L'islam s'invite dans la Semaine Sainte

La nouvelle est sortie pendant la Semaine Sainte, le mythique Ben Laden, tel un croque-mitaine, refaisant fort à propos parler de lui.
Reprenons une dépêche "neutre" de Reuters publiée le 19 mars:


Ben Laden cible l'UE et le pape...

Ben Laden cible l'UE et le pape sur les caricatures de Mahomet
REUTERS | 19.03.2008 |
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Cinq ans exactement après le déclenchement de l'invasion de l'Irak, le numéro un d'Al Qaïda, Oussama ben Laden, a diffusé sur internet un message audio dans lequel il s'en prend à l'Union européenne et au pape concernant les caricatures du prophète Mahomet parues dans la presse.
Dans un message d'un peu plus de cinq minutes, Ben Laden menace l'UE de châtiments graves au sujet de la reparution dans certains journaux de ces caricatures jugées offensantes par les musulmans.
Selon lui, ces caricatures, qui initialement avaient été publiées par un journal danois, le Jylland Posten, participent d'une "croisade" avec laquelle le pape Benoît XVI a partie liée.


Une menace bien réelle

Si l'homme est mythique, la menace , elle, bien réelle, même si le directeur de la salle de presse du Vatican, le Père Lombardi, en a immédiatement minimisé l'importance.
Il n'y a évidemment aucun rapport entre le pape et les caricatures de Mahomet (le Saint-Père s'est toujours élevé avec force contre la dérision s'adressant aux croyances et aux symboles religieux), et rien n'est plus éloigné de ses intentions que l'idée d'une croisade; il faut croire que certains se plaisent, ou ont intérêt, à cultiver l'amalgame, surtout au moment où le Vatican fait des efforts pour essayer de maintenir un dialogue avec les musulmans.


Episode suivant: étant donné la masse de photos reproduisant la scène qui ont circulé sur internet, on ne peut ignorer que, lors de la Veillée pascale, le Saint-Père a donné le baptême à un journaliste musulman vedette, directeur-adjoint d'un grand journal italien et connu pour ses prises de position contre l'islam "radical".
Voici le récit assez complet et objectif du site de la télévision belge:


Le baptême de Magdi Allam

http://www.rtbf.be/i
La veillée pascale, qui fait revivre le passage de la mort à la résurrection, est traditionnellement marquée par des baptêmes d'adultes. Parmi les sept personnes choisies cette année par le pape figurait le journaliste italien d'origine égyptienne Magdi Allam, 55 ans, éditorialiste et vice-directeur du Corriere della Sera, longtemps présenté comme un « musulman modéré » avant de se rapprocher de l'Eglise catholique.
Magdi Allam a écrit plusieurs essais polémistes sur le Proche-Orient et a organisé en 2006 à Rome une manifestation de soutien aux chrétiens des pays arabes et musulmans.
« Pour l'Eglise catholique toute personne qui demande à recevoir le baptême après une profonde recherche personnelle, un choix pleinement libre et une préparation adéquate a le droit de le recevoir », a précisé samedi le porte-parle du Vatican Federico Lombardi.
Dans son rapport avec l'islam et les autres religions, le Vatican insiste sur l'importance de la liberté religieuse et notamment sur le respect du droit à changer de religion.
Le journaliste italien Magdi Allam explique sa conversion ce dimanche dans le Corriere della Sera et accuse l'islam d'être « physiologiquement violent et historiquement conflictuel ».
Magdi Allam rappelle dans une longue lettre à son journal que ses prises de position publiques contre l'islamisme et l'extrémisme musulman lui ont valu des menaces de mort le conduisant à vivre sous protection depuis cinq ans.
« J'ai dû prendre acte que, au delà (...) du phénomène des extrémistes et du terrorisme islamique au niveau mondial, la racine du mal est inhérente à un islam physiologiquement violent et historiquement conflictuel », écrit-il.
Sur le ton polémique qui l'a rendu célèbre en Italie, Magdi Allam raconte qu'au cours des années son « esprit s'est affranchi de l'obscurantisme d'une idéologie qui légitime le mensonge et la dissimulation, la mort violente qui conduit à l'homicide et au suicide, la soumission aveugle à la tyrannie, me permettant d'adhérer à l'authentique religion de la Vérité, de la Vie et de la Liberté ».

