Ratzinger, il Papa in cattedra

Andrea Tornielli livre la recension d'un livre à paraître (en Italie) sur le Professeur Ratzinger (26/8/2008).


Et, selon la formule consacrée, voilà un livre qui tord le cou aux idées reçues....
A prendre, quand même, avec un certain recul...

Dans son blog, il présente le livre en ces termes:

Je peux vous assurer que c'est un livre qui vaut la peine d'être lu, pour mieux connaître Joseph Ratzinger, son travail théologique, son regard sur l'Eglise. Et aussi pour démentir certains stéréotypes qui voudraient le dépeindre comme un "repenti" du Concile Vatican II.

Article original sur Il Giornale.
Ma traduction:


Ratzinger, le Pape en chaire

Andrea Tornielli
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Il y a ceux qui continuent à lire la personnalité de Joseph Ratzinger selon les clichés usés qui utilisent les catégories de droite et de gauche, de progressisme et de conservatisme, d'enthousiasme et de « repentance » (pentitismo) conciliaire, considérant l'actuel Pontife comme l'emblème de la restauration, du regard tourné vers le passé, qui rétablit des liturgies poussièreuses et des parements retro.
De l'autre côté, il y a ceux qui appliquent au Pape allemand un schéma nouveau, qui, en l'exaltant comme le grand intellectuel de l'Occident, le leader spirituel d'une bataille, voulant donner des leçons à tous et divisant les esprits avec ses idées, finissent par l'enfermer dans le ghetto de bagarres culturelles peu en harmonie la nature universelle de l'Église.

Hier, du reste, avec des mots qui tranchent avec cette dernière interprétation univoque et "instrumentalisatrice", Benoît XVI a dit à l'Angelus que le service « indispensable » du successeur de Pierre est de faire en sorte que l'Église « ne s'identifie jamais avec une seule nation, avec une seule culture, mais que ce soit l'Église de tous les peuples ».

C'est au contraire une lecture à l'écart des schémas que propose Gianni Valente dans le beau livre "Ratzinger professeur" (ed. San Paolo), volume qui sortira en septembre...
Cet essai basé sur des témoignages inédits des élèves de Ratzinger, reparcourt les étapes de la carrière académique du futur Pape, qui a réellement tiré de son expérience de professeur d'université cette « simplicité limpide » du langage et cette « exigence avertie » de toujours donner les raisons des choses qui caractérisent, aujourd'hui, son pontificat.

Les pages, très documentatées mais accessibles à tous, sont un kaléidoscope de la vie de l'Église de la seconde moitié du siècle écoulé: Ratzinger « teenager théologique », vit à Bonn puis à Münster son intense participation au Concile, auquel il prend part comme expert de confiance du cardinal de Cologne Joseph Frings ; il est à Tubingen, collègue de Hans Küng, pendant la révolte de Soixante-huit, puis il aboutit à Regensburg, dans la nouvelle université, chez lui - encore entièrement ignorant du changement décisif qu'imprimerà à sa vie sa nomination comme cardinal archevêque de Monaco - considéré comme point d'abordage définitif.

