L'oecuménisme selon Benoît XVI

A propos des célébrations de "lancement" de l'année paulinienne (1er/7/2008)


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Il n'y a pas longtemps, un blog français catholique titrait sur "L'hiver oecuménique". Sous-entendu - il me semble - un hiver que "ce" Pontificat ferait peser sur les relations entre les différentes confessions chrétiennes.

Est-ce bien la vérité? Et surtout, de quel oecuménisme s'agit-il?

Car, au vu de ce que fait Benoît XVI, et sans verser dans l'angélisme ou l'approbation béate, on peut parfaitement penser différemment.
Culturellement, il semble que le théologien Joseph Ratzinger, qui connaît très bien les protestants pour la simple raison qu'il les a eus comme collègues d'université lorsqu'il était professeur, a toujours témoigné une prédilection pour les orthodoxes, dont, au minimum,la façon de célébrer la liturgie est proche de sa sensibilité.
On relira par exemple la correspondance que le cardinal avait échangée avec son cher ami, le Métropolite Damaskinos , actuel métroplite d'Andrinople..
Voir ici: Dialogue avec les orthodoxes

Il semble que cette relation d'amitié humaine continue avec Bartholomée 1er, que le Pape a rencontré au Phanar, lors de sa visite en Turquie (la photo des deux hommes, Benoît arborant un sourire triomphant qui ne lui est pas habituel, et levant le bras de Bartholomée, a fait le tour du monde).
Lui-même l'évoque à demi-mot, dans le discours de bienvenue qu'il a adressé au même Bartholomée, venu lui rendre visite à Rome à l'occasion de l'inauguration de l'année paulinienne:
"La célébration des Saints Pierre et Paul, Patrons de l'Église de Rome, tout comme celle de Saint André, Patron de l'Église de Constantinople, nous offrent annuellement la possibilité d'un échange de visites, qui sont toujours des occasions importantes pour des discussions fraternelles et des moments de prière communs. La connaissance personnelle réciproque grandit ainsi ; les initiatives s'harmonisent et augmente l'espérance qui nous anime tous, de pouvoir arriver vite à la pleine unité, en obéissance à l'autorité du Seigneur." (source: ESM )

Samedi, le lancement de l'anné paulinienne - dont on peut penser, ou espérer, qu'elle servira de déclencheur à un rapprochemnt sans précédent- a été marqué par des vêpres solennelles célébrées dans la basilique romaine de Saint-Paul-hors-les-murs.
Photos à venir...
La cordialité de Benoît XVI envers Bartholomée 1er n'était pas de pure forme.
Voici le récit du site www.cwnews.com (ma traduction)


Le Pape et le Patriarche

Le Pape et le Patriarche ouvrent l'année Paulinienne
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Le Pape Benoît XVI a inauguré une année spéciale consacrée à la mémoire de Saint-Paul avec un service œcuménique à la basilique romaine de Saint-Paul-hors-les-Murs le samedi 28 Juin au soir.
Le Patriarche orthodoxe Bartholomée 1er de Constantinople s'est joint au Saint-Père pour le service des Vêpres. Un représentant de l'archevêque de Canterbury a également participé au service, avec le Cardinal Andrea Cordero Lanza di Montezemolo, l'archiprêtre de la basilique romaine, et une assemblée d'environ 3000 fidèles.

Le Patriarche Bartholomée a de nouveau rejoint le Pape dimanche matin 29 Juin, lors d'une messe dans la basilique Saint-Pierre pour la fête des saints Pierre et Paul. Le Pape et le Patriarche ont chacun délivré une homélie, et ensemble, ils ont récité le Credo en latin.

"Nous sommes réunis autour de la tombe de Saint Paul, qui est né il y a 2000 ans à Tarse en Cilicie, dans l'actuelle Turquie," a dit samedi le Pape Benoît lors de l'ouverture des célébrations de l'année Paulinienne. Soulignant que "Paul souhaite parler devant nous aujourd'hui," le souverain pontife a dit que l'année devrait être une occasion spéciale "de l'écouter et d'apprendre de lui."

