Le vrai Pie XII, dans une exposition

Un article de Paolo Rodari, qui s'avance un peu sur une prochaine béatification (9/11/2008)



Article original en italien ici:
Il vero Pio XI in mostra: portava scarpe bucate
Ma traduction.
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Le « vrai » Pie XII, dans une exposition : il portait des chaussures trouées
4 novembre 2008, Il Riformista


Il portait une paire de chaussures de cuir rouge, très usées, avec même deux trous sur le devant. Et son vêtement de travail aussi, une "robe de chambre" blanche avec deux rangées de boutons qu'il portait habituellement dans son bureau, n'était pas des meilleurs. Dans son appartement privé, au dernier étage du palais apostolique, il menait une vie très parcimonieuse. Durant les années de guerre il ne voulait pas qu'on allume le chauffage pour se sentir plus proche des gens. Il déjeunait et dînait toujours tout seul, libérant, alors qu'il était à table, des canaris. C'était son unique distraction. Souvent, pour ne pas gaspiller le papier, il écrivait ses notes au verso des enveloppes contenant la correspondance qui lui arrivait du secrétariat d'État. Depuis 1936, lorsqu'au cours du voyage aux Etats-Unis, on lui en fit présent, il avait pris l'habitude de se raser avec un rasoir électrique, un Remington aujourd'hui encore bien conservé. Le Remington et l'illustre personnage qui s'en servait, furent même « célébrés » le 4 mai 1952 par la couverture de la Domenica del Corriere, qui les représentait (tous les deux) devant un miroir : on y voyait même un canari! L'illustre personnage dira à propos du Remington : « Grâce soit rendue à l'inventeur du rasoir électrique qui chaque jour me permet de consacrer cinq minutes de moins à ma barbe et cinq minutes de plus au sacrifice divin ».

Ce sont des anecdotes et des images souvent méconnues, sur lesquelles le Saint Siège, grâce à l'effort du Conseil Pontifical des sciences historiques, a voulu « travailler » pour mener à bien une exposition entièrement dédiée à l'un des Pontifes les moins compris du XXème siècle, à l'occasion des cinquante ans de sa mort : Pie XII.
Une exposition ouverte jusqu'au 6 janvier prochain et dans laquelle on voit Eugenio Pacelli au-delà de l'image officielle, et aussi au-delà de quelques stéréotypes.

En fait, il s'agit d'une nouvelle réponse que le Vatican a décidé de donner aux nombreuses polémiques qui depuis des annés, mais surtout au cours des dernières semaines, à cause d'un déblocage possible du procès en béatification et en canonisation, ont émergé, principalement au sein de la communauté juive, autour de la figure de celui qui reste le dernier Pape romain. Pour beaucoup de ces milieux, en effet, Pie XII fut d'une certaine manière trop silencieux (et donc de connivence) avec le Troisième Reich pendant l'Holocauste.

Benoît XVI, évidemment, n'a pas intention de se laisser intimider. Au contraire, selon des indiscrétions, il semblerait que vers le début de l'année prochaine (avant la fin janvier) il signera le décret sur les vertus héroïques - étape nécessaire vers la béatification - bloqué depuis plus d'un an et demi entre ses mains. Il ne le fera pas tant contre les interprétations juives (entièrement erronées du point de vue du Saint Siège), mais, ainsi qu'il en ressort de l'exposition, il le fera pour Pacelli : la présumée « sainteté » de Pie XII, en effet, ce n'est pas seulement à partir du comportement envers les juifs qu'on peut ou non l'évincer. C'est toute sa vie qui doit en témoigner.

En somme, pour le Saint Siège, l'agenda du procès de béatification et de canonisation de Pacelli ne doit pas être dicté de l'extérieur. Parce qu'autrement, s'il en était ainsi, pour chaque Pontife, comme pour chaque candidat à la sainteté, il faudrait s'arrêter aux interprétations les plus en vogue. S'il en était ainsi, en somme, Pie IX aurait été simplement le Papa anti-risorgimento. Pie X le pape antimoderniste. Et Pie XII, justement, celui du silence sur l'Holocauste.