Dès ses premiers pas de chercheur, explique Valente, le professeur Ratzinger révèle, « deux traits distinctifs de sa façon de faire de la théologie : l'intolérance envers les confrontations dialectiques apparentes et factices, et l'aptitude méthodologique à compléter tout ce qui peut être complété», selon le critère typiquement catholique de l'« et et ».
Celui qu'une certaine vulgate voudrait dépeindre comme le « panzerkardinal », en réalité il n'aime pas l'affrontement, il préfère convaincre qu'imposer, emploie et valorise tout ce qui peut être valorisé dans la pensée moderne, sans préjugés ni frontières prédéfinies: « Il affrontait toutes les questions sans craintes - raconte son élève Peter Kuhn -. Il n'avait pas peur de se lancer au large, alors que d'autres professeurs ne sortaient jamais hors des voies d'une autocélébration convenue ».
Il est un point de référence, non seulement pour ceux qui suivait ses leçons, mais aussi pour le groupe de théologiens européens dont la contribution sera décisive pour les dévelopements de Vatican II.
Le lecteur, habitué aux récentes polémiques suivant la publication du Motu Proprio "Summorum Pontificum", avec lequel Benoît XVI a voulu libéraliser l'antique liturgie préconciliaire, restera probablement étonné de lire les conférences ponctuelles et très suivies que le professeur Ratzinger donnait à l'université à la conclusion de chaque session de Concile, lorsqu'il définissait comme « développement vraiment important » la décentralisation des décisions en matière liturgique, applaudissant au fait que désormais « la formulation des règles liturgiques est, dans certaines limites, responsabilité des diverses conférences d'évêques ». Ou lorsqu'il disait qu'il était nécessaire « de forcer le mur du latin » pour que la liturgie redevienne annonce et invitation à la prière, débarassée des « choses superflues » et élargie dans la sélection des textes bibliques « pour satisfaire les nécessités de la prédication ».
Pour Ratzinger, « renouvellement signifie simplification. Pas dans le sens de réduire ou de diminuer, mais dans le sens de devenir simple, de revenir à cette vraie simplicité qui est le mystère de tout ce qui vit. Devenir simples, tel serait le vrai renouvellement pour nous chrétiens, pour chacun de nous et pour l'Église entière ».

Comment conjuguer le Ratzinger qui veut « forcer le mur du latin » avec le Pape du Motu Proprio ? Certes, il ne serait pas correct d'attribuer aux mots du simple théologien la même valeur qu'à ceux prononcés par le Pasteur universel de l'Église, et il est évident que beaucoup de circonstances ont changé: certains espoirs de l'époque conciliaire se sont heurtés à la tourmente post-conciliaire.
Mais il serait tout aussi impropre de croire à l'existence de deux Ratzinger différents. Le futur Pape, en effet, ne théorisera jamais aucune volte-face par rapport au chemin indiqué par Vatican II, manifestant cependant très tôt quelques perplexités sur les dévelopements de la réforme liturgique.
Déjà, en Juillet 1966, moins d'un an après la clôture du Concile, dans une conférence tenue à Bamberg, c'est le même théologien-professeur qui affronte le thème du changement d'orientation des autels, en se demandant si « il est vraiment nécessaire que la messe soit célébrée versus popolum ?
Est-ce si important de pouvoir regarder le visage le prêtre, ou n'est-il pas salutaire de penser que lui aussi est un chrétien comme les autres et a toutes les raisons de se tourner vers Dieu avec eux et pour dire avec eux « Notre Père » ? ».

Du livre de Valente émerge donc un Ratzinger partisan convaincu des réformes conciliaires, mais aussi critique, déjà alors, envers cet excès d'optimisme qui semble transparaître des schémas de la constitution Gaudium et spes : « S'il y a quelque chose - disait le futur Pape - qu'on doive dire étranger, et même contraire à la Sainte Écriture, c'est l'optimisme actuel vis-à-vis des religions, qui les conçoit comme facteur de salut ».
Il en émerge un Ratzinger qui prend ses distances vis-à-vis « des fausses tentatives de réforme de droite ou de gauche », tant de la part de ceux « qui cherchent à sauver l'Église en sauvant la quantité de ce qui est transmis, et qui, dans chaque dévoton mise en crise, dans chaque phrase du Pape mise en discussion, prévoient la destruction Église », que de ceux qui croient dans le « malentendu libéralistique, qui tente de rapprocher la foi du monde, élaguant pour cela tout ce qui ne plaît pas au monde ».

Grâce aux pages de "Ratzinger professeur", en somme, on comprend mieux ce que Benoît XVI a présenté comme l'herméneutique correcte du Concile Vatican II, et la réponse qu'alors qu'il était encore cardinal Préfet de Congrégation pour la doctrine de la foi, il fit à Vittorio Messori qui lui demandait des comptes sur son travail aux côtés des théologiens progressistes dans les années Soixante:
« Je n'ai pas changé, ce sont eux qui ont changé ».


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