Après le Pape, les livres

Encore un cadeau de Marianne.
Elle a traduit pour nous un texte de Debra Murphy tiré des colonnes de GODSPY, un magazine catholique
américain uniquement sur internet.
Debra Murphy revient sur le périple américain de Benoît XVI. C'est pourquoi je reproduis aussi l'article dans le site dédié.
Mais il a évidemment une portée beaucoup plus large.
Elle réfléchit sur le portrait que nous ont renvoyé les medias, guère surprenant, au fond (elle préfère parler d'ignorance confondante, plutôt que de fanatisme anti-catholique, je trouve personnellement que l'un n'exclut pas l'autre, hélas), mais aussi sur la paresse intellectuelle de ces catholiques qui s'informent hâtivement (elle parle du sermon du Père Joe, ou du canard local, il doit être facile de transposer chez nous...), au lieu de retourner à la source, c'est-à-dire aux textes du pape eux-mêmes.
Peut-on exprimer mieux qu'elle ne le fait ce que l'on ressent, en lisant régulièrement les homélies, les catéchèses, et les méditations d'Angelus?

... lire Benoît dont la prose, même en traduction, est lyrique et élégante autant qu’elle est claire, concise et forte, c’est comme écouter un opéra de son Mozart bien-aimé : la mélodie est cristalline, humaine et on peut la chantonner avec ravissement : on sait qu’on entend la voix de Dieu.


A savourer avec bonheur, encore une fois (4/5/2008)


APRÈS LE PAPE, LES LIVRES ?
Debra Murphy
Godspy le 23/04/08

Il nous faudra du temps pour absorber tout le sens de la première visite apostolique de Benoît XVI aux États-Unis. Jean-Paul II le Grand qui avait tant de présence déploya d’emblée un génie d’acteur pour « le geste symbolique ». Contrairement à son prédécesseur, la contenance publique de Benoît XVI est celle d’un intellectuel aux manières douces, réservées, avec un penchant pour le didactisme. On dirait qu’il fait des discours devant des milliers de gens qui rugissent comme il donnerait un cours à une demi-douzaine de doctorants endormis. Parlant en anglais d’après un texte préparé, le ton monotone de son discours (ce que les Allemands appellent « la mélodie de la phrase », et dans son cas, un ton monocorde) associé aux sifflantes de son accent allemand prononcé, peut le rendre difficile à suivre pour un public anglophone.
Mais, quand on lit les discours et les documents des deux papes, on est frappé par l’effet inverse. Voilà qui est ironique. La production littéraire de Jean-Paul II, comme l’opus 111 des derniers quatuors de Beethoven, est aussi dense et complexe que révolutionnaire ; elle défriche des voies nouvelles. On est vraiment tenté de ne pas traverser ces eaux profondes de la pensée sans dictionnaires de philosophie et de théologie à portée de la main et, qui sait, un whisky bien tassé. En revanche, lire Benoît dont la prose, même en traduction, est lyrique et élégante autant qu’elle est claire, concise et forte, c’est comme écouter un opéra de son Mozart bien-aimé : la mélodie est cristalline, humaine et on peut la chantonner avec ravissement : on sait qu’on entend la voix de Dieu.

Mais, alors que je surfais sur la Toile et la télévision pour suivre la visite papale, je fus frappée par le rabâchage perpétuel et irritant d’un seul thème. On ne cessait de nous dire et redire que cette visite en Amérique révélait la transformation remarquable de Benoît, de « surveillant farouche de l’Église en Pape de l’espoir »… Mais cela rend-il justice à cet homme et à son ministère ?

