Magdi Allam: lettre ouverte au Pape

... à propos de l'islam (27/10/2008)


Magdi Allam, ce journaliste qui s'est converti au christianisme et que Benoît XVI en personne a baptisé lors de la veillée pascale 2008, vient d'écrire une lettre ouverte au Saint-Père.
Il met le doigt où ça fait mal, notamment sur ce qu'il considère comme l'aveuglement de l'Eglise envers l'islam, du haut en bas de la hiérarchie.
Il a certainement des comptes personnels à régler avec l'islam, ce qui explique la violence de certains propos, que pour des raisons évidentes, je ne peux pas reproduire ici.
Mais, si l'on y réfléchit, il est au moins aussi sévère avec une certaine "élite" occidentale bien pensante et endormie, donc suicidaire, qu'avec ses ex -coreligionaires.
La version partielle (i.e. auto-censurée) que je propose dans cette traduction est malgré tout extrêmement intéressante. On peut tout faire, avec de tels arguments, sauf les balayer d'un revers de main.
Il serait plus confortable de pouvoir penser avec certitude que Magdi Allam (tout à la fougue de sa conversion, et quoiqu'on pense de ses propos, et de certaines de ses prises de position, d'un grand courage) n'est PAS un visionnaire.

Il va de soi que je ne reproduis ce texte qu'à titre informatif, que les idées sont celles de leur auteur, et que chacun est libre de lire le texte original en italien sur ce site, et d'en penser ce qu'il veut: http://www.magdiallam.it/node/7467


Lettre ouverte à Benoît XVI
Magdi Allam
----------------------
Je m'adresse directement à vous, Vicaire du Christ et Chef de l'Église Catholique, avec la déférence d'un croyant sincère dans la foi en Jésus et d'un protagoniste vaillant, témoin et constructeur de la Civilisation chrétienne, pour vous manifester ma très grande préoccupation pour la grave dérive religieuse et éthique qui s'est infiltrée et répandue au sein de l'Église.
Au point que, tandis qu'au sommet de l'Église certains hauts prélats et certains de vos proches collaborateurs soutiennent ouvertement et publiquement la légitimité de l'islam comme religion et voient en Mahomet un prophète, à la base de l'Église d'autres prêtres et curés transforment les églises et les paroisses en salles de prière et de meeting pour les intégristes et extrémistes islamiques qui poursuivent lucidement et sans faillir la stratégie de conquête du territoire et des esprits d'un Occident chrétien qui, comme vous-même l'avez défini, « se hait lui-même », idéologiquement malade de nihilisme, de matérialisme, de consumérisme, de relativisme, d'islamiquement correct, de buonisme, de laïcisme, subjectivisme juridique, automutilation, indifférentisme, multiculturalisme.
Il s'agit d'une guerre de conquête islamique qui a transformé l'Occident chrétien en forteresse de l'extrémisme islamique... [...].

Ce sont là des faits : on y croit plus ou moins, ils plaisent plus ou moins, mais ce sont des faits réels, objectifs, indéniables.
Cette conquête islamique des esprits et du territoire est rendue possible par l'extrême fragilité intérieure de l'Occident chrétien : ce sont deux faces de la même médaille. Notre Occident apparaît de plus en plus comme un colosse de matérialisme aux pieds d'argile parce que sans âme, en profonde crise de valeurs, trahissant son identité en ne voulant pas reconnaître la vérité historique et objective des racines judéo-chrétiennes de sa civilisation. C'est un Occident idéologiquement et concrètement en collusion avec l'avant-garde de l'armée de conquête islamique qui vise à exhumer le mythe et l'utopie de l'« Ouma », la Nation islamique, invoquant le Coran ... [...]

Eh bien, Votre Sainteté, comme ne pas se rendre compte que l'ouverture, ou pire encore la collusion avec l'islam comme religion, qui en dépit des apparences met en danger l'amour chrétien pour les musulmans comme personnes, culmine dans le reniement de la foi dans le Dieu qui s'est fait Homme et dans le christianisme qui est témoignage de Vérité, Vie, Amour, Liberté et Paix ?
Voilà pourquoi aujourd'hui il est vital pour le bien commun de l'Église catholique, pour l'intérêt général de la Chrétienté et de la Civilisation occidentale que vous vous prononciez de manière claire et contraignante pour l'ensemble des fidèles sur la question de fond à la base de cette dérive religieuse et éthique délétère qui discrédite l'Église, démontant les certitudes sur les valeurs et l'identité de l'Occident chrétien, entraînant au suicide de notre civilisation: est-il concevable que l'Église légitime l'islam comme religion allant jusqu'à considérer Mahomet comme un prophète ?
Votre Sainteté, je me bornerai à vous citer deux récents épisodes dont j'ai été le témoin.

