L'enseignement libre catholique

Un dossier-enquête du NYT, relayé par Il Corriere: étonnant! (2/10/2008)



C'est vraiment étonnant, au moins pour moi!!
Dans la série "que dit-on de nous chez nos voisins - et plus loin?".
Il Corriere della Sera donne un large écho à un reportage paru dans le New York Times du 30 septembre.

A lire pour ne pas mourir idiot.
Je préfère ne faire aucun commentaire, même dans la mise en forme (sinon pour déplorer l'impact négatif d'une enquête comme le classement des lycées de L'Express, et quelques prises de liberté, il me semble, avec l'histoire de France)...
Evidemment, tout cela est officiellement au nom des meilleures intentions.
Mais si les chiffres et les faits (dont on entend peu parler en France) sont exacts, on comprend pourquoi le Saint-Siège souhaite "recadrer" l'enseignement catholique (voir plus bas *). Chez nous, il s'agit d'une priorité vitale.

L'article du Corriere est reproduit sur le blog de Raffaella.

L'article de NYT que je traduis ci-dessous est encore disponible en anglais ici:
http://www.nytimes.com/2008/09/30


MARSEILLE, France -

La cafétéria lumineuse de l'école catholique Saint-Mauront est visiblement très tranquille : C'est Ramadan, et 80 pour cent des élèves sont musulmans. Quand la cloche du déjeuner sonne, les filles et les garçons s'écoulent dehors, passant à côté de la grande croix en bois dans le couloir, et se préparent pour la prière musulmane de midi.

« Il y a du respect pour notre religion ici, » dit Nadia Oualane, 14 ans, une élève d'origine algérienne qui porte ses cheveux cachés sous un voile noir. « A l'école publique, ajoute-t'elle, en désignant le bâtiments voisins, « je ne serai pas autorisée à porter un voile. »

En France, qui a seulement quatre écoles musulmanes, certaines des 8847 écoles catholiques du pays sont devenues des refuges pour des musulmans à la recherche de ce qu'un secteur public surchargé et laïciste leur offre rarement: une spiritualité, un environnement dans lesquels les bonnes manières comptent à côté des mathématiques, et un niveau scolaire plus élevé.
Aucune statistique nationale n'est accessible, mais les éducateurs musulmans et catholiques estiment que les étudiants musulmans composent maintenant plus de 10 pour cent des deux millions d'étudiants dans les écoles catholiques.
Dans les mosaïques ethniques de Marseille et du nord industriel, la proportion peut atteindre plus de la moitié.

La migration tranquille des musulmans vers les écoles catholiques privées illustre combien il est devenu difficile pour les écoles publiques, longtemps l'outil de la France pour l'intégration, de tenir leur promesse d'égalité des chances. Traditionnellement, l'école républicaine, née durant la révolution française, était le terreau de la citoyenneté. La désaffection de ces écoles est une autre indication du défi auquel doit faire face la forme stricte de sécularisme connue sous le nom de « laïcité. »
Suivant des siècles de guerres religieuses et une longue période de conflit entre la République naissante et un clergé autoritaire, une loi de 1905 accorda la liberté religieuse dans une France majoritairement catholique et supprima l'aide financière et la reconnaissance formelle à tous les cultes. L'éducation religieuse et les symboles furent interdits dans les écoles d'Etat.

La France est aujourd'hui la patrie d'environ cinq millions de musulmans, la plus grande communauté d'Europe occidentale , et de nouvelles failles ont apparu. En 2004, une interdiction du foulard dans les écoles publiques a provoqué un tollé et un débat sur l'interprétation de la loi de 1905.
« La laïcité est devenue la religion de l'état, et l'école républicaine est son temple, » dit l'Imam Soheib Bencheikh, ex-grand mufti de Marseille et fondateur d'un Institut de hautes études islamiques. La fille aînée de l'Imam Bencheikh fréquente l'école catholique.

