Benoît XVI: qui est-il vraiment?

Extrait du dossier de La Vie, dans son numéro spécial précédant la venue du Pape en France (28/9/2008)


Il y a presque trois semaines, juste avant l'arrivée du pape chez nous, l'hebdomaire La Vie faisait paraître un numéro spécial.
En couverture, Benoît XVI, revêtu de la mozette rouge sur le surplis de dentelle blanche, les cheveux au vent, appuyé au bastingage d'un bateau dans la baie de Sidney.
Et un titre en forme d'interrogation: Qui est-il vraiment?
Je l'avais signalé dans ces pages: Deux magazines à acheter.


A présent que le magazine n'est plus disponible en kiosque, je m'apprêtais à scanner quelques pages, à l'intention surtout de mes lecteurs étrangers, mais La Vie a eu la bonne idée de mettre une grande partie du texte du dossier en ligne: http://www.lavie.fr/..les-dossiers-de-la-vie/
Il faut donc se dépêcher de sauvegarder ces pages avant qu'elles ne disparaissent peut-être.
Quant à moi, il ne me reste qu'à scanner quelques photos - déjà vues, mais ici légendées.


In "La Vie". Cliquez pour agrandir...   


Même si le ton général suscite des réserves de ma part (je pense à l'éditorial de JP Denis, "Notre attente", et surtout à l'article intitulé "où veut-il aller ? Sa stratégie à long terme. Sa méthode pour gouverner l’Église. Ses idées sur le monde et sur Dieu. Dix clés pour comprendre le vrai projet de Benoît XVI"), il faut lire le portrait de Rémy Brague ("C'est un humoriste",) et surtout saluer le travail d'investigation remarquable pour la partie biographique, intitulée "Benoît XVI intime: Et si cet homme secret ne correspondait pas aux cliché?... un portrait surprenant et inédit": à vrai dire, pas si inédit que cela, beaucoup de faits étaient publics depuis longtemps, étant parus dans la presse italienne au moment de l'élection, et ayant été publiés par exemple dans la biographie "Benedict of Bavaria" de Brennan Pursell, qui s'était rendu à Pentling. J'avais d'ailleurs moi-même publié sur Internet de nombreuses anecdotes tirées d'un livre de Christian Feldmann Der bayerische Papst (http://beatriceweb.eu/baviere/documentation/livres/derbayerischepapst.html )
L'envoyé spécial du journal, Jean Mercier, a donc lui aussi "enquêté" à Pentling. Il a interrogé les voisins et amis Richardi, ce qui nous vaut quelques anecdotes intimes, notamment sur la mort de sa soeur, et ces lignes très émouvantes que je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici:



De 1969 à 1977, Ratzinger a vécu là les années les plus douces de sa vie, en compagnie de sa soeur, Maria, et de son frère, Georg, prêtre lui aussi, et qui dirigeait la maîtrise de la cathédrale. «Depuis qu’il vivait à Rome, il venait chaque été à Pentling pendant le mois d’août pour retrouver sa patrie, et puis toujours entre Noël et l’Épiphanie. À chaque séjour, il passait du temps avec nous », explique Margarete. C’est un homme d’une simplicité totale. Si nos enfants ou nos petits-enfants étaient là, il discutait ou jouait avec eux. Et à table, il ne boudait pas le plaisir de se régaler d’un tafelspitz (pot-au-feu à l’autrichienne).»
Les Richardi se sont tellement pris d’amitié pour Joseph Ratzinger qu’ils ont également partagé les liens très forts que leur ami entretenait avec son frère et sa soeur aînés.
«Le soir de son élection, nous étions très surpris, et aussi très fiers, se souvient Margarete. Mais nous étions aussi dans l’inquiétude, car pour son frère, Georg, c’était une mauvaise nouvelle. Cela voulait dire que Joseph ne pourrait pas prendre la retraite à laquelle il aspirait, et qu’il serait loin de lui pour toujours. Il était dans un désarroi total, et nous avons eu bien du mal à le consoler. Depuis, je vais le voir une après-midi par semaine pour lui lire des livres, puisqu’il est devenu aveugle.»

«Ce jour-là, nous l’avons vu craquer pour la première fois. Il était submergé par le chagrin, les larmes.
Je l’ai pris dans mes bras et je lui ai dit : “Si elle est là où nous croyons qu’elle est, nous devons croire que Maria est heureuse.”»