Saint-Paul, a fait observer le Pape , ne recule pas devant la controverse dans son approche à la prédication de l'Evangile. "Il ne recherche pas une harmonie superficielle." Pourtant, en dépit de l'opposition auquel il dut faire face, l'Apôtre parle souvent de son sentiment de liberté, poursuit le Pape.
"Ceux qui aiment le Christ comme Paul l'aimait peuvent vraiment faire ce qui leur plaît, parce que leur amour est uni à la volonté du Christ et donc à la volonté de Dieu, parce que leur volonté est ancrée dans la vérité et parce que leur volonté n'est pas simplement leur propre volonté. "

Le Pape Benoît XVI a encouragé les fidèles à garder à l'esprit les paroles de saint Paul à Timothée: "Accompagne-moi dans la souffrance pour l'Evangile." Il a dit aussi: "Dans un monde où les mensonges sont si puissants, la vérité se paie avec la souffrance." Il a exhorté les chrétiens à se préparer à cette souffrance, par le renforcement de leur foi dans l'imitation de saint Paul.

Dimanche, durant la Messe dans la Basilique vaticane, le Saint-Père a ajouté l'exemple de Saint-Pierre à celui de Saint-Paul. «Grâce à leur martyre, à travers leur foi et leur amour, les deux apôtres nous montrent où est la véritable espérance", a-t-il dit. "Nous pourrions dire que leur martyre revenait, au sens le plus profond, à donner un baiser fraternel."

La mission particulière de Saint-Pierre et de ses successeurs, a dit le Pape, est «d'assurer que l'Eglise ne devienne jamais identifiée avec une seule nation, une culture unique, ou un seul État - qu'elle demeure toujours l'Eglise de tous."
Ainsi, en ce jour de fête, en imposant le pallium aux archevêques métropolitains du monde entier, il a insisté sur l'unité et l'universalité de l'Eglise.

...Au cours de l'année, il a demandé aux fidèles de prier pour "l'évangélisation, la communion dans l'Eglise, et la pleine unité entre tous les chrétiens."

Les cérémonies d'inauguration de l'année Paulinienne ont souligné l'engagement du Pape pour l'unité à l'église, en présence du Patriarche Bartholomée, le chef de file reconnu du monde orthodoxe, mettant l'accent sur la recherche de réunion entre l'Orient et l'Occident. Lorsque le Pape et le Patriarche ont récité ensemble le Credo, ils se sont exprimés en grec, la langue de l'Eglise d'Orient. Ils ont utilisé une ancienne formulation, issue du Concile de Constantinople en 381. Le texte ne comprenait pas la clause Filioque (*) qui a été à l'origine de différends entre les théologiens catholiques et orthodoxes depuis des générations.
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(*)
Sur ce sujet, Wikipedia nous explique:
On appelle « querelle du Filioque » la querelle théologique entre l'Église romaine (future Église catholique romaine) et l'Église orientale (future Église orthodoxe), à propos du dogme de la Trinité, à partir du VIIIe siècle. Cette querelle... conduisit au Grand Schisme d'Orient de 1054, séparant le catholicisme de l'orthodoxie.
La querelle porte précisément sur la "procession" du Saint-Esprit, c'est-à-dire le rapport entre le Saint-Esprit d'une part, le Père (Dieu) et le Fils (Jésus-Christ) d'autre part. Le symbole du Ier concile œcuménique de Constantinople (381) affirme :

« Nous croyons dans l'Esprit Saint, qui est seigneur et qui donne la vie. Il procède du Père. »
À partir du VIIIe siècle, la liturgie latine a augmenté la formule initiale : « Il procède du Père et du Fils », en latin Filioque (ex Patre Filioque procedit).

Lire la suite ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Querelle_du_Filioque


L'article ci-dessous est issu du quotidien l'Avvenire.
Il a été reproduit sur le blog de Raffaella.


L'OECUMENISME de PAPA RATZINGER
À L'ÉCOLE DE PAUL, DES GESTES SANS PRECEDENT


SALVATORE MAZZA
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De mémoire, la concentration de gestes oecumeniques, auxquels nous avons assisté dans les deux jours inaugurant l'Année Paulinienne, n'a pas de précédents. Rien d'inédit, peut-être. Mais à coup sûr, ce qui a impressionné, c'est leur quantité et, plus encore, leur qualité. Et si indubitablement un relief tout à fait spécial est revenu au Patriarche oecumenique de Costantinople Bartholomée 1er - jusqu'à l'intense émotion de la bénédiction commune avec le Pape, dimanche - personne, en fait, n'est resté à l'extérieur de la porte paulinienne. Parce que, dans la procession qui, samedi, a franchi cette porte de Saint-Paul-Hors-le Murs Mura 'inventée' pour l'occasion, tout le monde y était. Mais vraiment tout le monde : Eglises d'Orient et d'Occident, Anglicans et Réformés. Il ne manquait personne.

