Le long et puissant discours de Ratisbonne

Sandro Magister étudie la "géopolitique" de Benoît XVI, le Pape de la raison... (26/9/2008)


La géopolitique de Benoît XVI
... vue par Sandro Magister.

Une exceptionnelle analyse de la "surprenante géopolitique de Benoît XVI", par Sandro Magister.
Elle est extraite d'un article qu'il a publié dans la revue Aspenia, sous le titre explicite "Le Pape de l'Occident".
http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/206793?fr=y




"Après trois années de pontificat et contrairement aux prévisions du plus grand nombre, le théologien raffiné a aussi marqué de son empreinte la politique internationale."

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Si Jean-Paul II fut "le pape des intuitions fulgurantes", de la chute du communisme et du "droit d'ingérence" dans l'intérêt des hommes, "Benoît XVI, dans la continuité avec son prédécesseur, est le pape de la raison et de l’action méthodique. Le premier était avant tout image, le second est principalement "logos". "

La raison est en fait ce qui caractérise l'action de ce Pape dans tous les domaines.
Cela commence donc à se savoir, et à être admis dans les cercles de réflexion, surtout si cela passe par de tels relais.

Certains esprits obtus persistent à voir une bourde médiatique dans le discours de Ratisbonne: celui-ci fut au contraire un acte courageux, réfléchi, presque fondateur. Cette analyse est partagée par des observateurs éminents, comme Vittorio Messori et surtout George Weigel (http://benoit-et-moi.fr/USA/... ).

Sandro Magister écrit:
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Pour Benoît XVI, le premier acte marquant à l’échelle mondiale a été le long et puissant discours prononcé à l’université de Ratisbonne le 12 septembre 2006. Au point de secouer littéralement le monde, à tort et à raison. Dans ce discours, le nouveau pape expliquait ses opinions et son projet concernant l’Eglise et l’Occident, y compris son rapport avec l’islam.

Selon les canons du réalisme géopolitique, Benoît XVI n’aurait jamais dû prononcer intégralement ce discours. Il aurait d’abord dû le faire revoir et expurger par des diplomates experts, ce qu’il s’était bien gardé de faire. Beaucoup de membres de la curie le lui ont reproché.

Pourtant, deux ans plus tard, les faits parlent autrement
. N’en déplaise aux Cassandres, l’Eglise catholique et l’islam ont créé un dialogue qui n’avait jamais existé avant Ratisbonne et qui semblait même impensable.
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Alternant des "gestes d'ouverture" (la prière à la Mosquée bleue), et "des actes contraires à la prudence diplomatique" (le baptême de Magdi Allam), Benoît XVI met en fait l'Islam au défi des Lumières, auxquelles le catholicisme a dû faire face, dans la souffrance que l'on sait (que l'on pense à la révolution française), et qui l'ont d'une certaine façon purifié et peut-être fortifié.
Il l'a répété devant la Curie, en décembre 2006: "Dans un dialogue à intensifier avec l'Islam, nous devrons garder à l'esprit le fait que le monde musulman se trouve aujourd'hui avec une grande urgence face à une tâche très semblable à celle qui fut imposée aux chrétiens à partir du Siècle des Lumières et à laquelle le Concile Vatican II a apporté des solutions concrètes pour l’Église catholique au terme d’une longue et difficile recherche. [...]
Aux musulmans, donc, de saisir la perche qui leur est tendue. Et désormais, ils ne peuvent plus l'ignorer.
(sur ce thème, voir par exemple l'article de Messsori: "Musulmans, les épreuves à surmonter" http://benoit-et-moi.fr/2008-II... )

Sandro Magister voit en Benoît XVI avant tout le Pape de l'Occident (mais, convient-il, " il n’y a pas que cela. Il suffit de penser au soin avec lequel il suit le dossier chinois...").
C'est sous cet angle qu'il étudie son souci évident pour le destin matériel et spirituel de cette partie du monde, et les relations (chaleureuses, donc surprenantes pour certains) avec l'Amérique de George Bush, dans lequel il apprécie un pays né et fondé “sur cette vérité évidente que le Créateur a doté tout être humain de droits inaliénables”, dont le premier est la liberté. Mais surtout où le "rôle de la religion dans la création du débat public " n'est pas contesté. A l'inverse de l'Europe, "au nom d’une compréhension limitée de la vie politique". On en revient au thème de la laïcité, qui a suscité récemment en France les polémiques que l'on sait.

On perçoit au final qu'il y a dans la "vision politique" de Ratzinger telle qu'elle est décortiquée savamment par Sandro Magister une cohérence qui trouve sa racine dans le message chrétien.
C'est ce que suggère la conclusion:
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Même dans les documents dus en grande partie à la secrétairerie d’Etat du Vatican, on reconnaît facilement l'empreinte ratzingerienne. A chaque début d’année, après la fête de l’Epiphanie, le pape reçoit tout le corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège et lit un discours qui fait le point sur la géopolitique de l’Eglise dans le monde entier. Le plus récent qu’il ait lu, le 7 janvier dernier, était de routine. Mais à la fin Benoît XVI y a introduit un paragraphe qui était indiscutablement de sa main:
“La diplomatie est, d’une certaine façon, l’art de l’espérance. Elle vit de l’espérance et cherche à en discerner même les signes les plus ténus. La célébration de Noël vient chaque année nous rappeler que, quand Dieu s’est fait petit enfant, l’espérance est venue habiter dans le monde, dans le cœur de la famille humaine”.
De l’art de la diplomatie à ce “petit enfant” qui est Jésus, le saut est vertigineux. Et pourtant il y a dans ce nœud – selon le pape – toute la mission originale de l’Eglise, sa théologie de l’histoire, sa “politique” dans le monde.
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Article en entier ici: http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/206793?fr=y


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