Quand les medias surmontent leurs préjugés

Une réflexion sur les JMJ parue dans l'Osservatore Romano du 27 juillet (30/7/2008)



Elle sera encore une fois d'actualité en France dans un mois et demi.
A rapprocher de l'article de John Allen: JMJ: les "sfumature" de John Allen



Quand les medias surmontent leurs préjugés.
Stefano Girola, université de Queensland

L'OSSERVATORE ROMANO Edizione quotidiana 27 luglio 2008

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Il y a des années, quand les immigrés italiens commencèrent à célébrer les fêtes de leurs saints patrons dans les rues des villes d'Australie, la désapprobation que cela suscita dans certains milieux de la société locale avait une cause précise: avec leurs manifestations publiques de religiosité populaire, les italiens défiaient publiquement la séparation solide entre le sacré et le profane, très enracinée dans la mentalité australienne, qui relègue la religion dans la sphère strictement privée. C'est par la persistance de cette attitude que s'explique l'hostilité envers les JMJ manifestée par quelques medias australiens, dans les semaines précédentes. Un des plus importants quotidiens nationaux, "The Sydney Morning Herald", avait de façon répétée critiqué le soutien financier offert par le gouvernement de Nouvelle Galles du Sud à l'archevêché de Sidney, prévoyant en outre des conséquences catastrophiques pour la circulation, et de graves problèmes d'ordre public.

En outre, pour certains medias, l'unique sujet d'intérêt concernant les imminentes JMJ était de savoir si le Pape s'excuserait pour les abus sexuels commis par plusieurs membres du clergé local, comme il l'avait fait aux Etats-Unis. L'insistance sur cet argument atteignait son point culminant sur les écrans de la principale chaîne de télévision publique, l'Australian Broadcasting Corporation (ABC). Peu de jours avant l'arrivée du Pape, les journaux télévisés, et le magazine d'approfondissement du soir, "Lateline", avait ressorti de la poussière un cas de maltraitance sexuelle commis il y a 25 ans par un prêtre sur un homme de 29 ans, allant jusqu'à demander la démission du cardinal Pell, pour la façon dont il avait géré l'affaire en 2003. Le cas s'était ensuite dégonflé, mais qu'ABC ait mené une campagne pour conduire à la démission l'archevêque de Sidney juste à la veille des JMJ, en dit long sur l'attitude régnant dans certains medias envers l'Eglise catholique.

Les JMJ finies, le ton qui prévaut dans les medias est au contraire très positif, autant parce que les prévisions négatives du " Sydney Morning Herald" ont été démenties de façon éclatante que pour les fortes paroles de condamnation prononcées par Benoît XVI envers les abus sexuels. C'est justement sur ces mots que revient Andrew Hamilton, dans un article publié dans "Eureka Street", une revue des jésuites: "Les excuses prononcées par le Pape, avec l'accent mis sur la justice et la compassion, ont donné l'image d'un leadership exemplaire. Si les catholiques australiens parlent et agissent selon l'esprit de ces paroles, les medias cesseront graduellement d'examiner l'Eglise catholique à travers la lorgnette de la question des abus du clergé".

Le quotidien "The Australian" a lui aussi accueilli de façon positive les expressions de douleur et de solidarité pour les victimes prononcées par le Pape dans la Cathédrale de Sidney. Dans un éditorial du 21 juillet, le journal a en outre qualifié les JMJ de "l'un des plus grands succès du début du XXIème siècle: bien organisé, sûr, et joyeux".
Pour "The Australian", les JMJ ont consacré la maturité atteinte par l'Eglise australienne, exprimée de façon symbolique par cette comparaison: "Alors que l'Australie reste jeune en terme d'héritage chrétien, les stations du chemin de Croix représenté dans les rues les plus extraordinaires de la ville ont créé une expérience religieuse émouvante et intense, comme celle suscité dans les antiques sanctuaires européens". Et aussi, le fait d'avoir montré au monde des aspects de la culture et de l'art aborigènes aura été un des mérites des JMJ, selon l'éditorial, qui se concluait par ces paroles: "il se passera encore beaucoup, beaucoup de temps, avant que l'Australie ne voie à nouveau une semaine comme celle des JMJ".