En repensant à tout cela, deux réflexions s'imposent.
La première concerne directement l'évènement qui a fait briller la rencontre de toutes les dénomiantions chrétiennes autour de la tombe de l'Apôtre des Gentils. « Nous sommes réunis, non pas pour réfléchir sur une histoire passée, irrévocablement dépassée - a dit le Pape lors des Vêpres inauguraux de samedi dernier - Paul veut parler avec nous, aujourd'hui. Pour cette raison j'ai voulu ouvrir cette 'Année Paulinienne' spéciale: pour l'écouter et pour apprendre de lui aujourd'hui, comme de notre maître, la foi et la verité, dans lesquelles sont enracinées les raisons de l'unité parmi les disciples du Christ ».
Des raisons vraiment fortes et, comme l'a pressenti Benoît XVI dans sa volonté d'accentuer cette caractérise oecuménique, largement partagées, si l'on considère la réponse venue des autres Églises chrétiennes.
À apprécier non seulement en enregistrant le simple fait de leur présence compacte mais, surtout, en considérant l'extraordinaire variété d'initiatives oecuméniques que le seul lancement de l'Année paulinienne a déjà partout suscité.
Signe d'un désir d'unité, d'une 'nostalgie', que les nombreux obstacles posés sur cette route, vieux et nouveaux, petits ou énormes ne réussissent malgré tout pas à supprimer.

La seconde réflexion concerne par contre l'état des relations oecuméniques après un peu plus de trois ans du pontificat de Papa Ratzinger. Le 20 avril 2005, lors de la première concéélébration avec les cardinaux, après l'élection, beaucoup ont retenu que son engagement comme « engagement primordial » à « travailler sans épargner ses efforts à la reconstitution de la pleine et visible unité de tous les disciples du Christ » était une sorte de 'déclaration d'intention' convenue. Ou un peu plus : sérieuse, oui, et envisagée avec sincérité, ainsi qu'il l'a dit, « son ambition… et son devoir pressant », mais sur un territoire constellé de trop de mines. Pourtant, on ne peut pas ne pas constater à trente-huit mois de distance, que son propos d'être « conscient que… (pour reconstruire l'unité)… les manifestations de bons sentiments ne suffisent pas » a réellemnt réussi à se traduire dans une série très longue « de gestes concrets » capables « d'entrer dans les esprits et déplacer les consciences ».
C'est exactement à cela que nous avons assisté. Gestes surprenants, comme semblent maintenant l'être tous ceux qui impliquent le Pape et le Patriarche de Constantinople - où certes la sympathie réciproque qui s'est instaurée entre eux depuis leur première rencontre joue un rôle important - ou petits gestes, ou peut-être seulement peu remarqués, comme l'invitation au Primat anglican d'envoyer à Rome, samedi et dimanche derniers, son représentant personnel, comme pour sous-entendre l'attention inquiète avec laquelle il suit la crise qui agite en ce moment la Communion anglicane.
Gestes importants.
La liste est très longue. Et durant cette année paulinienne, elle semble destinée à beaucoup s'allonger.

© Copyright Avvenire, 1er juillet 2008
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Un article de Gérard leclerc, dans le Figaro, développe le thème, en y apportant un éclairage érudit


Gérad Leclerc

Moscou peut rapprocher catholiques et orthodoxes
Par Gérard Leclerc
30/06/2008
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L'écrivain et journaliste Gérard Leclerc replace la rencontre de Rome entre le Pape et le patriarche de Constantinople dans l'approche de la question œcuménique par Benoît XVI.

Bartholomée Ier, patriarche de Constantinople et primat d'honneur de l'orthodoxie présent à Rome au côté de Benoît XVI, pour la solennité de saint Pierre et de saint Paul, le symbole est fort ! Qui plus est, la fête des deux apôtres correspond au lancement d'une Année saint Paul, à l'occasion du deux millième anniversaire de sa naissance. Les historiens établissent, en effet, approximativement que l'apôtre des nations est né à Tarse entre l'an 6 et l'an 10, et le Pape n'a pas manqué de saisir l'occasion d'un jubilé à l'échelle de l'Église entière pour rappeler la dimension de cette figure extraordinaire. Que le patriarche de Constantinople soit associé à l'événement lui confère encore plus de relief.

