Les intégristes rejettent l'ultimatum

Tel est le titre de l'article du "Monde". Mais la vérité est plus nuancée. Et surtout, on en sait plus sur l'origine des pourparlers. (1er/7/2008)


L'origine en serait une Colère papale (Minute du 24 juin)
Une juste colère, cela va sans dire.
Bravo, cher Saint-Père!


Rapprochement avec la fraternité Saint-Pie X

La presse internationale (qui ne s'y intéresse pas tant que ça, preuve que nous sommes loin d'être le centre du monde) et française, surtout, titre sur "l'échec" du rapprochement.
Témoin ces articles d'Henri Tincq, et d'Hervé Yannou, fermant définitivement la porte à l'accord, guère surprenants - le premier particulièrement réjoui de ce qu'il appelle "le nouvel affront" essuyé par le pape!!.

Sans qu'il y ait eu au départ de la part d'Andrea Tornielli d'autre intention que celle, bien humaine du scoop - bienveillant - et le souhait sincère que les "négociations" aboutissent, force est de constater que la publication peut-être prématurée d'une information destinée à demeurer discrète fait penser à une manipulation (qui évoque furieusement les épisodes ayant précédé la publication du Motu proprio Summorum Pontificium, survenue l'an dernier à la même époque, mais annoncée et réannoncée bien avant, en fait dès les premiers mois du Pontificat). Ce qui ne signifie pas qu'elle en est une à coup sûr. Et le journaliste italien peut très bien en avoir été l'outil involontaire.

Comme je l'avais écrit la semaine dernière, (Ultimatum du Saint-Siège aux lefebvristes?), le scoop de Tornielli était assez simpliste, et appelait certainement des nuances. Un conflit aussi profond ne peut pas se résoudre en répondant à ce qui était présenté avec la forte charge péjorative que contient le mot "ultimatum" - surtout un ultimatum en cinq points (c'est bien peu!) auquel on n'a que 7 jours pour y répondre (idem).

Quoiqu'il en soit, il semble que les conclusions de la presse française soient elles aussi prématurées, et sans nul doute à nuancer.


L'article du Monde

Les intégristes rejettent l'ultimatum du Vatican
LE MONDE | 28.06.08 |
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Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X à Ecône (Suisse), chef des catholiques traditionalistes, a rejeté, vendredi 27 juin, l'essentiel du protocole adressé par le Vatican en vue de sortir du schisme.
Sa réponse n'a pas été publiée, mais les réactions enregistrées dans le milieu intégriste, après la publication du texte de Benoît XVI assorti d'un "ultimatum" au 30 juin, indiquent que, malgré sa "main tendue", le pape doit essuyer un nouvel affront.

Le chef des traditionalistes salue la volonté de conciliation exprimée par le pape, dans son motu proprio de juillet 2007 donnant un nouvel élan à l'ancienne messe en latin, et par le cardinal Castrillon-Hoyos, président de la commission Ecclesia Dei, chargée de négocier avec les intégristes. Mais cela ne changera rien, assure-t-on à Ecône.

Le protocole adressé par Rome à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X exige le respect de la personne du pape et la renonciation à toute polémique. Mais pour les traditionalistes, les propositions faites sont "trop imprécises" et la méthode inadaptée à l'ampleur du désaccord doctrinal.

Lors d'une cérémonie d'ordination, vendredi 27 juin à Ecône, Mgr Alfonso de Galaretta, évêque argentin excommunié, a souhaité que les questions de fond (doctrine, liturgie, appréciation du concile Vatican II) soient abordées, avant les questions pratiques comme le futur statut juridique des traditionalistes réintégrés.

Pour Mgr Richard Williamson, autre figure schismatique, "l'obéissance au pape est un faux problème". "Nous reconnaissons son autorité, explique-t-il. Le problème, c'est la curie moderniste, fille du concile Vatican II". Ainsi dénonce-t-il la liturgie moderne et d'autres réformes de Vatican II (1962-1965) comme "l'oecuménisme, la collégialité, le modernisme et surtout le dialogue interreligieux (avec les juifs et les musulmans)". Il pose comme condition l'élimination " complète du missel de Paul VI", celui de la messe dite moderne. "L'Eglise est en guerre, conclut l'évêque intégriste, et je souligne le mot "guerre", entre le traditionalisme sain et le modernisme post-conciliaire".

Henri Tincq


L'article du Figaro

Les intégristes refusent la réconciliation
Hervé Yannou
http://www.lefigaro.fr
30/06/2008
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La Fraternité Saint-Pie X rejette les propositions du Pape et affirme qu'elle n'acceptera jamais Vatican II.
C'est non.
Mgr Bernard Fellay, supérieur de la fraternité schismatique Saint-Pie X, et chef des catholiques intégristes, a rejeté la main tendue la semaine dernière par le Vatican pour réintégrer les rangs de l'Église. Si sa réponse officielle n'a pas encore été publiée, elle ne fait aucun doute, les fidèles de Mgr Marcel Lefebvre ne veulent pas, vingt ans après leur excommunication, de l'occasion historique que leur a offerte Benoît XVI de se réconcilier définitivement avec le Saint-Siège.

