Le Pape a désarmé l'aile gauche de l'Église

Vittorio Messori réagit à un dossier consacré à Benoît XVI par le NY Times Magazine. Cela date d'avril 2007, mais là encore, à la veille du voyage aux USA, c'est totalement d'actualité. (6/4/2008)
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Il y a tout juste un an, dans son numéro daté du 8 avril 2007, le NY Times Magazine (i.e. l'édition hebdomadaire du "prestigieux" quotidien) consacrait sa couverture, et un important dossier en pages intérieures, au pape Benoît XVI.
J'ai retrouvé le lien vers l'article, mais pas la couverture: www.nytimes.com/2007/04/08/magazine/...
Il serait sans doute intéressant (à défaut d'être réconfortant!) de le traduire, je le ferai si je trouve un moment...

C'était sans doute un évènement, et le Corriere della Sera lui consacrait un article, qui donne en particulier la parole à Vittorio Messori.
Même si le Corriere della Sera fait partie des grands media occidentaux qui façonnent l'opinion, et souvent pas en bien, on y sent une sorte de "solidarité latine" envers le pape (et la parole laissée à V. Messori en est une manifestation), que je trouve assez réconfortante.

Il y a un lien évident avec le sondage réalisé par le Pew Forum, juste avant la visite du pape, et dont nous faisions un compte rendu (critique!) dans ces pages: (*).
On y lisait en effet que les américains connaissaient très peu le pape, et que parmi ceux qui pensaient pouvoir formuler une opinion, 18% avaient de lui une opinion défavorable. Ce que je trouve personnellement impensable!
Pas étonnant, s'ils en ont entendu parler à travers le NYT, ou l'un des sous produits médiatiques qu'il n'aura pas manquer de générer, à l'égal du "Monde" chez nous...


http://www.et-et.it/articoli2007/a07d08.htm
"Il Pontefice ha disarmato l'ala sinistra della Chiesa"
Un bilancio del pontificato di Benedetto XVI,
in copertina su New York Times Magazine
8 avril 2007. Corriere della Sera.
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"Le Pontife a désarmé l'aile gauche de l'Église"
Gian Guido Vecchi

L'"Antiséculariste" Benoîtt XVI salue (en dessin) sur la couverture du New York Times Magazine, l'édition dominicale du plus prestigieux quotidien au monde, onze pages qui semblent presque vouloir faire le point sur Ratzinger et son pontificat, l'enfance en Bavière et la leçon de Ratisbonne, l'Islam et "le gouffre" entre "les règles du Vatican" et "la vie de la plupart des catholiques", l'"assouplissement" de l'homme "connu comme le Rottweiler de Dieu" et en même temps l'anxieté de ramener l'Europe sécularisée "à ses racines", le tout résumé dans un portrait bien plus aigre que doux (sans oublier la référence au scandale des prêtres pédophiles et aux "responsabilités du Vatican") en deux lignes tranchantes comme un stylet : "Un point à noter dans la papauté de Benoît a été d'avoir en grande partie d'avoir désarmé l'aile gauche de l'Église".

Vraiment?
"Plus que désarmés par le Papa, j'ai l'impression que les catholiques progressistes, y compris aux USA, s'étaient leurrés sur son compte", sourit Jeff Israely, correspondant et vaticaniste de l'hebdomadaire Time.
C'est classique, ils prennent leurs désirs pour des réalités, explique-t'il, c'est-à-dire "leur auto-conviction que Benoît XVI allait être ce qu'ils voulaient qu'il soit, ce que nous appelons ici l'effet Nixon en Chine".
- Et quel rapport avec Nixon ?
"On disait que seul un anticommuniste comme Nixon pouvait accomplir ce voyage. De la même manière, tout le monde savait que, depuis au moins vingt ans, Ratzinger représentait une vision conservatrice dans l'Église, son élection a été vécue par les progressistes comme une défaite totale, mais ensuite ils ont dit : attendons, c'est justement pour cela qu'il sera un grand réformateur...
Ainsi jusqu'à présent ils se sont tenus tranquilles et pleins d'espoir ".

Dans cette perpective, "la ligne de partage des eaux" pourrait être la publication du motu Proprio de Benoît sur la messe en latin, et la sortie d'un quotidien "libéral" comme le New- york Times est le signal que les illusions restantes se sont évanouies. Au moins, de l'autre côté de l'Atlantique.

De ce côté-ci il y a l'écrivain Vittorio Messori, qui s'amuse beaucoup à lire que pour le quotidien américain, la Congrégation pour la doctrine de la foi "est le bureau autrefois connu comme l'Inquisition" ("Mais bien sûr! On se rendait au Saint-Office, et sur la porte, il y avait inscrit: 'Inquisition!'"); et de soupirer : "La malédiction du media system, pas seulement américain mais occidental, est d'appliquer à l'Église les catégories avec lesquelles il lit les évènements politiques. De cette façon, on empêche les gens de comprendre : ça n'a aucun sens de se demander si Jésus était de droite ou de gauche, conservateur ou progressiste. Ce sont des moyens inefficaces, comme si on employait un tournevis plutôt que des pinces. Et plus les analyses sont sophistiquées, plus elles se trompent de manière retentissante".
Comme sur Ratzinger, que Messori interviewa "trois jours et trois nuits durant" en écrivant en 1985 le célèbre Rapport sur la foi: "Pendant vingt ans, j'ai cherché à démolir la légende noire du Panzerkardinal, le Grand Inquisiteur. Quelqu'un de si terrible qu'il me vint l'envie d'arrêter le magnétophone et de me confier à lui, de me confesser devant cet homme timide et compréhensif, de grande culture, équilibre, sagesse et bonté. Lorsque il est devenu Pape j'ai dit: finalement, maintenant ils le verront! Et en effet, il remplit les places, les gens l'entendent ".

Un sourire : "Si les américains, les pauvres, donnent une lecture politique, patience. L'Église en a vu d'autres ".
La première réaction du philosophe Giovanni Reale est elle aussi une perplexité spontanée: "Excusez-moi, mais 'aile gauche', dans quel sens ? Que vient faire la politique?".
Après quoi le penseur catholique auquel Jean-Paul II confia la publication de ses écrits philosophiques et poétiques se souvient "de la leçon" qui lui donna Wojtyla : "Il me dit : 'Sur le livre ne mettez pas le nom Jean-Paul II, mais Karol Wojtyla, parce que j'ai écrit ces pages comme homme du siècle et pas comme Pape. Ce que je dois faire comme Pontife est de répandre la parole du Christ, comme Pierre '".
Une leçon "que Ratzinger s'est appropriée, et qui fait de cet 'assouplissement' quelque chose de beaucoup plus radical par rapport à ce que pense le New-York Times : Benoît XVI sait que les idées du théologien Ratzinger ne sont pas celles du Pape, là aussi est sa grandeur ".
Du reste il suffit d'entendre le professeur Giuseppe Alberigo, père de la Fondation pour les Sciences religieuses de Bologne, et point de référence des (soi-disant) progressistes : "Le chrétien Ratzinger a une vie très longue et complexe, du grand théologien rénovateur qu'il fut auprès du cardinal Frings pendant le Concile jusqu'à Benoît XVI. Le réduire à un schéma grossier est insensé en plus d'être prématuré, après seulement deux ans. Et dire que le Pape aurait désarmé cette gauche imaginaire est une bêtise inconcevable".

© Corriere della Sera


(*)

Voir ici:
http://benoit-et-moi.fr/USA/...

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