L'exposition est un ensemble d'images et de pièces connues ou non sur le Pape: on y trouve des rapports, des lettres à son frère Francesco et aux membres de sa famille, des photographies et des souvenirs. Et aussi des objets personnels qui montrent la simplicité de sa vie et même le régime de pauvreté auquel il se soumettait volontairement. Sur la période de la seconde guerre mondiale, on trouve des documents qui témoignent de l'action accomplie, par l'ouverture de couvents, de maisons religieuses et même du Vatican, pour sauver 8500 des 9600 juifs présents à Rome. Et puis le four qu'il avait fait installer au Vatican pour approvisionner gratuitement la ville en pain. Et, encore, l'action accomplie pour sauver une part considérable, au moins 50%, du patrimoine artistique italien, « mis à l'abri » au Vatican avec quelques-unes des bibliothèques les plus significatives.


Benoît XVI a prononcé un discours samedi matin, alors qu'il recevait en audience les participants à un congrès sur "L'héritage du magistère de Pie XII, et le Concile Vatican II", organisé à l'initiative de l'Université Pontificale Grégorienne du Latran, pour le 50ème anniversaire de la mort de Pie XII.

Il y rend hommage aux éminentes qualités de Pie XII, sans se référer à la fatidique période de la seconde guerre mondiale, pour laquelle il a déjà dit, notamment lors de l'homéle de la messe d'anniversaire, tout ce qu'il y avait à dire (Pie XII: ce qu'a dit Benoît XVI ).

Indépendamment du fait (par ailleurs souligné dans la presse italienne) que cet hommage vaut reconnaissance des vertus héroïques justifiant la signature du décret fatidique, c'est un discours assez extraordinaire, parce qu'on a l'impression que le Saint-Père, en plus de souligner la continuité de l'Eglise et l'apport du magistère de Pie XII à Vatican II, semble tracer le portrait de son propre pontificat, nous proposant sa vision personnelle de la mission du Pape.
Comment ne pas penser à lui, en effet, en lisant ceci:
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Que dire de la qualité de l'enseignement de Pie XII ?
Il n'aimait pas les improvisations : il écrivait avec le plus grand soin chaque discours, soupesant chaque phrase et chaque mot avant de les prononcer en public. Il étudiait attentivement les diverses questions et avait l'habitude de demander conseil à des éminents spécialistes, lorsqu'il s'agissait de thèmes qui demandaient une compétence particulière.
Par nature et tempérament, Pie XII était un homme mesuré et réaliste, étranger à l'optimisme facile, mais il était aussi exempt du danger de ce pessimisme qui ne convient pas à un croyant. Il abhorrait les polémiques stériles et était profondement méfiant envers le fanatisme et le sentimentalisme.

Ces attitudes intérieures témoignent de la valeur et de la profondeur, mais aussi de la fiabilité de son enseignement, et expliquent l'adhésion confiante qu'on lui réserva, pas seulement de la part des fidèles, mais aussi de beaucoup de personnes n'appartenant pas à l'Église. Considérant la grande ampleur et la haute qualité du magistère de Pie XII, on en vient à se demander comment il a pu faire tant de choses, tout en se consacrant aux nombreuses autres tâches de Souverain Pontife: le gouvernement quotidien de l'Église, les nominations et les visites des Évêques, les visites des Chefs d'État et des diplomates, les innombrables audiences concédées à des personnes privées et à des groupes divers.

Tout le monde reconnaît à Pie XII une intelligence peu commune, une mémoire de fer, une remarquable familiarité avec les langues étrangères et une sensibilité considérable. On a dit qu'il était un diplomate accompli, un éminent juriste, un excellent théologien. Tout cela est vrai, mais cela n'explique pas tout. Il y avait aussi en lui l'effort continu et la ferme volonté de s'offrir lui-même à Dieu sans s'épargner et sans égard pour sa santé délicate.
Tel a été le vrai mobile de son comportement : tout naissait de son amour pour son Seigneur Jésus Christ et de l'amour pour l'Église et pour l'humanité. Il était en effet avant tout le prêtre en union constante et intime avec Dieu, le prêtre qui trouvait la force pour son immense travail dans de longues pauses de prière devant le Très Saint Sacrement, en entretien silencieux avec son Créateur et Rédempteur. C'est de là qu'il tirait l'origine et l'élan de son magistère, comme d'ailleurs de toutes ses autres activités.

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Discours en entier ici: Pour Pie XII


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