L'éco-évêque du Pape

John Allen s'est entretenu avec KarL Golser, le nouvel évêque de Bressanone (11/12/2008)



John Allen tient beaucoup à son idée d’éco-évêque, ou d’évêque ecolo, et il s’en donne les moyens.
Il a mené une très intéressante interview téléphonique de Mgr Karl Golser, le nouvel évêque de Bressanone.
Aucun doute, ce dernier est lui-même fortement impliqué dans le souci de l‘environnement.

Et, ce qui est nettement plus intéressant, il confirme que le point de vue du pape – comme sur le sujet de la politique – se situe à un autre niveau : « pour lui, il était tout aussi important de voir que tout, le cosmos tout entier, avait été créé en vue de Jésus-Christ. …
En d'autres termes, la création et la rédemption vont ensemble. …Tout a été créé dans le but de glorifier Dieu (…) D'autres approchent l'environnement à travers le prisme du droit naturel ou de la doctrine sociale de l'église. L'approche de Benoît XVI, de son côté, est clairement ancrée dans les pères, dans l'Écriture, dans la liturgie. Si vous lisez ses homélies, il y a là une profonde spiritualité de l'environnement
. »

Texte en anglais sur le site de NCR: http://ncrcafe.org/node/2324
Interview with the pope's new 'eco-bishop'

Ma traduction


Entretien avec le nouvel « éco-évêque » du pape

Parmi les dernières nominations épiscopales de Benoît XVI, l’une de celles qui intriguent le plus est celle de Karl Golser, 65 ans, le nouvel évêque de Bolzano Bressanone, diocèse du nord de l'Italie. Non seulement le diocèse est un "favori" du pape, qui y a pris ses vacances d'été depuis la fin des années 60, mais Golser est également un associé de longue date de Benoît XVI. Il a travaillé pour le Cardinal Ratzinger à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans le début des années 1980, et est resté en contact avec lui après. Lorsque par exemple le journaliste italien Vittorio Messori a interviewé Ratzinger à Bressanone pour le livre qui est devenu le « Rapport Ratzinger », le cardinal a demandé à son ex-collaborateur d'assister aux entretiens.

Ce qui rend frappante la nomination de Golser, c'est qu'il est largement considéré comme l'un des principaux éco-théologiens sur la scène catholique européenne, ce qui signifie que Benoît XVI a choisi d'introduire une nouvelle et forte voix environnementale dans l'épiscopat.

Le 9 décembre, Golser a répondu au téléphone à NCR depuis son domicile de Bressanone, à propos de sa nomination et de l'approche du pape sur les questions d'environnement.

Golser sera officiellement ordonné évêque au début du mois de Mars; d'ici là, il va terminer l'année universitaire en sa qualité de professeur à la faculté de théologie locale.

L'interview a été réalisée en italien; le texte suivant est une traduction de NCR (en anglais, ndt).

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- Vous avez travaillé avec le cardinal Ratzinger au début des années 1980. Quels souvenirs avez-vous de lui, alors?

- Oui, j'étais à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avec [William] Levada de 1977 à 1982. Nous l'avons quittée en même temps. [Note: Aujourd'hui, le cardinal, Levada est le préfet de la congrégation.]
Il est ensuite devenu évêque auxiliaire de Los Angeles, tandis que je voulais retourner dans le diocèse où j'avais été ordonné, et où je travaillais comme pasteur et confesseur. Le cardinal Ratzinger avait été nommé en 1981, et nous avons travaillé sous ses ordres jusqu'en août 1982. Je dois admettre que lorsque j'ai entendu qu'un Allemand avait été nommé, nous avions tous notre opinion sur ce que cela pourrait signifier ... c'était certes suggestif! Mais il s'est avéré être très aimable, très gentil. Au cours de nos réunions régulières, lorsque nous parlions d’affaires internes, j'ai toujours été frappé par son empressement à écouter les opinions des autres, à les respecter, sans imposer sa plus grande compétence.
À ce moment-là, le cardinal avait déjà l'habitude de passer ses vacances d'été à Bressanone, donc je l'ai vu souvent. Quand il a eu son interview avec Messori, par exemple, il m'a demandé d'être présent. À ce stade, il n'était pas encore complètement sûr de son italien, mais il est évidemment extrêmement bon à présent. Quand il est venu de Munich, cependant, il avait quelques difficultés, même s'il a une grande capacité pour les langues.