Le rôle de Paul de Tarse dans l'évangélisation du bassin méditerranéen est notoire. Les chrétiens de toutes confessions ne peuvent que se rassembler lorsqu'il s'agit de se remémorer leurs origines communes. L'apôtre n'a-t-il pas parcouru et évangélisé cette Asie mineure dont il était originaire ? N'est-il pas associé, avec Pierre, à la fondation de l'Église de Rome ? La doctrine contenue dans ses épîtres est le point de départ de toute la dogmatique commune aux uns et aux autres. Les protestants se sont souvent référés spécialement à Paul pour définir leur propre identité doctrinale, tandis que les catholiques étaient référés à Pierre, et les orthodoxes à Jean. Sans doute l'interprétation des textes a-t-elle donné lieu à des controverses qui ont débouché sur des désaccords graves, notamment autour de l'épître aux Romains, à propos de la justification par la foi. Mais des progrès récents ont été accomplis qui ont permis des rapprochements significatifs.

Les nombreux colloques qui auront lieu à travers le monde sur la pensée de Paul permettront aux exégètes et aux théologiens de revenir sur les fondamentaux du christianisme. On comprend qu'un penseur aussi avisé que Benoît XVI ait mûri un tel projet qui, recevant l'aval de tous sera susceptible d'un approfondissement commun et donc d'une résolution par le haut des éventuelles divergences. C'est incontestablement la façon dont le Pape conçoit le dialogue œcuménique. Plutôt que de décréter arbitrairement que les différences entre confessions doivent être dépassées, les examiner avec l'attention nécessaire pour parvenir à une meilleure compréhension des positions de chacun. Et, si des divergences graves subsistent, les reconnaître comme telles. Il vaut mieux faire entendre des désaccords reconnus que de maintenir la confusion sur des malentendus.

Pour revenir à la présence de Bartholomée à Rome, il faut convenir que cette visite s'inscrit dans une tradition bien établie qui remonte au concile Vatican II et à la rencontre mémorable du pape Paul VI avec le patriarche Athénagoras à Jérusalem, qui préluda à la levée des excommunications réciproques qui remontaient à la fin du premier millénaire. Depuis lors, les contacts entre le Vatican et le Phanar ont été constants, et l'on se souvient de la visite de Benoît XVI en Turquie et de sa réception chaleureuse par le patriarche.

Cependant, ces relations ne doivent pas faire oublier la diversité de l'orthodoxie et le problème particulier que pose à Rome le puissant patriarcat de Moscou. Jean-Paul II n'a jamais pu se rendre en Russie et toutes les manœuvres d'approche n'ont pas permis une rencontre au sommet, même après la chute de l'empire communiste. Il est vrai que le pape polonais souffrait du contentieux historique qui depuis toujours a opposé son pays catholique à son grand voisin orthodoxe.

Il s'agit là d'ailleurs d'un problème spirituel dont les dimensions politiques et culturelles sont passionnantes à étudier. On sait que la Russie post-communiste pose d'énormes difficultés à l'Europe comme aux États-Unis, ne serait-ce que dans la définition de son identité et de son appartenance à une civilisation commune.

Le grand philosophe Vladimir Soloviev, ami de Dostoïevski, bien que philo-catholique, avait traité en son temps la question avec beaucoup d'ampleur. Il pensait que la dimension religieuse commandait la résolution politique des différends avec l'Occident. Il préconisait la réconciliation de Rome et de Moscou. Dans un récit d'anticipation qui a autant de force évocatrice et symbolique que la fameuse parabole du grand inquisiteur dans Les Frères Karamazov, il imaginait la réconciliation finale des chrétiens en se référant justement à la symbolique de Pierre, de Paul et de Jean.

Sans doute, Soloviev est-il demeuré très isolé dans sa volonté de rapprochement. Est-ce l'étrangeté de la Sainte Russie qui explique toujours la difficulté de son insertion dans le concert des nations ? Ou bien l'appartenance à un même christianisme constitue-t-elle la chance de retrouvailles avant l'échéance des temps eschatologiques imaginés par Soloviev ? Benoît XVI ne souffrirait pas des mêmes préventions que Jean-Paul II, et la visite d'Alexis à Paris a fait penser au prologue d'un processus où le patriarche de toutes les Russies rencontrerait enfin le pape de Rome.

L'Année saint Paul permettra-t-elle ce miracle ? La photo de l'accolade d'hier entre Benoît XVI et Bartholomée Ier a déjà fait le tour du monde. À quand l'autre accolade tant attendue ?


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