« C'est une ironie» a dit-il, « mais aujourd'hui l'église catholique est plus tolérante - et mieux informée sur l'Islam que l'état français. »

Pour certains, les aspects économiques plaident pour les écoles catholiques, qui tendent à être plus petites que les écoles publiques et beaucoup moins chères que les écoles privées dans d'autres pays. En contre-partie de l'enseignement par ces écoles des programmes nationaux et de leur ouverture aux étudiants de toutes confessions, le gouvernement paye les salaires des professeurs et une subvention par étudiant. Les coûts annuels pour les parents représentent en moyenne 1.400 euros pour le collège et 1.800 euros pour le lycée, selon l'autorité éducative catholique.

Dans le système d'éducation fortement centralisé de la France, le programme national d'études proscrit l'instruction religieuse au delà de l'examen général des principes et des croyances religieuses dans le cadre du cours Histoire. L'instruction religieuse, comme le catéchisme catholique, est volontaire. Et les écoles catholiques prennent des mesures pour s'adapter aux différentes fois. Une école à Dijon permet aux étudiants musulmans d'utiliser la chapelle pour les prières du Ramadan. Les écoles catholiques sont également libres de permettre aux filles de porter le voile. Beaucoup se conforment à l'interdiction de l'état, mais plusieurs, comme Saint-Mauront, tolèrent une discrète couverture.

L'école, située dans les quartiers nord de la ville, incarne les glissements tectoniques des la société française au cours du siècle dernier. Fondé en 1905 dans une ancienne savonnerie, l'école a au commencement servi principalement aux étudiants catholiques dont les parents étaient français, dit le directeur, Jean Chamoux. Avant la deuxième guerre mondiale, les Italiens et quelques immigrés portugais sont arrivés ; depuis les années 60, des Africains d'anciennes colonies françaises. Il y a aujourd'hui à peine un visage blanc parmi les 117 étudiants.

M. Chamoux, un homme calme et jovial, est ici depuis 20 ans et semble connaître chaque étudiant par son nom. Sous un crucifix dans son petit bureau à l'etroit, les vertus des écoles catholiques sont exaltées. « Nous pratiquons la liberté religieuse ; les écoles d'Etat ne le font pas», dit-il. « Nous enseignons le programme d'études national. Les activités religieuses sont entièrement facultatives. »
« Si j'interdisais le voile, la moitié des filles n'iraient pas à l'école du tout», ajoute t'il. « Je préfère les avoir ici, leur parler et leur dire qu'elles ont le choix. Beaucoup l'enlèvent, au bout d'un moment. Mon but est que durant leurs études, elles fassent un choix conscient, d'une manière ou d'une autre. »

Les défenseurs de la laïcité répliquent qu'une telle clémence pourrait encourager d'autres demandes spéciales, et les valeurs anti-occidentales comme l'oppression des femmes. « Le voile est un signe sexiste, et la discrimination entre les sexes n'a aucune place dans l'école républicaine, » dit le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos, lors d'un entretien au téléphone. « C'est la raison fondamentale pour laquelle nous sommes contre . »

M. Chamoux dit qu'il soupçonne que quelques élèves (« une petite minorité, » dit-il) porte le voile en raison de la pression de la famille. Il reconnait que les parents exigent habituellement une dispense des leçons de natation pour les filles qui, si on leur refuse, présentent un certificat médical et manquent la classe de toute façon.
Récemment dit-il il a mis le holà quand les étudiants ont demandéd'enlever le crucifix dans une salle de classe qu'ils ont réclamée pour des prières communes pendant le Ramadan, qui en France prend fin mardi.
Le professeur de biologie de Saint-Mauront a été défié sur la théorie de l'évolution de Darwin, et la classe d'histoire peut devenir chaude lors de discussions sur les croisades ou le conflit israélo-palestinien. En 2001, après que les attaques du 11 septembre, quelques étudiants musulmans ont choqué le personnel en montrant de l'allégresse, se souvient M. Chamoux.
L'école sanctionne tout de suite les commentaires blessants dit-il, mais essaye également de respecter l'Islam. Cela prend en considération les fêtes musulmanes pour des réunions parent-professeur. Depuis deux ans, elle propose aussi l'enseignement facultatif de l'arabe - en partie pour détourner leurs étudiants des classes Coraniques dans des mosquées de voisinage censées prêcher l'Islam radical.