Le Pape a pourtant tout fait pour mettre fin au schisme. Le Vatican avait adressé un «ultimatum» à la Fraternité schismatique, basée à Ecône, en Suisse. Le protocole d'accord, négocié début juin avec Mgr Fellay, était en apparence très souple : respect de la personne du Pape et renonciation à polémiquer sur l'enseignement de l'Église. Aucune allusion directe n'était faite à l'acceptation des canons du Concile Vatican II et encore moins de la liturgie contemporaine. Le Saint-Siège lui aurait aussi proposé de créer une structure juridique propre pour les accueillir sans les soumettre à l'autorité des évêques locaux. De quoi éviter de froisser les susceptibilités.
Le Vatican n'était jamais allé aussi loin dans ses propositions, quitte à gêner des groupes plus progressistes dans l'Église.

Évêques schismatiques
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Mais les intégristes, ne veulent pas se taire sur les questions doctrinales (œcuménisme, dialogue interreligieux) qui sont aujourd'hui au cœur des priorités de Benoît XVI. «Nous n'envisageons pas d'accord pratique ou canonique avant d'avoir traité des questions doctrinales qui se posent depuis Vatican II», a ainsi martelé l'abbé Alain Lorans, porte-parole de la Fraternité Saint-Pie X.

La violence des propos de certains évêques schismatiques semble bien marquer un point de non-retour. «Si l'Église nous veut de nouveau avec elle, nous demandons qu'elle retourne à son passé glorieux», a ainsi estimé Mgr Richard Williamson, l'un des quatre évêques ordonnés il y a vingt ans par Mgr Marcel Lefebvre : «Nous n'accepterons jamais Vatican II.»


Voici ce que dit par contre, le 30 juin, le site Catholic World News, qui me paraît plus réaliste.

Ma traduction de l'article en anglais:


"Saint-Pie X" sur le point de poursuivre les entretiens avec Vatican

Le supérieur de la Société de Saint-Pie X (SSPX) a répondu à un message du Vatican qui énonçait les conditions auxquelles le groupe traditionaliste doit satisfaire afin de réaliser la réconciliation avec le Saint-Siège.

Mgr Bernard Fellay, le leader de la SSPX, n'a pas accepté les termes présentés dans une lettre du 2 juin du Cardinal Darío Castrillón Hoyos, président de la commission Ecclesia Dei. Mais des sources bien informées à Rome rapportent que la réponse de Mgr Fellay témoignait d'un intérêt positif à poursuivre les pourparlers avec le Saint-Siège.

Dans une lettre qu'il a envoyée au Cardinal Castrillón la semaine dernière, Mgr Fellay n'a pas accepté ce que le porte-parole de la SSPX a appelé "ultimatum" du Vatican.

Mais le leader traditionaliste a dit dans une interviewe à la radio suisse qu'il serait erroné d'interpréter son message comme un rejet des efforts de réconciliation du Vatican.

Mgr Fellay a informé la radio suisse qu'il a vu le message du 2 Juin du Cardinal Castrillón comme un signe que le Vatican souhaitait accélérer le rythme des négociations en vue de la réconciliation de la SSPX. Il a suggéré qu'il ne voyait pas un besoin urgent de "précipitation". Mais il a clairement indiqué qu'il espérait que les pourparlers continueront.

Le Cardinal Castrillon avait dit qu'afin de conclure des négociations fructueuses, les dirigeants de la SSPX devraient clairement manifester leur respect pour le Pape et le Magistère, en évitant les infractions contre la "charité ecclésiastique." Suggérant que le message du Vatican est une injonction à "la fermer" Mgr Fellay a déclaré que son groupe n'accepterait pas les conditions du Vatican. Cependant, il a respecté la demande du cardinal d'une réponse de la SSPX avant la fin Juin.

Le groupe traditionaliste n'a pas révélé le contenu de la réponse de Mgr Fellay. Il semble raisonnable de supposer que le leader traditionaliste a répété l'argument que la SSPX avance depuis plusieurs années: que la réconciliation ne peut être réalisée que quand il y aura un accord sur les questions théologiques, y compris les questions sur la liberté religieuse, l'œcuménisme, et l'autorité des enseignements du Concile Vatican II .

Le Cardinal Castrillón Hoyos a dirigé les efforts visant à combler le fossé qui s'est ouvert en Juin 1988, date à laquelle feu Mgr Marcel Lefebvre ordonna trois évêques pour le SSPX, au mépris du Saint-Siège. Bien qu'il avait espéré une réaction plus positive à son message du 2 Juin, des sources informées à Rome disent que le cardinal colombien n'était pas mécontent de la réponse de Mgr Fellay, y voyant des raisons d'espérer que ses discussions avec le groupe traditionaliste pourraient encore porter des fruits.