Citant un sondage publié sur le quotidien "The Daily Telegraph", Brooke Newstead et Kate Sikora écrivent: "C'est officiel: Sidney a aimé les JMJ. Après avoir râlé avant l'évènement, la majorité des habitants de Sidney ont changé d'avis". Selon le sondage, 71% des personnes interrogées ont jugé comme positive pour la ville la foule des pèlerins venus du monde entier.
Neil Omerod, professeur de théologie à l'Australian Catholic University, a lui aussi déclaré à l'"Herald Sun" que le résultat triomphal des JMJ a dépassé les prévisions les plus optimistes: "en dépit de mes propres craintes, l'organisation et l'exécution des JMJ ont été excellents. L'évènement a suscité beaucoup de bonnes volontés, et de sentiments positifs de la part des jeunes envers l'Eglise et son leadership. Mais seul le temps dira si tout ceci se traduira par un changement durable dans l'attitude envers l'Eglise".
Plusieurs commentaires suggèrent que l'attention suscitée par les JMJ et la visite de Benoît XVI poussera l'Eglise catholique australienne à se comparer différemment au reste du monde: le 22 juillet, le site www.catholicc.org a rapporté les propos du Cardinal Pell: "Peut-être que dans le passé, nous autres catholiques nous sommes-nous un peu trop intéressés à nous-mêmes. A présent, nous disons très clairement que nous avons quelque chose à offrir au reste de la population australienne."
Et pour Tony Abbot, ex-ministre de la santé et catholique pratiquant, les JMJ peuvent être un tournant pour l'Eglise australienne, traditionnellement accusé d'avoire une faible conscience sociale et d'être trop préoccupée parles questions intra-ecclésiales. Dans un article publié par le quotidien "The Australian" le 22 juillet, Abbot écrit: "Pendant quelques jours, les catholiques ont émergé du ghetto mental dans lequel beaucoup s'étaient retirés, et d'ores et déjà, il est peu probable que nous serons sur la défensive, et timides comme avant".
Abbot a également vu dans les JMJ une occasion pour redéfinir l'attitude des medias envers les religions: "Si les bonnes nouvelles sur la religion ont réussi à faire les premières pages des journaux pendant une semaine entière, peut-être que certains medias pourraient reconsidérer la manière condescendante avec laquelle ils traitent invariablement les questions religieuses. Pendant au moins une semaine, les australiens semblent avoir accepté l'idée que la curiosité envers Dieu est "gravée dans nos hommes", comme l'a dit Benoît XVI. Pendant une semaine, la religion a été associé avec l'idée de mettre en lumière le meilleur des êtres humains".
Qu'une remise en question ait commencé, c'est ce que peut suggérer un éditorial du 21 juillet du "Sydney Morning Herald", si différent, par son ton, de beaucoup d'articles publiés avant et pendant les JMJ par ce même journal. Selon l'auteur de l'éditorial, "durant cette semaine, la plus matérialiste et la plus mondaine des villes australiennes s'est transformée en pèlerinage(...) Les JMJ sont évidemment un festival catholique, mais grâce à ses dimensions, elle a touché la communauté toute entière, et en retour, la communauté a ‘embrassé’ les JMJ".

Enfin, selon cet éditorial, les JMJ ont mis en évidence une image différente de Benoît XVI, un Pape qui a offert à l'Eglise locale une occasion historique de renouvellement. "Benoît XVI est arrivé au Pontificat avec une réputation d'homme d'études et de conservateur. Les JMJ l'ont montré adouci par son rôle: à ses jeunes disciples, il a révélé un visage ouvert et expansif, et ils y ont répondu par une affection sincère. Ses excuses publiques pour les abus sexuels du clergé semblent être une autre expression de cette capacité croissante d'atteindre et de toucher le cœur des croyants. Ses paroles offrent à l'Eglise catholique australienne un nouveau début pour cette question difficile".

©L'Osservatore Romano - 27 luglio 2008

Ma traduction



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