No retreat, no surrender

Les évêques américains, pour leur réunion annuelle, débattent de l'élection présidentielle, et du problème de l'avortement. Le compte-rendu de John Allen. Et une dépêche de l'agence américaine CWnews.com, résumant le discours du Cardinal George (12/11/2008)



John Allen couvre la réunion bisanuelle de la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis (USCCB) pour le compte de National Catholic Reporter.
Ce sont donc des informations de première main qu'il rapporte ici, et connaissant son professionalisme, leur fiabilité et leur objectivité (quoi qu'il pense par ailleurs personnellement) ne font guère de doute pour moi.
Article original en anglais ici:
USCCB: No retreat on abortion, but no new communion ban (http://ncrcafe.org/node/2272 )

Ma traduction


L'article de John Allen

USCCB: Pas de retraite sur l'avortement, mais aucune nouvelle interdiction de la communion

PAR JOHN L. ALLEN JR.
Baltimore

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"Pas de retraite, pas de reddition": c'est peut-être la meilleure façon de résumer l'esprit du débat de cet après-midi entre les évêques américains sur l'avortement et la politique, bien que les évêques aient porté un coup d'arrêt à l'adoption de toute nouvelle mesure sur le refus de la communion aux politiciens catholiques pro-choice.
Réunis à Baltimore, les évêques ont opté pour un défi frontal à l'égard de la politique sur l'avortement de la future administration Obama, en particulier son soutien au “Freedom of Choice Act” (FOCA), qui annulerait les restrictions existantes sur l'avortement au niveau des États et au niveau fédéral , et qui, selon certaines interprétations, pourrait pénaliser les hôpitaux qui ne pratiquent pas d'avortement (ndt: John Allen utilise une litote politiquement correcte, à moins que ce ne soit le terme consacré: do not provide abortion services).
Plusieurs évêques ont dit que l'Eglise ne doit pas seulement s'opposer au FOCA, mais œuvrer activement contre sa mise en œuvre, s'il devait devenir une loi. Plusieurs délégations ont insisté sur la nécessité de demander la liberté de conscience pour les opérateurs de santé et les établissemnt catholiques, - et, dans le pire des cas, a prévenu que l'Eglise doit être prête à fermer ses hôpitaux plutôt que de pratiquer des avortements, ou de les transmettre à d'autres qui s'en chargeraient.
Les évêques ont voté pour autoriser le Cardinal Francis George de Chicago, en tant que président de la conférence des évêques, à prononcer une déclaration "forte" et "prophétique" sur "la situation politique actuelle", et ont proposé à George des points de discussion pour cette déclaration.

Ces points comprennent:
• Une volonté de travailler avec la nouvelle administration sur "la justice économique; la réforme de l'immigration; les soins de santé pour les pauvres, en particulier pour les femmes et les enfants; l'éducation; la liberté religieuse et le travail pour la paix».
• «L'église est également résolue à s'opposer au mal», et les évêques sont "totalement unis et résolus dans notre enseignement sur la défense de l'enfant à naître dès le moment de sa conception». En particulier, les évêques ont exprimé l'opposition au FOCA, en partie parce que les travailleurs sanitaires et les établissemnts pourraient être obligés de pratiquer des avortements.
• L'élection récente n'était pas un référendum en faveur de l'avortement, et «un politique agressivement pro-choice» s'aliénerait des dizaines de millions d'Américains et serait "interprétée par beaucoup de catholiques comme une attaque contre l'Eglise."
• Les évêques expriment le désir que «tous les catholiques, dans la vie publique, soient pleinement engagés pour le bien commun", et que la communion dans l'Eglise "soit toujours complète."

Ce dernier point ne convient pas vraiment à certaines des plus ardentes voix "pro-life" de la conférence, qui sont favorables au refus de la communion pour les législateurs catholiques "pro-choice".