Nous sommes maintenant dans le charmant petit cimetière de Zigetsdorf, à trois pas du village de Pentling, devant la tombe toute simple où repose Maria Ratzinger et les parents du pape, et Margarete se souvient des mots qu’elle trouva pour consoler son ami le jour de l’enterrement de sa soeur aînée. Maria, qui était allée vivre avec son frère à Rome pour l’aider à tenir sa maison et assurer son secrétariat, était morte de façon inattendue, d’un arrêt cardiaque.
La scène décrite tranche avec l’image publique du pape Benoît XVI, célébrant la messe de façon hiératique ou agitant légèrement les doigts dans l’air pour «manifester» son enthousiasme lors des JMJ (ndr: cliché détestable et qui a malheureusement encore cours , y compris dans les medias catholiques!!!) ...
Loin d’être un froid, le pape est un grand affectif qui se cache.
«Ratzinger est un homme qui s’attache fortement aux gens, même s’il ne le montre pas », explique Reinhard. Par exemple, quand Josef Clemens, son secrétaire privé, a été nommé, en 2003, sous-secrétaire de la Congrégation pour la vie religieuse, il était malheureux.»
«Il est très fidèle », renchérit son épouse, qui montre, très fière, une lettre de deux pages, signée du pape, qu’elle vient de recevoir pour son anniversaire.



L'article n'échappe pas à quelques clichés, et d'autres épisodes sont moins agréables à lire, comme les propos prêtés au fils de la famille Richardi, Johann, chercheur à Paris VI.
Ce qu'il dit est franchement incompréhensible, à la première lecture ("c'est absolument imposible d'être un fan de Ratzinger"), ou demande au moins à être replacé dans le contexte bien précis de la discussion. Il a simplement voulu dire, sans doute, que Joseph Ratzinger ne cherchait pas à séduire, et qu'il s'imposait par le fond, plus que par la forme. Ce qui est indubitablement un compliment, mais vaut d'être précisé.
Car malheureusement, c'est à peu près tout ce qu'avait retenu de l'article la "revue de presse" d'Europe 1, le jour de sa parution (http://beatriceweb.eu/BenoitEnFrance/... )

Le "portrait" se conclut par un clin d'oeil qui n'est pas exempt d'une intention malicieuse, mais qui lui plairait... sûrement (?):
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«Mais que va-t-on faire du chat ?»

C’est la boutade d’un évêque français à l’annonce du voyage du pape en France.
Il imagine ce qu’il en coûte au grand patron de quitter son compagnon chéri du Vatican, de rompre l’ordonnancement presque monacal de ses journées pour une tournée harassante... Miroir de cette personnalité complexe, le chat a sans doute la clé de l’ «énigme Benoît XVI ».
Comme son animal favori, le pape est un doux et un dur, un méditant et un combattant toujours à l’affût.
Un coeur à l’écoute et un critique qui ne mâche pas ses mots.
À la fois l’être fraternel que décrivent les amis bavarois, et l’être inflexible qu’il a été, et qu’il reste encore.
«Il aime beaucoup débattre, remarque Wolfgang Beinert. La vérité est que, contrairement à l’image très fausse du Panzerkardinal, Ratzinger n’est pas un boxeur. Il n’aime pas recevoir les coups. C’est un délicat, un subtil, un esthète. Un être très facile à blesser. Je crois que le rôle de chien de garde de la foi qu’il a assuré pendant ces années romaines ne correspondait pas vraiment à sa personnalité profonde. Il fallait être dur, trancher. Ce n’était pas lui.»
Le père Bruno Fink, prêtre de paroisse en Bavière, qui fut son secrétaire particulier, à la fois lorsqu’il était archevêque de Munich et plus tard à Rome, témoigne d’une constante psychologique de notre homme : «Je ne l’ai jamais vu une seule fois en colère pendant les cinq années que j’ai passées à ses côtés.»
Un homme à la fois hypersensible et hypercontrôlé ? Autant parler d’un autocuiseur sous haute pression... Comment fait-il pour tenir ? Autant donner sa langue au fameux chat, qui, au pied du piano, fait le bonheur de l’homme en blanc.


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