Le péché originel, le bien et le mal

La catéchèse du 3 décembre (3/12/2008)


La catéchèse d’aujourd’hui consistait en un commentaire de la lettre de Saint-Paul aux Romains, sur le thème « Adam et le Christ ».
J’avoue (honte à moi) que tout au plaisir de voir et d’entendre le saint-Père dérouler sa leçon limpide dans son italien doux et chantant, j’ai écouté le début dans la routine, comme un cours magistral érudit… jusqu’au moment où il a commencé à nous expliquer le sens et l’actualité du péché originel.
J’ai le sentiment d’avoir perçu des choses que je n’avais jamais vraiment compris jusqu’à ce jour.
J’ai traduit le tout, d’après la version publiée sur le site du Vatican, mais c’est cette longue partie que je choisis de reproduire ici.
Il y a des passages de pure grâce et comme d’habitude très poétiques, filant la métaphore du fleuve (« Comme conséquence de ce pouvoir du mal dans nos âmes, il s'est développé dans l'histoire un fleuve souillé, qui empoisonne la géographie de l'histoire humaine », « Le Christ crucifié et ressuscité, nouvel Adam, oppose au fleuve souillé du mal un fleuve de lumière ») jusqu’à la prière finale : « viens, Seigneur Jésus ».

Voir ici: L'audience du 3 décembre



Mais comme hommes d'aujourd'hui nous devons nous demander : qu'est-ce que ce péché originel ? Qu'enseigne Saint-Paul, qu'enseigne l'Église? Cette doctrine est-elle encore soutenable aujourd’hui ?
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Beaucoup pensent qu'à la lumière de l'histoire de l’évolution, il n'y a plus de place pour la doctrine d'un premier péché, qui ensuite se serait répandu dans toute l'histoire de l'humanité. Et, par conséquent, même la question de la Rédemption et du Rédempteur perdrait son fondement.
Donc, le péché original existe t'il, ou non ?
Pour pouvoir répondre nous devons distinguer deux aspects de la doctrine sur le péché originel.
Il existe un aspect empirique, c'est-à-dire une réalité concrète, visible, je dirais tangible pour tous. Et un aspect "mystérique", concernant le fondement ontologique de ce fait.
La donnée empirique est qu'il existe une contradiction dans notre être.
D'une part chaque homme sait qu'il doit faire le bien et au fond de lui, il veut même le faire. Mais, en même temps, il sent aussi l'autre impulsion de faire le contraire, de suivre la route de l'égoïsme, de la violence, de faire seulement ce qui lui plaît même en sachant agir ainsi contre le bien, contre Dieu et contre son prochain. Saint Paul dans sa Lettre aux Romains a exprimé ainsi cette contradiction dans notre être : « Il y a en moi le désir du bien, mais pas la capacité de le réaliser ; en effet je n'accomplis pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas » (7, 18-19).
Cette contradiction intérieure de notre être n'est pas une théorie. Chacun de nous l'épreuve chaque jour. Et surtout nous voyons toujours autour de nous la prédominance de cette volonté seconde. Il suffit de penser aux nouvelles quotidiennes sur les injustices,la violence, le mensonge, la luxure. Chaque jour nous le voyons : c'est un fait.

Comme conséquence de ce pouvoir du mal dans nos âmes, il s'est développé dans l'histoire un fleuve souillé, qui empoisonne la géographie de l'histoire humaine. Le grand penseur français Blaise Pascal a parlé d'une « seconde nature », qui se superpose à notre nature originelle, bonne.
Cette « seconde nature » fait apparaître le mal comme normal pour l’homme. Ainsi même l'expression familière : « c'est humain » a un double sens « C'est humain » peut vouloir dire : cet homme est bon, il agit réellement comme devrait agir un homme. Mais « c'est humain » peut aussi vouloir dire la fausseté : le mal est normal, il est humain. Le mal semble être devenu une seconde nature.
Cette contradiction dans l'être humain, dans notre histoire doit provoquer, et provoque encore aujourd'hui, le désir de rédemption. Et, en vérité, le désir que le monde soit changé et la promesse que sera créé un monde de justice, de paix, de bien, est présent partout : en politique, par exemple, tous parlent de cette nécessité de changer le monde, de créer un monde plus juste. Et c'est réellement l'expression du désir que nous avons d'être libérés de la contradiction que nous expérimentons en nous mêmes.