"D'une certaine façon, cette conférence devra faire face à ses réticences à traiter avec des hommes politiques catholiques qui ne sont non seulement réticents, mais clairement anti-vie», a déclaré l'évêque Joseph Martino de Scranton, en Pennsylvanie. Martino a fait valoir que, dans une époque antérieure, alors que certains hommes politiques catholiques soutenaient des lois racistes, les évêques catholiques de l'époque " ont levé le ton et pris des mesures canoniques contre eux."
Martino a clairement indiqué qu'il était prêt à suivre cet exemple.
"Je ne peux pas voir le Vice-Président élu venir dire à Scranton, que c'est là qu'il a appris ses valeurs, alors que ces valeurs sont entièrement opposées à ce que l'Eglise enseigne," a dit Martino.
Martino a également critiqué les groupes catholiques qui ont fait campagne pour Obama lors des élections de 2008, disant qu'ils avaient dénaturé le sens de l'expression "bien commun".
«Les Catholiques Unis (Catholics United) et, les Catholiques Alliés pour le bien commun» (Catholics in Alliance for the Common Good), a attaqué Martino, ont défini la notion de "bien commun" en termes "d'utopie et de prospérité orientée vers le matérialisme, ce qui n'est pas du tout ce que cela signifie dans l'enseignement catholique".
Dans l'ensemble, l'esprit de la discussion des évêques a marqué une nette détermination à ne pas baisser leur opposition à l'avortement, en dépit de l'élection d'Obama à la Maison Blanche.
"Certaines personnes peuvent penser que c'est le moment de faire une trêve, mais nous sommes face à un absolu moral », a déclaré Mgr Robert Conlon de Steubenville, Ohio. «Il n'y a rien ici qui permette un compromis. Nous parlons d'un être humain dont la vie ne peut pas être objet de compromis ».
L'Evêque auxiliaire, Mgr Robert Hermann a affirmé que l'avortement a coûté davantage de vies que les guerres de l'Amérique, et a demandé à ses frères évêques d'être courageux.
«Tout évêque ici présent serait prêt, et considèrerait comme un privilège de mourir demain, si cela pouvait mettre fin à l'avortement",a dit Hermann. «Nous devrions consacrer le reste de notre vie à tenter toute forme de critique, quelle qu'elle soit, pour mettre fin à cet horrible génocide."
Fabian Bruskewitz évêque de Lincoln, Nebraska, est tout aussi catégorique sur l'impossibilité de compromis.
"Il n'y a pas de compromis entre les pompiers et le feu, ou entre la mouche et la tapette», a dit Bruskewitz.
L'Evêque auxiliaire de Chicago, Mgr Thomas Paprocki, a soulevé le spectre des menaces potentielles contre les soins assurés par les catholiques si leurs hôpitaux sont contraints en vertu de la loi à pratiquer des avortements.
"Cela pourrait signifier l'abandon de l'obstétrique dans nos hôpitaux, et nous pourrions être obligés d'envisager la mesure drastique de la fermeture totale de nos hôpitaux catholiques », a dit Paprocki. "Il ne suffirait pas de retirer notre parrainage ou de les vendre à quelqu'un qui pratiquerait des avortements. Ce serait une coopération moralement inacceptable avec le mal ".
"Je ne pense pas que je suis alarmiste dans l'examen de ces mesures draconiennes», a-t-il dit. "Nous devons répondre de façon moralement appropriée, de manière responsable."

Toutefois, les évêque ne semblent pas tous à l'aise avec une approche de combat contre la nouvelle administration.
"Une prophétie de dénonciation a vite fait de ne plus marcher", a déclaré Mgr Blase Cupich, évêque de Rapid Coity, dans le Dakota du Sud. "Nous avons besoin d'une prophétie de solidarité avec les communautés que nous servons et le pays dans lequel nous vivons, qui a besoin de guérison. Nous devons être vus, et être considérés comme des pasteurs attentionnés ainsi que des enseignants de la foi. "
Elden Curtiss archevêque de Omaha, Nebraska, a frappé une note similaire.
"L'atmosphère dans le pays est pour l'instant de parvenir à l'unité, afin d'atteindre les différents points de vue et les opinions différentes," a dit Curtiss. "Il est important pour nous de ne pas être vus comme étant délibérément la division, ou créateurs de la division par nos actions maintenant."
Curtiss a suggéré qu'un argument convaincant pour s'opposer au FOCA est peut-être justement qu'il serait facteur «d'extrême division."

Les commentaires des évêques, cet après-midi, ont été conçus comme des suggestions pour George, qui devrait ensuite les "tisser" en une déclaration devant être publiée à la fin de la conférence.
Si les premières réactions sont des indications, le traitement de la question de l'avortement par les évêques a peu de chances de satisfaire pleinement les catholiques de l'un et l'autre bord.
Ce matin, " Démocrates Catholiques", le groupe ayant soutenu Obama pendant la campagne, a tenu une conférence de presse téléphonique. Patrick Whelan, le président du groupe, a appelé les évêques "à rejeter la politique de la confrontation, et le langage plus vicieux qui pousse les gens à sortir de l'église."
Whelan a affirmé que les taux d'avortement en Amérique ont chuté deux fois plus rapidement durant les années Clinton que pendant les cinq premières années de la présidence Bush, ce qui signifie, selon Whelan que "274.000 enfants supplémentaires seraient encore en vie aujourd'hui" si la politique sociale de la présidence de Bill Clinton avait continué. Il a suggéré que la "stratégie de réduction" des démocrates en ce qui concerne l'avortement représente une approche plus efficace.

Pendant ce temps, l'American Life League a organisé ce soir une veillée aux chandelles devant le lieu de réunion des évêques, et le vice-président du groupe, Jim Sedlak, a déclaré aux évêques "que vos actions confirment vos paroles."
Sedlak a été particulièrement critique à l'égard de récents commentaires de l'archevêque Donald Wuerl de Washington, DC, disant qu'il ne chercherait pas à refuser l'Eucharistie au Vice-Président élu Joseph Biden, le premier vice-président catholique du pays , quand il aura pris ses fonctions en Janvier.
"Vous ne pouvez pas dire que l'avortement est un péché contre Dieu, et ensuite mettre ce même Dieu dans les mains de politiciens qui soutiennent l'avortement", a dit Sedlak, qualifiant l'échec des évêques à adopter une position commune sur l'interdiction de la communion de "scandale et source de confusion pour les laïcs catholiques. "




Le discours d'ouverture du Cardinal George

Le Cardinal George voit les États-Unis surmonter le racisme, mais pas l'anti-catholicisme
(D'après l'Agence CWNews.com, cité par le Forum Catholique, ma traduction)
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Dans son allocution d'hier à la réunion d'automne de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis (USCCB), le Cardinal Francis George a dit que l'élection du sénateur Barack Obama est un signe du progrès que la société américaine a fait contre le racisme mais a noté que de profonds défis subsistent pour les catholiques qui prennent part à la vie publique.

