Padre Pio, le défi des documents

Article en italien ici: Padre Pio, la sfida dei documenti

Une réponse à un livre-scandale publié en Italie pour démolir la vénération envers Padre Pio.
Explication et contexte ici: Padre Pio


Soumis à l'examen de "simples" (mais néanmoins aguerris) chroniqueurs, le professeur ne passe pas l'épreuve et est invité à se représenter avec plus d'humilité et de préparation, ainsi qu'avec une objectivité studieuse réelle, et non pas partisane.
Telle serait la conclusion à tirer - pour l'instant seulement, bien entendu, car la confrontation va se poursuivre - après la lecture de "Padre Pio, l'ultimo sospetto" (le dernier soupçon), sous-titré "la vérité sur le moine aux stigmates".
Les auteurs sont Andrea Tornielli, vaticaniste du Giornale et Saverio Gaeta, rédacteur en chef de Famille Chrétienne : deux "fidèles", comme les appelle ironiquement leur contradicteur, mais qui, au-delà de leurs convictions personnelles, entendent rester toujours et seulement sur le même terrain. C'est-à-dire, celui des faits documentés.
Et, précisément sur ce terrain, tous deux portent un jugement sévère sur le travail de Sergio Luzzatto, ce "Padre Pio, Miracoli e politica nell' Italia del Novecento (Miracles et politique dans l'Italie du XXe siècle)" qui, l'automne dernier a déconcerté le monde, immense et ignorant les barrières de classes, des fidèles de Padre Pio.
Malgré les ptotestations de l'auteur de ne pas avoir voulu s'acharner sur un Saint très vénéré, les "sous-titres sarcastiques à l'intérieur des chapitres", disent Gaeta et Tornielli, révèlent ses vraies intentions : "Padre Pio est défini comme 'le petit chimiste','un mystique de clinique psychiatrique','le capucin volant', 'le saint des délateurs', 'un porteur de stigmates fasciste' (portatore di stigmate littorie?) et autres descriptions aussi empreintes de dérision".
Jusqu'ici nous sommes, de toute façon, à l'intérieur d'une liberté de recherche et de jugement qui reste respectable; par contre, il n'y a pas lieu de respecter, mais plutôt de dénoncer comme de graves fautes dans le cadre d'un travail universitaire, des méthodes qui doivent être considérées comme inacceptables. Avant tout, ce que montrent du doigt les deux journalistes (en réalité, chacun d'eux a derrière lui des livres d'histoire) est la supposition de Luzzatto qui, dès la couverture de son essai, dit des choses très fortes: "Nous croyions déjà tout savoir sur Padre Pio. Et nous ne savions au contraire presque rien. Avant cette recherche, la figure du capucin aux stigmates était liée seulement à la foi des uns, et à l'incredulité des autres ".
Après ces prémisses, vient l'annonce de la "libération" :
"Maintenant, grâce au monumental travail de recherche dans les archives sur lequel se base ce livre, Padre Pio est désormais replacé dans l'histoire du vingtième siècle".
En somme : avant le professeur, ordure dévotionnelle et sensationalisme journalistique, mais bien peu de traces d'enquêtes sérieuses par des professionnels. Mais maintenant, enfin, "les documents d'archive de l'ex- Saint-Office sont utilisées pour la première fois".
Ceci, dénoncent Gaeta- Tornielli, est une affirmation frauduleuse: avant tout parce que ces documents, sans exclusion, ont été examinés, passés au crible, discutés dans les procès, d'abord de béatification et ensuite de canonisation. Mais il y a plus : les deux journalistes, munis d'une simple lettre de présentation, ont pu accéder à ces mêmes archives, présentés comme inaccessibles et violés pour la première fois.
Au point que le postulateur de la cause de Padre Pio, commentant le livre de Luzzatto a dit, a dit, plus surpris que fâché: "Tout ce qui a été vendu comme inédit ou comme révélation était déjà abondamment connu et grandement éclairci pendant le procès. Dans le cas contraire, Padre Pio n'aurait jamais pu être élevé aux autels ".
De là, l'accusation majeure que Gaeta et Tornielli adressent à l'historien, au-delà des imprécisions et des erreurs qui elles aussi, selon eux, abondent. "Luzzatto a travaillé comme quelqu'un qui - après la reconnaissance de l'innocence d'un accusé par la cour de Cassation - repêchait les indices rassemblés au cours du premier procès pour chercher à poursuivre à nouveau l'acquitté en justice.
L'historien, donc, semble vouloir repartir de zéro: il ignore le travail de décennies de la part de commissions médicales, d'experts divers, d'historiens, il revient en arrière et il s'arrête aux premiers soupçons, en les présentant comme de graves chefs d'accusation, sans se soucier des explications qui ont suivi.
Parmi les points disputés, celui des origine des stigmates est évidemment central : marques surnaturelles? Somatisme hystérique? Escroquerie préméditée et qui s'est poursuivie pendant au moins un demi-siècle? A la sortie du livre de Luzzatto, les journaux ont mis en relief, bien sûr, l'ombre inquiétante d'un Padre Pio "petit chimiste" (ainsi que l'appelle l'historien), dans un couvent où circulaient des "petites bouteilles et des maxi-bouteilles d'acide phénique" et des "paquets de poudre de veratrine (ndt: Alcaloïde extrait de l'ellébore blanc, aux propriétés hypotensives.").
Les fidèles sont resté interdits, pensant à quelque sensationnelle démystification, alors que Gaeta et Tornielli - dossier en main - ne semblent pas avoir de mal à reconstituer comment les choses se sont vraiment passées. Une reconstruction qui a convaincu les sévères commissions du procès de béatification, qui avaient à leur disposition non seulement les documents utilisés par Luzzatto, mais aussi d'autres omis par lui, puisqu'ils ne rentraient pas dans sa ligne d'interprétation.
Ligne dont fait certainement partie - comme l'indique le sous-titre même du livre - une attention spéciale à la politique.
Luzzatto, disent ses deux contradicteurs - comme beaucoup de ses collègues - a absorbé l'idéologie ayant prédominé jusqu'à ces derniers temps: tout, donc, est réduit par lui à des catégories politiques, économiques, sociales. La tentative de présenter Padre Pio comme une icône du "clérico-fascisme" porterait à une déformation de cette figure pour laquelle, à l'inverse, cette dimension sincèrement religieuse qui est ici dévalorisée, est absolument fondamentale.
À ce propos, la dénonciation par Gaeta et Tornielli de la manipulation du sanglant mouvement de foule survenu en 1920 à San Giovanni Rotondo est vraiment surprenante.
À la fin de leur harangue, Gaeta et Tornielli lancent une sorte de défi: "Nous nous sommes proposés de faire la clarté, examinant toutes les objections contre la sainteté de Padre Pio. À l'épreuve des faits, personne n'a résisté ".

Désormais, la parole revient à nouveau à Sergio Luzzatto. Après quatre-vingt-dix ans de polémiques la bagarre sur le "moine aux stigmates" n'a aucune intention de se calmer. Chose prévisible, du reste, pour celui qui, pour ses fidèles, a été considéré une sorte de mystérieux alter Christus.


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