parlé des sacrements de l'initiation chrétienne, avec une attitude qu'on pourrait qualifier de "mystagogique": les sacrements deviennent un parcours pour s'approcher d'une manière de plus en plus profonde du "fait chrétien".
Et cela, il l'a fait tranquillement, devant une foule immense de jeunes, disant cela comme s'il s'adressait directement ('a tu par tu') à chacun d'eux, et sans penser un seul instant à s'abaisser à des compromis linguistiques pour s'attirer leur attention.

Q: Quel a été selon vous, durant ces jours le point culminant de la profondeur, et en même temps de la puissance communicative de Benoît XVI?
R: L'Angelus de conclusion, clairement écrit d'un seul jet par le pape a été d'une efficacité si "mirobolante" quelle m'a vraiment laissée sans voix. Il a raconté l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, sur fond du "oui" dit par la sainte-Vierge à l'Ange annonciateur, et il en a parlé en ces termes: l'Ancien Testament est l'histoire de longues fiançailles, l'histoire d'un amoutr qui commence son aventure. Le Nouveau Testament est l'histoire du mariage qui couronne cet amou, avec le "oui" de Marie. Après quoi le pape a ajouté: si telle est l'histoire, comme dans tous les contes, nous pourrions conclure en disant "et ils vécurent heureux et contents". Non, au contraire: notre histoire ne finit pas, mais elle commence avec le "oui" de Marie. C'est une histoire qui nous engage jour après jour.

Un Pape qui s'exprime ainsi n'est certainement pas le professeur que -de façon arbitraire- tout le monde attendait.



Les anges gardiens du Pape
Gênes: le "facteur Benoît"

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