Au moment où la presse bruit (avec quelque malveillance, du moins en France) de "la main tendue de Benoît XVI aux traditionalistes" et de l'ultimatum lancé par Rome envers les "lefebvristes" dans le but de les réintégrer dans la communion avec Rome, insistant en particulier sur les signes que le Saint-Père ne cesserait de leur envoyer via des célébrations liturgiques prétendument de plus en plus tournées vers le passé (*), il est intéressant de relire ce que le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi disait de la réception de la communion - debout ou à genoux, dans la main ou sur les lèvres, et on verra que sur ces deux points, il ne témoigne d'aucune crispation - mais aussi du bricolage de la liturgie devenu monnaie courante après Vatican II, et de "la réforme de la réforme" espérée par lui. Il faut lire en particulier le dernier paragraphe, pour comprendre que son intention, loin de vouloir opérer un repli frileux vers le passé, via la hiérarchie, est de créer, depuis la base "un torrent impétueux", qui pourrait amener le renouveau.
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"Voici quel est notre Dieu", pages 287 et suivantes ---------------------- - Question: Comment se comporte-t-on lors de la réception de la sainte communion ? - Réponse: Comme il convient à la présence du Seigneur. Les signes de respect ont varié au cours du temps. Mais l'essentiel est que le comportement corporel exprime le recueillement intérieur et le respect. Autrefois on recevait la communion à genoux, ce qui avait un sens. De nos jours, on la reçoit debout. Mais cette attitude debout doit, elle aussi, exprimer le respect devant le Seigneur. L'attitude à genoux ne doit en aucun cas disparaître dans la pratique de l'Église. C'est l'attitude corporelle qui représente le mieux le contenu de la piété chrétienne : d'une part nous sommes redressés, le regard orienté vers lui, vers le haut, et de l'autre nous nous abaissons.
- Q: « L'homme n'est jamais aussi grand, disait Jean XXIII, que lorsqu'il est à genoux. » - R: Je crois que c'est pour cette raison que cette attitude, qui est une des formes originelles de la prière dans l'Ancien Testament, est inaliénable pour le chrétien.
- Q: La communion : dans la main ou dans la bouche? - R: Là-dessus je ne serais pas pointilleux. La communion dans la main existait déjà dans l'Église primitive. Lorsqu'elle est respectueuse, elle est une manière sensée de communier. ....
- Q: On ne peut passer sous silence la critique de la liturgie actuelle. À beaucoup elle ne paraît pas assez sainte. Une réforme de la réforme serait-elle nécessaire pour la rendre de nouveau plus sainte ? - R: On aurait besoin pour le moins d'une nouvelle conscience liturgique, pour faire disparaître cet esprit de bricolage. On en est arrivé à ce que des cercles liturgiques se bricolent eux-mêmes une liturgie du dimanche. Ce qui en résulte, c'est certainement la production de quelques intellectuels doués qui se sont imaginé quelque chose. Je ne rencontre plus par là le Tout-Autre, le Saint, qui se donne à moi, mais les capacités de quelques-uns. Je m'aperçois que ce n'est pas cela que je cherche. C'est trop peu, c'est autre chose. Ce qu'il y a de plus important aujourd'hui, c'est le respect de la liturgie et du fait qu'on ne peut pas la manipuler. C'est de réapprendre à la considérer comme un organisme vivant et offert, par lequel nous participons à la liturgie céleste. C'est de ne pas y chercher notre propre accomplissement, mais le don qui nous advient. Je crois que ce qui est prioritaire c'est que cette manière de faire personnelle et arbitraire disparaisse et que s'éveille le sens intérieur pour le sacré. Dans une deuxième étape, on pourrait voir dans quel domaine on a supprimé trop de choses, et que la cohérence avec toute l'histoire puisse redevenir plus évidente et plus vivante. J'ai moi-même parlé dans ce sens de « réforme de la réforme ». Dans mon idée ce devait d'abord être un processus pédagogique, pour marquer un point d'arrêt à ce piétinement de la liturgie par des inventions personnelles. Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu'en 1970. Celui qui, à l'heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique, est traité comme un lépreux : c'est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu'on n'en a pas connu durant toute l'histoire de l'Église. On méprise par là tout le passé de l'Église. Comment pourrait-on avoir confiance en elle au présent, s'il en est ainsi. J'avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d'intolérance, qui s'oppose aux réconciliations nécessaires dans l'Église sans raison valable.