Mercredi dernier, 15 octobre 2008, l'archevêque de Brindisi, Mgr Rocco Talucci, m'a fait l'honneur avant de m'accueillir au siège de la Curie diocésaine, de participer à la présentation de l'autobiographie de ma conversion de l'islam au catholicisme, « Merci Jésus », dans la Salle de la Chambre de commerce de Brindisi.
..
L'archevêque m'a tout de suite semblé un fin diplomatique, attentif à toujours évaluer le pour et le contre de chaque situation, en cherchant à contenter tout le monde et à n'irriter personne. Ce n'est pas exactement le type de Pasteur de l'Église ou plus simplement de personne que je préfère, même si je me force à me mettre à la place des autres pour comprendre les raisons profondes de ceux qui transforment l'équilibrisme existentiel en pratique quotidienne, finissant par conditionner et même déterminer leurs choix de vie. Mais ma disponibilité à la compréhension des raisons d'autrui s'est évanouie lorsque, intervenant après ma présentation du livre, Mgr Talucci a qualifié Mahomet de « prophète » et légitimé en substance l'islam comme religion puisque « expression de l'aspiration de l'homme à s'élever à Dieu ».
Ce n'est pas absolument mon intention de soulever un conflit personnel avec Mgr Talucci. Parce que ce n'est pas tout à fait un cas isolé. Si seulement il en était ainsi ! Malheureusement c'est une attitude diffuse au sein l'Église catholique d'aujourd'hui.

Le second épisode concerne le cardinal Jean-Louis Tauran, Président du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux. En intervenant au Meeting de Communion et de Libération à Rimini le 25 août 2008, au cours d'une conférence de presse qui a précédé la rencontre publique, intitulée « les conditions de la paix », il a répété la thèse qu'il a déjà soutenue par le passé, selon laquelle les religions seraient pour lui de « facteurs de paix », mais qu'elles feraient peur à cause de « quelques croyants » qui « ont trahi leur foi », alors qu'en réalité toutes les fois seraient « porteuses d'un message de paix et de fraternité ».
La thèse du cardinal Tauran est que les religions seraient intrinsèquement bonnes et que donc l'islam le serait aussi. Il en résulte que si aujourd'hui l'extrémisme et le terrorisme islamique sont devenus la principale urgence pour la sécurité et la stabilité internationales, on devrait imputer cela à une minorité « mauvaise » qui interpréterait de manière tordue le « véritable islam », tandis que la majorité des musulmans serait « bonne » dans le sens qu'elle serait respectueuse des droits fondamentaux et des valeurs non négociables qui sont à la de base de la civilisation commune de l'homme.

La réalité objective, je le dis avec sérénité et animé d'un but constructif, est exactement le contraire de ce qu'imagine le cardinal Tauran. L'extrémisme et le terrorisme islamique sont le fruit mûri de ceux qui, à partir de la défaite des armées arabes dans la guerre contre Israël du 5 juin 1967 - qui a marqué le couchant de l'idéologie laïque socialiste et va-t-en-guerre du panarabisme - ont voulu, en brandissant l'étandard du panislamisme, adhérer de plus en plus aux commandements du Coran et à la pensée et à l'action de Mahomet. La vérité, donc, est que l'extrémisme slamique correspond naturellement au « vrai islam » qui est un tout avec le Coran qui à son tour est considéré comme un tout avec Allah. [...].

La vérité est que le christianisme et l'islam sont totalement différents : le Dieu qui s'est fait homme incarné en Jésus, qui a partagé la vie, la vérité, l'amour et la liberté avec autres hommes jusqu'au sacrifice de sa vie, n'a rien en commun avec Allah qui s'est fait texte dans le Coran, et qui s'impose aux hommes de façon arbitraire [...]
La vérité, je le dis sur la base de l'objectivité de la réalité évidente et de la conscience liée à l'expérience directe, c'est qu'il n'existe pas d' « islam modéré », ainsi que l'a soutenu le cardinal Tauran lui-même, alors que certainement il y a des « musulmans modérés ». Ce sont ces musulmans qui, de même que n'importe quelle autre personne, respectent les droits fondamentaux de l'homme et ces valeurs qui ne sont pas négociables puisqu'elles sont l'essence de notre humanité : la sacralité de la vie, la dignité de la personne, la liberté de choix.