Dans Présent...

On en apprend un peu plus, aussi, dans cet article d'Olivier Figueras publié dans "Présent" du 1er juin:



Et le meilleur pour la fin!

Cela vient de "Minute", le numéro du 25 juin, que je viens tout juste d'avoir en mains, et je n'ai aucun doute que la genèse de l'affaire est ici assez exactement rapportée... de l'intérieur, en quelque sorte. Seule la dernière phrase me laisse perplexe...
C'est d'ailleurs ce qui ressortait des quelques messages que j'avais lus sur le Forum Catholique, où l'homélie de Mgr Fellay avait effectivement reçu une certaine audience - hélas (le pape libéral, admirant un régime fondé sur des pratiques maçonniques...). Voir ici: Lefebvristes: le carrefour de Mgr Fellay
Quant à la colère papale (justifiée), je sais depuis quelque temps qu'elle est parfaitement envisageable. Il sait décider, il sait diriger, et pour cela, il faut savoir se fâcher. Elle ne me le rend que plus cher.


Colère papale (Minute du 24 juin)

« Et maintenant nous avons un pape, mes bien chers frères, parfaitement libéral. Lorsqu'il va dans ce pays qui est fondé sur les principes maçonniques, c'est-à-dire les principes d'une révolution, d'une rébellion contre Dieu, eh bien il exprime son admiration, sa fascination devant ce pays qui a décidé de donner la liberté à toutes les religions. Il va même jusquà condamner l'Etat confessionnel ! Et on le dit traditionnel! Et c'est vrai, c'est vrai. Il est parfaitement libéral, parfaitement partagé. Il y a des bons côtés, des bons côtés que nous saluons, dont nous nous réjouissons, comme ce qu'il fait pour la liturgie traditionnelle. Quel mystère mes bien chers frères, quel mystère ! »

C'est en ces termes que Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, a vivement critiqué la visite du pape Benoît XVI aux Etats-Unis, à la fin du mois de mai, alors qu'à Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, il était venu donner le sacrement de confirmation à une centaine d'enfants et d'adultes. Cela aurait pu rester confiné dans les limites de cette cérémonie et personne n'en aurait entendu parier, en dehors d'un cénacle de happy few.

Las... Internet existe. Le sermon, enregistré, a été diffusé sur la toile. Des personnes bien intentionnées ont préparé au pape un volumineux dossier comprenant toutes sortes de propos de ce calibre, et le pape, semble-t-il, n'a pas apprécié. Mais alors pas du tout.
De source autorisée trois textes issus des autorités de la Fraternité Saint Pie X, sont actuellement dans le collimateur romain: ce sermon, le long texte de la Lettre aux amis et bienfaiteurs du troisième trimestre 2008. Et enfin une conférence récente de Mgr Tissier de Mallerais à Marseille, où le pape se trouve toujours nommé Joseph Ratzinger, sans aucun des titres qui en font le chef des chrétiens.
A la manoeuvre, on retrouve le cardinal Castrillon Hoyos, un Colombien qui n'a pas froid aux yeux. Début juin, il envoie un fax à Menzingen, la Maison générale de la FSSPX en Suisse. Convocation immédiate à Rome du Supérieur et de ses deux assistants. Le premier assistant était empêché se trouvant à l'autre bout du monde. Ce sont donc Mgr Fellay et l'abbé Alain Nély qui se retrouvent, incontinent, dans les locaux de la Commission pontificale Ecclesia Dei au rez-de-chaussée du Palais du Saint Office.
Tous les membres de la Commission sont là et ce n'est pas pour les accueillir, mais plutôt pour manifester la colère du Saint Siège. Le cardinal Castrillon porte le fer. Emotion ? Rétorsion ? Il s'exprime en espagnol, alors qu'il connaît parfaitement le français. Et il dit combien le pape est « fâché » des dernières prises de position de la Fraternité Saint Pie X. Immédiatement Mgr Fellay accepte de faire des excuses pour tout ce que ses paroles auraient pu comporter de blessant Son dernier communiqué sur l'action du pape matérialise ces excuses.
Mais le cardinal, se sentant en position de force, souhaite obtenir davantage : soumettez-vous, dit-il à la Fraternité Saint Pie X, ou l'on renouvelle les condamnations fulminées de Rome en 1988 pour schisme et hérésie. Il s'agit d'un véritable ultimatum. Vous avez jusqu'au 30 juin pour vous décider, lance-t-il à ses deux visiteurs.
Qu'adviendra-t-il?
A l'heure où nous écrivons, de sources proches de la FSSPX, c'est le front du refus qui l'emporte largement, au sein de la Fraternité Saint Pie X.
Mais Benoît XVI pourra-t-il compromettre son image dans une condamnation qu'il porterait personnellement ? Première réponse avant la fin du mois.
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Lionel Humbert


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