«C'est un moment qui concerne plus que notre histoire», a déclaré le président de l'USCCB, "quand un pays qui, autrefois inscrivit l'esclavage dans son ordre constitutionnel en vient à élire un Afro-Americain à la présidence. En cela, je crois vraiment que nous devons tous nous réjouir ... Nous pouvons également être véritablement reconnaissants que la conscience sociale de notre pays ait progressé au point qu'on n'a pas demandé à Barack Obama de renoncer à son patrimoine racial pour être président, de même qu'on n'a pas demandé à John Kennedy de promettre que sa foi catholique n'influencerait ni son point de vue ni ses décisions en tant que président, il y a de cela une génération. "

"Des échos de ce débat", a poursuivi le cardinal George, "se retrouvent dans les paroles de ceux qui rejettent les propositions morales universelles adoptés par la race humaine à travers l'histoire, avec l'excuse qu'ils font partie de l'enseignement moral catholique. Nous sommes, peut-être, arrivés à un moment où, avec la grâce de Dieu, toutes les races sont à l'abri du danger dans le consensus américain. Mais nous n'en sommes pas au point où les catholiques, en particulier dans la vie publique, puissent être considérée comme partenaires à part entière dans l'expérience américaine à moins qu'ils ne soient prêts à mettre de côté quelques-uns des principaux enseignements catholiques sur un ordre moral et politique juste.

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Le Cardinal George a ensuite souligné l'importance de l'interdiction de l'avortement.
«En travaillant pour le bien commun de notre société, la justice raciale est l'un des piliers de notre doctrine sociale. La justice économique, en particulier pour les pauvres, ici et à l'étranger, en est un autre.
Mais l'Eglise porte aussi en elle, toujours et partout la mémoire, la conviction, que le Verbe éternel de Dieu s'est fait homme, a pris chair dans le sein de la Vierge Marie, neuf mois avant que Jésus ne naisse à Bethléem. Cette vérité est célébrée dans notre liturgie, car elle est marquée au fer rouge dans notre esprit. Le bien commun ne peut jamais être incarné de manière adéquate dans une société où l'enfant à naître peut être légalement tué à volonté ".

Dans une référence claire aux arguments avancés par certains catholiques partisans du Président élu Obama, le Cardinal George a ajouté: "Si l'arrêt Dred Scott de la Cour suprême, stipulant que les Afro-Américains sont la propriété d'autres gens et d'une certaine manière moins que des personnes, figurait encore dans le droit constitutionnel, M. Obama ne serait pas président des Etats-Unis. Aujourd'hui, comme ce fut le cas il y a cent cinquante ans, un terrain d'entente ne peut pas être trouvé en détruisant le bien commun ".
[ndt: Dred Scott v. John F. A. Sandford est un arrêt de la Cour suprême des États-Unis, rendu en mars 1857 . En rendant cet arrêt dans les dernières années avant la guerre de Sécession, la cour prend fermement position en faveur de l'esclavage, déclarant, d'une part, qu'un Noir, même libre, ne peut être citoyen des États-Unis, d'autre part que, dans les territoires des États-Unis qui, à l'époque, ne sont pas encore des États et sont administrés par le gouvernement fédéral, ce dernier ne peut y interdire l'esclavage: http://fr.wikipedia.org/wiki/Scott_v._Sandford ]

Le Cardinal George a appelé à l'unité de l'Eglise au milieu de ces défis.
«Ceux qui affaibliraient notre unité interne rendraient la mission de l'Eglise dans le monde plus difficile sinon impossible. Jésus a promis que le monde croirait en lui si nous sommes un: un dans la foi et la doctrine, un dans la prière et les sacrements, un en matière de gouvernance et de pastorale. .... Comme évêques, nous ne pouvons qu'insister sur le fait que ceux qui voudraient imposer leurs propres priorités à l'Église, ceux qui pensent et agissent "auto-vertueusement", répondant seulement à eux-mêmes, qu'ils soient idéologiquement à droite ou à gauche, trahissent le Seigneur Jésus-Christ. "

...
Dans des observations complémentaires, citées par Associated Press, le Cardinal George a dit que la probable décision de la nouvelle administration de recourir à des fonds fédéraux pour détruire des embryons humains pour la recherche sur les cellules souches pourrait lui aliéner des dizaines de millions de personnes, pas seulement catholiques, et militerait contre le type d'unité que l'administration espère réaliser ".
L'adversaire du Président élu Obama, le sénateur John McCain, avait également appelé à un financement fédéral de la recherche sur les cellules souches embryonnaires


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