L'amère vérité est que cette partie de l'Église malade de relativisme et d'islamiquement correct risque de devenir plus islamiste que les islamistes eux-mêmes.
(..)
Je me demande si l'Église se rend compte qu'en n'affirmant pas, et en ne s'érigeant pas comme témoin de l'unicité, du caractère absolu, de l'universalité et de l'éternité de la Vérité dans le Christ, elle ne finit pas par se rendre complice de la construction d'un panthéon mondial des religions, où tout le monde considère que chaque religion est dépositaire d'une partie de la vérité, même si chaque religion s'attribue le monopole de la vérité ?
Pourquoi s'étonner après cela du fait que le christianisme, placé sur le même plan qu'une myriade d'autres fois et idéologies qui donnent les réponses les plus disparate aux besoins spirituels, cesse de fasciner, persuader et conquérir les esprits et les coeurs de ces mêmes chrétiens, qui désertent toujours plus les églises, qui fuient la vocation sacerdotale et plus généralement, qui excluent la dimension religieuse de leur vie ?
Pour moi, le christianisme n'est pas une religion « meilleure » que l'islam, ou la religion « complète » du message « accompli » par rapport à un islam considéré comme une religion « incomplète » du message « inaccompli ». Pour moi, le christianisme est l'unique religion vraie, parce qu'il est le vrai Jésus, le Dieu qui s'est fait homme et qui a témoigné parmi nous les hommes, par les oeuvres bonnes de vérité, de bon sens et de bonté du christianisme.
[...]

C'est justement mon expérience de « musulman modéré » poursuivant le rêve d'un « islam modéré », qui m'a fait comprendre qu'on peut certainement être « musulman modéré » comme individu mais qu'il n'existe absolument pas d'« islam modéré ».
Nous devons par conséquent distinguer la dimension de la personne de celle de la religion. Avec les musulmans modérés, en partant du respect des droits fondamentaux de l'homme et du partage des valeurs non négociables de notre humanité, on peut dialoguer et oeuvrer pour favoriser la cohabitation civile. Mais nous devons nous affranchir de l'erreur diffuse qui imagine que pour pouvoir aimer les musulmans on doive aimer l'islam, que pour se référer dignement aux musulmans, on doive attribuer la même dignité à l'islam.

Votre Sainteté Benoît XVI, l'Église, le Christianisme et la Civilisation occidentale succombent aujourd'hui de la plaie interne du nihilisme et du relativisme de qui a perdu son âme, sous la pression de la guerre de conquête, par nature aggressive, de l'extrémisme et du terrorisme islamique, ajoutée à
la dérive d'un monde qui s'est globalisé en s'inspirant de la modernité occidentale mais seulement dans sa dimension matérialiste et consumériste, alors qu'il n'a pas intégré sa dimension spirituelle. En finissant pour avantager ceux qui poursuivent une conception matérialiste et consumériste de la vie, privée de valeurs et de règles, violant les droits fondamentaux de l'homme, comme c'est certainement le cas de la Chine et de l'Inde.
Dans ce contexte très critique aux perspectives sombres, vous représentez aujourd'hui un phare de Vérité et de Liberté pour tous les chrétiens et pour toutes les personnes de bonne volonté en Occident et dans le Monde. Vous êtes une Bénédiction du Ciel qui maintient debout l'espoir dans le rachat moral et civil de la Chrétienté et et de l'Occident.
Nous nous en remettons à vous, et nous nous confions à votre bénédiction pour nous ériger en Constructeurs de la Civilisation Chrétienne capables de promouvoir un Mouvement de réforme éthique qui réalise une Italie, une Europe, un Occident et un Monde de Foi et de Raison.
Que Dieu vous assiste dans la mission qu'Il vous a conférée et que Dieu nous accompagne dans le chemin commun vers l'affirmation de la Vérité, le crédit du bien commun et la réalisation de l'intérêt général de l'humanité.


(C) benoit-et-moi.fr 2008 - Tous droits réservés

Imprimer cette page