Il estime qu'en acceptant de le baptiser publiquement, le pape « a lancé un message explicite et révolutionnaire à une Eglise qui jusqu'à présent a été trop prudente dans la conversion des musulmans », « par peur de ne pas pouvoir protéger les convertis face à leur condamnation à mort pour apostasie ».

Les principaux théologiens musulmans considèrent que l'islam interdit aux musulmans de changer de religion, ce qui est passible de mort dans certains pays.
« En Italie il y a des milliers de convertis à l'islam qui vivent sereinement leur foi (...) mais aussi des milliers de musulmans convertis au christianisme qui sont contraints de cacher leur nouvelle foi par peur d'être assassinés par les terrorismes islamistes », souligne Magdi Allam.
Le journaliste a choisi pour prénom de baptême Cristiano (Christian), peu usité en Italie.


Sans porter aucun jugement sur l'évènement, ni sur sa médiatisation, je suis étonnée et surtout inquiète de lire sa déclaration (je n'ai pas eu le temps d'en lire la version originale, qui réserverait peut-être des surprises) que je trouve inutilement provocatrice, en tout cas assez éloignée du "style Benoît XVI", selon laquelle en "acceptant de le baptiser publiquement, le pape « a lancé un message explicite et révolutionnaire à une Eglise qui jusqu'à présent a été trop prudente dans la conversion des musulmans »"

Magdi Allam avait-il le droit d'instrumentaliser un acte religieux au profit d'une "cause", aussi juste soit-elle, et surtout de "recruter" le Pape pour le faire, au risque de compromettre jusqu'à sa sécurité?

Et est-ce de cette inquiètude-là, qu'Andrea Tornielli nous fait part dans cet article?


Une accolade et un doute

http://blog.ilgiornale.it/tornielli/
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La nuit de Pâques, le directeur-adjoint du "Corriere della Sera" Magdi Allam a reçu le baptême de Benoît XVI, devenant chrétien. Il a d'ailleurs choisi Cristiano (ndt: Christian, en italien, le mot "chrétien" se traduit également ainsi) comme nom de baptême.
À lui, contraint de vivre sous protection, j'adresse une accolade fraternelle et mon souhait de Bonne Pâques.

J'en arrive au doute : vues les positions très fortes (et très contestées) prises par Magdi Allam contre le fondamentalisme et ses infiltrations en Occident, je me demande s'il était vraiment opportun que le baptême se déroulât à Saint-Pierre avec le Pontife comme célébrant.
Déjà le fait qu'Allam se soit converti a une haute valeur symbolique, étant donnée l'histoire de son protagoniste. La célébration par le Pape, au cours de la veillée Pascale amplifie énormément ce symbolisme, dont la portée aurait été réduite si Allam avait reçu le baptême dans sa paroisse, sans les caméras.
Ce matin, j'ai fait part de mon doute à un ami qui occupe une poste de responsabilité en Vatican : il m'a assuré que - bien entendu - la portée du geste avait été tenue bien présente à l'instant de la décision. J'ai confiance donc dans la sagesse de ceux qui gouvernent l'Église, dans la décision du Pape et de ses collaborateurs.


Ratisbonne bis?

Dernier épisode:
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La presse occidentale, consubstantiellement hostile au Pape, n'attend qu'une occasion pour mettre de l'huile sur le feu.
Un exemple, lu aujourd'hui sur le site de Libération (dont, à vrai dire, pas grand chose ne peut me surprendre) qui mélange le Tibet (récente polémique sur le "silence" du Saint-Père) et l'Islam pour faire ce commentaire d'une insondable ineptie, destiné entre autre à accréditer auprès d'une "certaine" opinion le mensonge d'un pape "combatif" dans ses relations avec l'islam (on sait ce qui en était résulté après Ratisbonne):


"Le pape lui-même, qu’on connaît plus combatif quand il s’agit de ses relations avec l’islam, s’est contenté hier de mettre le Tibet en queue de sa liste des situations pour lesquelles il faut trouver des «solutions qui sauvegardent le bien et la paix». Fermez le ban. Cette déclaration a minima venant après le baptême d’une Chinoise, on comprend l’idée : Benoît XVI s’intéresse lui aussi au «marché» (ndr:!!!) chinois. Pas question de se fâcher avec la Chine, gigantesque réservoir potentiel de catholiques. Silence gêné donc, mais silence quand même. "
(Libération, 24/3/2008)


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