Donc le fait du pouvoir du mal dans le coeur humain et dans l'histoire humaine est indéniable.
La question est : comment expliquer ce mal ?
Dans l'histoire de la pensée, à partir de la foi chrétienne, il existe un modèle principal d'explication, avec différentes variantes.
Ce modèle dit : l'être même est contradictoire, il porte en lui le bien et le mal.
Dans l'antiquité cette idée impliquait l'opinion qu'il existait deux principes également originels : un principe bon et un principe mauvais.
Un tel dualisme serait insurmontable; les deux principes sont sur le même niveau, donc il y aura toujours, depuis l'origine de l'être, cette contradiction. La contradiction de notre être, donc, reflèterait seulement l'opposition des deux principes divins, pour ainsi dire.
Dans la version évolutionniste, athée, la même vision du monde revient de façon nouvelle. Elle estime que l'homme porte en lui depuis le début le bien et le mal. L'être ne serait pas foncièrement bon mais ouvert au bien et au mal, et l'histoire humaine ne ferait que suivre le modèle déjà présent tout au long de l'évolution précédente. Ce que le chrétien appelle péché originel n'exprimerait que le caractère mixte de l'homme, un mélange de mal et de bien. Le mal est originel, comme le bien. C'est une vision au fond désespérée qui fait que le mal serait invincible...
A la fin, seul compterait l'intérêt personnel et tout progrès devrait nécessairement se payer avec un fleuve de mal, et celui qui voudrait servir ce progrès devrait accepter de payer ce prix. La politique, au fond, se fonde sur ces prémices. Et nous en voyons les effets. Cette pensée moderne ne peut que porter à la tristesse et au cynisme".

Et ainsi nous nous demandons de nouveau : que dit la foi, témoignée par Saint-Paul?
Comme premier point, elle confirme le fait de la compétition entre les deux natures, le fait de ce mal dont l'ombre pèse sur toute la création. ... Le mal existe, simplement. Comme explication, en opposition avec le dualisme et le monisme que nous avons brièvement considérés et trouvés désolants, la foi dit : il existent deux mystères de lumière, et un mystère de nuit qui cependant est enveloppé des mystères de lumière.
Le premier mystère de lumière est celui-ci : la foi dit qu'il n'y a pas deux principes, un bon et un mauvais, mais qu'il y a un seul principe, le Dieu créateur, et ce principe est bon, seulement bon, sans ombre de mal. Et donc l'être aussi n'est pas un mélange de bien et mal ; l'être comme tel est bon et donc il est bien d'être, il est bien de vivre.
Telle est l'heureuse annonce de la foi : il y a seulement une bonne source, le Créateur. Et donc vivre est un bien, c'est une bonne chose d'être un homme, une femme, la vie est bonne.
Et puis, il y a un mystère de l'obscurité, de la nuit. Le mal ne vient pas de la source de l'être même, il n'est pas originel. Le mal vient d'une liberté créée, d'une liberté abusée.

Comment cela a-t-il été possible, comme cela s'est-il passé ?
Cela reste obscur. Le mal n'est pas logique. Seuls Dieu et le bien sont logiques, ils sont la lumière.
Le mal reste mystérieux. Il s'est présenté en grandes images, comme le fait le chapitre 3 de la Genèse, avec cette vision des deux arbres, du serpent, de l'homme pécheur. Une grande image qui nous fait deviner, mais ne peut pas expliquer combien il est en lui même illogique. Nous pouvons deviner, mais pas expliquer ; nous ne pouvons même pas le raconter comme un fait à côté d'un autre, parce que c'est une réalité plus profonde. Il reste un mystère d'obscurité, de nuit. Mais s'y ajoute immédiatement un mystère de lumière. Le mal vient d'une source subordonnée. Dieu avec sa lumière est plus fort. Et donc le mal peut être dépassé. Donc la créature, l'homme, est guérissable. Les visions dualistes, et aussi le monisme de l'évolutionnisme, ne peuvent pas dire que l'homme est guérissable ; mais si le mal vient seulement d'une source subordonnée, il reste vrai que l'homme est guérissable. Et le Livre de la Sagesse dit : « Tu as fait les nations guérissables».

Et finalement, le dernier point, l'homme n'est pas seulement guérissable, il est guéri de fait. Dieu a introduit la guérison. Il est entré en personne dans l'histoire. À la permanente source du mal, il a opposé une source de bien pur. Le Christ crucifié et ressuscité, nouvel Adam, oppose au fleuve souillé du mal un fleuve de lumière. Et ce fleuve est présent dans l'histoire : nous voyons les saints, les grands saints mais aussi les humbles saints, les simples fidèles. Nous voyons que le fleuve de lumière qui vient du Christ est présent, est fort.

Frères et soeurs, c'est temps de l'Avent. Dans le langage de l'Église le mot Avent a deux significations : présence et attente.
Présence : la lumière est présente, le Christ est le nouvel Adam, il est avec nous et au milieu de nous. Déjà brille la lumière et nous devons ouvrir les yeux du coeur pour voir la lumière et pour nous introduire dans le fleuve de la lumière. Surtout être reconnaissant du fait que Dieu lui-même est entré dans l'histoire comme nouvelle source de bien.
Mais Avent dit aussi attente. La nuit obscure du mal est encore forte.
Et donc nous prions durant l'Avent avec l'antique peuple de Dieu : « Rorate caeli desuper ».
Et nous prions avec insistance :
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Viens Jésus ;
Viens, donne force à la lumière et au bien ;
Viens où domine le mensonge, l'ignorance de Dieu, la violence, l'injustice;
Viens, Seigneur Jésus, donne force au bien dans le monde et aide nous à être des porteurs de ta lumière, des artisans de la paix, des témoins de la vérité.
Viens Seigneur Jésus !

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