Il me semble que, dans les medias, l'élection annoncée d'Obama est l'occasion de revenir avec insistance sur le discours devenu mythique de Martin Luther King, en 1963. Le fameux 'I have a dream'. Devenu mythique, pourquoi? Comment? Par qui? C'est l'idée qui me trottait dans la tête ce matin, en écoutant les commentaires d'une "spécialiste" des Etats-Unis, grande habituée des medias, surtout en période électorale, lorsque, classant les documents enregistrés sur mon ordinateur pour le mois écoulé, je suis tombée à nouveau (je n'irai pas jusqu'à écrire "par hasard"!) sur le livre d'entretien Messori/Tornielli "Pourquoi je crois". Il me semblait confusément qu'il y avait un rapport. Après seulement, j'ai retrouvé comme lien le nom (ou plutôt les mots) 'Martin Luther'. Et encore après, je me suis dit que ça valait la peine de traduire le début en ce moment.
Ceux qui ne verront aucun rapport voudront bien me pardonner. Les autres pourront essayer de transposer, très partiellement et librement, bien sûr - car il n'est pas question de détourner les intentions de l'auteur, ni de mettre dans le même sac les deux "Luther", sinon par l'exploitation politique qu'on fait de leur nom.
Les idées, dit Messori, ne s'imposent pas toujours et de toutes façons, mais seulement lorsqu'elles trouvent des temps favorables.
Les extraits en italien sont disponibles sur le blog de Raffaella.
|
|
|
Andrea Tornielli: La première question, au début de notre parcours, est simple, mais en même temps, elle t'engage. Comment s'est produite ta rencontre avec la foi, après une prime jeunesse entièrement éloignée de l'Église ?
Vittorio Messori: Ce dialogue - que, comme tu le sais , j'ai eu du mal à accepter - représente également pour moi une tentative de répondre pour la première fois, publiquement, à cette question, en réfléchissant à ce qui m'est arrivé dans la Turin estivale de 1964 (le récit extraordinaire de sa conversion, ndt). Pour y parvenir, il me faut remonter loin. Par exemple, en me souvenant du voyage qu'il y a quelque temps, j'ai voulu faire avec Rosanna (son épouse, ndt) dans les lieux de Martin Luther. Nous nous sommes promenés dans le Brandebourg et la Saxe, nous avons passé quelques jours à Wittenberg, où furent proclamées les célèbres « thèses » qui, à la surprise de ce maître en théologie - dont les opinions n'étaient pas originales mais proposées librement par d'autres, dans l'Église: un cas semblable à celui du système copernicien divulgué par Galilée, lui aussi librement discuté - mirent le feu aux poudres.
Comme tu le sais, les idées ne s'imposent pas toujours et de toutes façons (envers et contre tout), mais seulement lorsqu'elles trouvent des temps favorables.
A Worms, en Rhénanie-Palatinat, j'ai vu le monument, si souvent reproduit dans les livres, qui évoque la convocation de Luther devant la Diète impériale, en 1521, lorsque l'empereur en personne lui demanda de renoncer à ses doctrines, vu l'usage qui en était fait. Luther aurait répondu avec une phrase qui est devenue tellement proverbiale qu'elle est gravée sur le soubassement de la statue qui le représente. L'empereur, en effet, dit au bouillonnant religieux : « Ou tu te rétractes, ou bien nous en tirons les conséquences et nous te livrons à l'Inquisition ». Le moine augustinien (il l'était encore) répondit, si l'on s'en tient à la tradition : « Ici je suis, je ne peux rien d'autre », ajoutant aussitôt: « Que Dieu m'aide. Amen ». Naturellement, l'élite des savants teutons s'est disputée pour établir les paroles exactes: mais il s'agit là d'une anecdote, qui ne touche pas à la substance. Évidemment, je ne prends en rien Martin Luther pour exemple, ni en bien ni en mal : comme cela se produit, au fond, pour tous les personnages vraiment grands de l'histoire, et pas seulement ceux religieux, plus on cherche à approfondir l'homme et plus on comprend pourquoi Jésus nous a imposé de ne pas juger et de lui laisser le verdict final.
Les idées peuvent, et même doivent être passées au crible de l'examen, et, si nécessaire, condamnées. Il n'est pas vrai du tout que toutes les opinions soient à respecter, comme le veut la vulgate du bien-pensant actuel, qui désire se sentir gratifié et bon. Il y a des idées, et même beaucoup, qu'il est juste de contester, et peut-être de combattre durement.
Mais que savons-nous, au fond, des personnes qui expriment ces idées et les incarnent? Tu sais, je suis convaincu que l'oecuménisme, pour être authentique et (à Dieu ne plaise) profitable, a besoin de vérité et pas de déclarations "buonistes", évidemment toutes en faveur des « frères séparés », tandis que des catholiques, et seulement d'eux, on attend toujours les mea culpa. Permets-moi de constater, alors, que sur le plan de la vérité objective, l'oeuvre de ce moine fut à coup sûr désastreuse : il rompit pour toujours l'unité, pas seulement religieuse mais aussi culturelle, de l'Occident; et si l'Europe n'est plus une seule patrie, comme aux temps de la christianitas médiévale, c'est aussi à lui qu'on le doit. Il provoqua une multitude de morts, dévastations, cruauté dans les guerres de religion qui, par l'horreur causée en presque deux siècles, furent la graine qui porta à l'agnosticisme et à l'athéisme de l'Occident; proclamant vouloir redécouvrir la « liberté » du chrétien, en réalité il le soumit à ces mêmes Princes devenus entre-temps évêques et papes, détruisant la distinction libératrice de Jésus entre Dieu et César ; en choisissant la rupture violente il entraîna le raidissement de l'Église, alors qu'il aurait fallu continuer dans la purification lente, déjà en oeuvre en profondeur, en la favorisant avec l'arme chrétienne la plus puissante. Qui est certes la réforme continue: mais celle que chacun commence avec lui-même, le désir et la recherche de la sainteté personnelle.
Rien n'est moins chrétien que le révolutionnaire politique, qui veut changer tout et tous, sauf lui-même. Cet homme, qui épousa une nonne comme ultime provocation au pape, porta avec lui encore bien d'autres malheurs. Ces fruits, cependant, on peut les constater, dans les faits, dans l'histoire, sur un plan objectif; sur le plan subjectif, le chrétien, en tant que tel, laisse au Père Eternel le jugement sur l'homme.
|