Carlo-Maria Martini, SJ, l'Ante-Pape

"Conversation nocturne à Jérusalem" vient de paraître en italien. A propos de l'analyse de Sandro Magister. (5/11/2008)



Sandro Magister consacre son dernier billet à un livre d'entretiens entre le Cardinal Martini et un autre jésuite, le père Georg Sporschill, un allemand.
"Conversation nocturne à Jérusalem", était paru au printemps dernier en Allemagne, et nous en avions parlé dans ces pages, citant Vittorio Messori (Le derby Martini-Ratzinger); Henri Tincq lui-ême, trop content que l'ex- "pape des medias" apporte de l'eau à son moulin, en avait fait un article au titre évocateur: La leçon de réforme du cardinal Martini à son Eglise.
Le titre, Conversation nocturne à Jérusalem l'est tout autant, et ressemble bien à un programme! (*)
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Le livre vient de sortir en Italie.
Sandro Magister, même très prudent, du moins à mon impression, me laisse penser que cette fois, Vittorio Messori était bien indulgent envers le vieux cardinal, éternel porte-parole de l'aile libérale de l'Eglise.



« ... le cardinal Carlo Maria Martini se définit non comme un antipape – c’est ainsi que les médias le dépeignent souvent – mais comme "un antépape, un précurseur et un préparateur pour le Saint-Père".  »


De qui, de quoi parle-t'il?
Une telle auto-suffisance révèle de la part du prélat un incroyable orgueil, bien peu conforme à l'humilité de son Maître.

A l'opposé de celui de Joseph Ratzinger, son Jésus serait un révolutionnaire, donc une image bien propre à séduire notre époque.
Je ne vais évidemment pas m'offrir le ridicule de contrer un théologien d'une telle ampleur, mais je ressens un certain malaise, en lisant ceci, sous la plume de Sandro Magister :


« En tout cas, si l’on s’en tient au contenu du livre, le cardinal Martini apparaît très éloigné, sur bien des points, du pape actuel et de ses récents prédécesseurs.
Si l’on compare, par exemple, le "Jésus de Nazareth" de Benoît XVI au Jésus que décrit le cardinal Martini dans ce livre, la distance est impressionnante.
"Le livre du pape est une profession de foi en Jésus. Le cardinal Martini nous présente Jésus dans une autre perspective. Jésus est l'ami du publicain et du pécheur. Il écoute les demandes de la jeunesse. Il apporte le désordre. Avec nous, il lutte contre l'injustice".
Il en est bien ainsi. Le cardinal présente le Sermon sur la Montagne comme une charte des droits des opprimés.
... »


La tunique "sans couture" du Christ

Etrange conception, comme le dit mon amie Teresa sur le Papa Ratzinger Forum , « le catéchisme de notre enfance nous a enseigné que la justice de Jésus n'est pas de ce monde ».

Bref, en lisant le début de l'article, j'ai tout de suite pensé aux mots si beaux de notre Saint-Père devant les évêques français réunis à Lourdes, quand il formulait l'espoir "que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage...".
Apparemment, ce n'est pas le souci premier du cardinal.
Dieu merci (vraiment, merci!) il n'est pas Pape.
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Sandro Magister choisit dans la seconde partie de mettre l'accent sur les attaques (pour une fois sans ambiguïté, ce qui tranche avec son attitude générale (*)) du cardinal Martini contre l'Encyclique Humanae Vitae, dont on a commémoré ces jours-ci le quarantième anniversaire de la publication.
On relira en particulier ce qu'en a dit le Saint-Père (Les 40 ans d'Humanae Vitae) et l'article de John Allen (Paul VI, le Pape surhumain)
Le titre de son aricle est d'ailleurs: Le Jésus du cardinal Martini n'aurait jamais écrit "Humanæ Vitæ".
Et il met en perspective le chapitre du livre qui lui est consacré, avec un « livre publié en Italie peu avant celui du cardinal Martini. Son titre est: "Deux en une seule chair. Eglise et sexualité dans l’histoire ". Les auteurs sont des chercheuses, toutes deux militantes féministes dans les années 70 et historiennes, l'une laïque et l'autre catholique: Margherita Pelaja et Lucetta Scaraffia. »

Il en reproduit un extrait, extrêment intéressant, consacré à la méthode dite des époux "Billings", pour le contrôle naturel des naissances. Une méthode apparue sous le Pontificat de Jean-paul II - très impliqué dans la "théologie du corps" -
A cette époque,dit-il:


... dans les pays occidentaux, les méthodes naturelles ont continué à être considérées comme non seulement tout à fait inefficaces mais aussi incommodes et difficiles à appliquer.
Du reste, elles ont une autre caractéristique, dont on ne parle pas, qui a contribué à les faire dénigrer: leur gratuité. Aucune société pharmaceutique n’avait intérêt à financer des recherches sur cette forme de contrôle des naissances qu’il valait mieux couvrir de ridicule et discréditer.


Il semble que ce soit encore vrai aujourd'hui...

L'aricle est dans sa traduction française de Charles de Pechpeyrou sur le site de Sandro Magister:


(*)
Comme toujours, le mode d’expression de Martini est le clair-obscur, le nuancé, et cela dès le titre du livre, "Conversations nocturnes à Jérusalem. Sur le risque de la foi". A propos du célibat du clergé, par exemple, il dit et ne dit pas. De même à propos des femmes prêtres. Ou de l'homosexualité. Ou du préservatif. Même quand il critique la hiérarchie de l’Eglise il ne nomme ni les gens ni les choses.


Façon subtile et élégante, de la part de SM de dire que le cardinal est bien un "jésuite", y compris dans le sens figuré et malheureusement péjoratif que le dictionnaire de la langue française donne à ce terme: « Par allusion à la casuistique des moralistes jésuites, et notamment à la pratique de la restriction mentale, se dit d'une personne qui montre une subtilité un peu retorse, qui manque de franchise et de sincérité. »
...
Le cardinal Martini n'est pas fou, il veut continuer à critiquer l'Eglise, mais du dedans. Toute autre attitude serait médiatiquement suicidaire: même si on peut penser qu'à son âge, cela lui est indifférent, nul doute qu'il se préoccupe de ce qu'il laissera comme héritage intellectuel, et il aura plus de poids de l'intérieur de l'institution.


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