- Q: Quand viendra réellement ce deuxième pas dont vous parliez, cette réforme de la réforme ? - R: Tout comme le mouvement liturgique, qui a abouti à la réforme de Vatican II, s'est développé lentement avant de devenir par la suite un torrent impétueux, ainsi importe-t-il actuellement qu'une impulsion vienne des croyants qui célèbrent. Et aussi qu'il y ait des lieux exemplaires, où la liturgie est célébrée dans les règles de l'art et où il est possible d'expérimenter ce qu'elle est réellement. Si alors de l'intérieur même d'une telle célébration naît un mouvement et que ce n'est pas simplement quelque chose imposé d'en haut, alors le renouveau se fera. Je crois que dans la nouvelle génération un mouvement qui va dans cette direction est effectivement en train de naître.
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A ce sujet, le site Pro Liturgia publie aujourd'hui un article - un peu sévère, quand même, pour les commentateurs, car comme en témoigent les deux articles cités ici (**), les intentions ne sont pas toutes hostiles, au moins en Italie - qui recadre les prétendues retours à la liturgie ancienne récemment introduits dans les célébrations pontificales:
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DESINFORMATION OU IGNORANCE?
Sur plusieurs sites internet et dans plusieurs journaux, on lit que "Benoît XVI a introduit plusieurs éléments de la liturgie ancienne dans les célébrations qu'il préside." Ce genre d'affirmation vient de personnes qui ne connaissent rien en liturgie en général et rien à la liturgie actuelle en particulier. Où voit-on, en effet, que le pape reprend des éléments de la liturgie ancienne? Serait-ce l'agenouillement pour recevoir la communion? Sûrement pas puisque ce geste a toujours fait partie de la liturgie actuelle. Qu'en France il n'ait plus été possible de communier à genoux est un autre problème qui n'a rien à voir avec la liturgie actuelle mais plutôt avec la désobéissance des clercs qui ont enseigné que pour être dans l' "esprit du Concile", il ne fallait plus s'agenouiller à la messe. Faut-il rappeler à ceux qui se veulent fidèles à l'enseignement conciliaire que le missel actuel demande aux fidèles de se mettre à genoux durant la consécration? Où cela se fait-il? Où cela peut-il se faire? En peu d'endroits... puisqu'on a presque partout enlevé les agenouilloirs dans les églises, probablement pour laisser davantage de place aux fidèles qui composent nos assemblées de plus en plus réduites. Serait-ce la célébration vers l'Orient? Relisons le missel actuel pour constater qu'elle n'a jamais été abrogée par Vatican II. Elle fut interdite en France où l'on a partout placé des caisses ou des tables pour célébrer systématiquement la messe "face au peuple". Serait-ce les beaux ornements (chasubles, aubes, surplis)? Il n'ont jamais été supprimés par la restauration liturgique voulue par Vatican II. Mais en France on a préféré généraliser l'emploi d'aubes-jdellabas portées sans cordons et qui contribuent à l'enlaidissement de la liturgie. Serait-ce le latin et le grégorien? Ils n'ont jamais été supprimés par le Concile. Bien au contraire: Vatican II a donné une place de choix à ces deux éléments constitutifs de la liturgie romaine. Mais en France, on a interdit l'usage du latin et du grégorien aussi bien dans les paroisses que dans les séminaires. Conclusion: contrairement à ce qui est affirmé dans les médias, Benoît XVI n'introduit aucun élément de la liturgie ancienne dans les célébrations qu'il préside. Il ne fait que nous montrer la distinction que devraient avoir nos messes si ceux qui sont chargés de les célébrer respectaient vraiment ce concile Vatican II qu'ils prétendent connaître et appliquer.
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