Quand on demande à Zohra Hanane, parent d'un étudiant musulman, pourquoi elle a choisi l'école catholique pour sa fille, Sabrina, sa réponse est immédiate. « Nous partageons le même Dieu, » dit-elle. Mais la foi n'est pas le seul argument.
Quoique Mme Hanane, qui est une mère célibataire et actuellement au chômage, se batte pour payer les frais annuels à Saint-Mauront de 249 euros - exceptionnellement bas, parce que l'école reçoit des subventions d'état additionnelles et a des équipements spartiates - elle dit que cela les vaut parce qu'elle ne veut pas que sa fille côtoie « de mauvaises gens » .
« C'est che et parfois c'est dur, mais je veux que mes enfants aient une vie meilleure » dit Mme Hanane a dit. « Aujourd'hui ceci semble être leur meilleur chance. »

En ville, dans les locaux rutilants du lycée de la Sainte-Trinité dans le quartier aisé de Mazargues, les règles et les conditions sont différentes, mais les arguments sont semblables. Les filles musulmanes ne portent pas de voile. Mais Imene Sahraoui, 17 ans, une musulmane pratiquante, fille d'un homme d'affaires et ancien diplomate algérien, va à l'école catholique, essentiellement pour obtenir les meilleurs diplômes et pour entrer à l'école de commerce, de préférence à l'étranger. Les « écoles d'Etat ne vous préparent pas de la même manière, » dit-il.

Quinze des 20 meilleurs lycées en France sont des écoles catholiques, selon un classement récent du magasine L'Express. Les écoles catholiques restent populaires parmi des musulmans même dans les villes où des écoles musulmanes sont nées: Paris, Lyon et Lille.
Les écoles musulmanes ont été entravées en partie par la pauvreté relative de la communauté musulmane. Et une seule école musulmane, le lycée d'Averroës, dans les locaux de la mosquée de Lille, a été qualifiée pour recevoir des subventions d'état. Pour survivre, les autres facturent des frais de scolarité très élevés.
En outre, comme le dit M'hamed Ed-Dyouri, le directeur de la nouvelle école musulmane tout près de Paris « nous devons d'abord faire nos preuves. » Pour le moment, il prévoit d'inscrire son fils à l'école catholique.


Sur ce sujet

- Sur la position de l'Eglise on relira (http://benoit-et-moi.fr/2007/... )un document émanant du Vatican, définissant les buts et les modalités de l'Enseignement Catholique.
Je lis bien:
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... dans beaucoup de cas, il y a des "élèves, et aussi des enseignants, provenants de contextes culturels et religieux différents". ... "l'élaboration d'un projet partagé devient un appel dont il faut tenir compte, qui doit pousser l'école catholique à se définir comme lieu d'expérience ecclésiale. Sa force de "connexion" et ses potentialités relationnelles dérivent d'un cadre de valeurs et d'une communion de vie enracinés dans l'appartenance même au Christ et dans la reconnaissance des valeurs évangeliques, considérées comme règles d'éducation, motivation et but final du parcours scolaire ".
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Il me semble qu'on en est loin...

- Il est temps aussi de se remémorer la charte pour l'enseignement catholique publiée par l'évêque d'Avignon, Mgr Cattenoz. (voir lien ci-dessus et aussi http://www.libertepolitique.com/... )
Le courageux évêque y dénonce la « dénaturation ou édulcoration du caractère propre de nos établissements catholiques » et un « abus des valeurs de solidarité et d’ouverture à tous », [et]il préconise une proposition d’éducation à la foi, passant par « une remise en cause radicale de nos conditionnements ».
...
[Il] se déclare opposé à ce qu’il nomme une «“catéchèse dispersée” dans quelques recoins de l’emploi du temps» et demande aux établissements de proposer «une “catéchèse intégrale”, fondée sur la tradition des Pères de l’Église et le Catéchisme de l’Église catholique».


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