Certes, ce petit jeu se déroule depuis l’élection de Benoît et même avant. C’est une série de remarques désinvoltes sur le pape qui aurait été « membre de la Jeunesse hitlérienne », sans que leurs auteurs relatent l'anti-nazisme de la famille Ratzinger ; c’est une liste de descriptions convenues du pape comme « l’ancien patron de l’office du Vatican connu jadis sous le nom d’Inquisition » ou « le rotweiller de Dieu ».
Les Catholiques qui ont suivi la carrière de Ratzinger savaient bien que les média paresseux avaient inventé ces comparaisons entre Ratzinger et Torquemada. Hans Kung s’est vu refuser le droit d’enseigner la théologie catholique dans une université catholique, mais enfin, on ne lui a quand même pas mis les poucettes que diable ! Pourtant ces bonnes âmes s’amusaient parfois avec leurs clichés hyperboliques disant que « la cafétéria était désormais fermée » lors de l’élection de Benoît – comme si Jean-Paul II avait l’habitude de faire des clins d’œil à la dissidence ! (Rappelez-vous, c’est Wojtyla et non pas Ratzinger qui, devant les télévisions du monde entier, a agité l’index sous le nez du prêtre sandiniste).
Les représentants des médias prouvent, quasiment tous les jours, qu’ils sont prêts à discuter avec autorité de sujets qu’ils ont étudiés pendant 5 longues minutes. N’allons donc pas voir du fanatisme anti-catholique dans leur ignorance confondante de tout ce qui regarde le catholicisme. Mais ce n’est peut-être pas non plus la faute des seuls médias. Après tout les Catholiques ont-ils fait beaucoup d’efforts pour comprendre la vraie nature du Pape Benoît ?
Je m’en suis aperçue quand j’ai écouté le résumé du voyage du pape à la radio NPR. L’émission s’intitulait : « En 6 jours, le Pape a changée son image ! » et continuait ainsi : « En 6 petits jours, le Pape pourrait avoir modifié son image ». La perception qu’on avait de ce qu’était Benoît et de ce qu’il représentait avait changé, mais on présentait ce changement comme s’il était le résultat d’une stratégie calculée du Vatican ! Simplement, les médias et bon nombre de fidèles laïcs avaient, grâce à sa visite pastorale, enfin pris la peine d’écouter le bonhomme ("guy") pendant un discours entier.
L’émission rapportait quelques commentaires de laïcs étonnés par la « transformation ». Oyez ! Oyez ! Et voici que Benoît loin d’être l’actuel Marteau des Hérétiques était un type très raisonnable, aimable et même inspirant – malgré son accent et son ton monocorde.
Mais la paresse intellectuelle que manifestent trop souvent les médias n’est pas propre aux journalistes non catholiques, tant s’en faut ! Elle est partagée à un point déconcertant par de nombreux fidèles catholiques – des Catholiques qui, à l’évidence, ne se soucient pas de s’informer des actes de l’Église universelle en dehors de ce que raconte le Père Joe dans son sermon du dimanche, de ce qu’ils lisent dans leur canard local ou de ce qu’ils entendent aux nouvelles le soir.
Pour paraphraser le Barde, la faute n’est pas dans les médias mais en nous-mêmes si nous, Catholiques, absorbons ces méchants titres à la Une comme si c’était autant de reportages substantiels. Il ne suffit pas non plus de varier son menu en butinant une plus grande variété de sources nouvelles, catholiques et séculières, journaux traditionnels ou blogues. Je pense qu’au lieu de cela, il faut aller droit à la source, surtout quand il s’agit du professoral Benoît XVI.
Sa façon pastorale mesurée, charitable et franche d’aborder les questions difficiles, voire brûlantes n’étonne pas du tout ceux qui ont pris la peine, au cours des deux derniers pontificats, de lire l’œuvre publié de Joseph Ratzinger Tout était là, sous nos yeux, dans ses mots, si seulement nous avions pris la peine de les lire.
Avec un pape comme Benoît, dont le don le plus éclatant prouverait son génie pour exprimer les idées complexes et contestées dans une prose tempérée, humaine et même très belle, il serait temps pour les Catholiques de télécharger et imprimer les textes de ses discours, et mieux encore, de ses encycliques. Il est temps peut-être de fermer l’ordinateur et la télévision, de se préparer un bon café chaud, de mettre un disque de Mozart, et d’ouvrir les livres de Ratzinger. Ce que nous allons y trouver pourrait bien changer notre vie.


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