Etes-vous resté en contact avec Ratzinger après avoir quitté la congrégation?

- Je l'ai surtout vu au cours de ses vacances. De temps en temps, j'avais quelques contacts avec la congrégation - par exemple, si je devais établir un nihil obstat sur quelque chose. A part cela,, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour collaborer, parce que j'étais très occupé ici. J'ai travaillé pour la CEI [la conférence épiscopale italienne], et avec d'autres conférences européennes. En 1994, je suis devenu le directeur de notre Institut pour la justice, la paix et la préservation de la Création, et j'ai également pris part à un certain nombre de groupes de travail, y compris des projets oecuméniques, au niveau européen.

Cela a dû être toute une expérience, de voir votre ancien patron élu pape.

Bien sûr, ce fut une grande joie. Par ailleurs, je suis souvenu d’une conversation que nous avions eue au cours de l'été 2004, lorsque Joseph Ratzinger se préparait à quitter Bressanone. Il m'a dit que tout ce qu'il voulait, c'était de prendre sa retraite, pour être libre de passer plus de temps avec son frère et de travailler à ses propres écrits. Il a également dit qu'il était heureux de n’avoir plus à faire de voyages trans-atlantiques après 2004! De toute évidence, les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Au début, j'étais un peu triste, en sachant ce qu'il avait espéré, mais je suis également très heureux de voir comment il est entré dans ce nouveau ministère.

Vous êtes un expert en théologie de l'environnement. Que diriez-vous qui est au coeur de l'enseignement du Pape Benoît XVI sur les questions d'environnement?

Déjà quand il était archevêque de Munich, il a délivré des homélies où il déplorait que la théologie de la création ait été négligée dans la période écoulée depuis le Concile Vatican II [1962-65]. La théologie post-conciliaire voulait souligner l'histoire du salut, mais pour lui, il était tout aussi important de voir que tout, le cosmos tout entier, avait été créé en vue de Jésus-Christ.
En d'autres termes, la création et la rédemption vont ensemble. Depuis ce point de départ, il remonte souvent à Saint-François d'Assise, et même à la dévotion mariale, avec cette idée que toute la création d'une certaine façon se relie à cette fonction mariale de se préparer à l'arrivée du Rédempteur. Tout a été créé dans le but de glorifier Dieu.

C'est le point spécifique de notre foi chrétienne, et ce qui distingue la façon dont le Saint-Père aborde cette question du mouvement environnemental laïc. Certains courants peuvent être panthéistes, ou parfois ils minimisent la place particulière de l'humanité en faveur de la notion de ce grand "Gaia", et ainsi de suite. Parfois les gens accusent la vision chrétienne de l'environnement d'être anthropocentrique, mais en fait elle est théocentrique. Nous ne pouvons comprendre la création qu'en termes de mystère de la Trinité. Bien sûr, il y a aussi une dimension eschatologique, qui est que toute la création doit renaître et, être présentée de nouveau au Père par le Christ.

Comme vous le savez, nous célébrons la "Journée de la création" le 1er septembre. L'année dernière, il y a eu une rencontre des évêques des Alpes qui ont discuté des changements climatiques. Ils ont prié à ce sujet, et ont également lancé un appel. Une partie de cet appel disait qu'il était nécessaire de changer nos modes de vie, en particulier que nous ne devrions pas utiliser autant d'énergie. Notre qualité de vie doit être fondée principalement sur de bonnes relations avec la nature, et non pas seulement sur ce que nous consommons.

Il semble que c'est aussi une idée de base de Benoît XVI. Son enseignement sur l'environnement ne concerne pas seulement la législation ou les traités internationaux, mais aussi les choix de vie individuels.

Tout à fait. Ce n'est pas un hasard si de nombreux commentaires du Saint-Père sur l'environnement sont venus un dimanche ... C'est très important. Le dimanche est le jour où nous vivons la joie de la rédemption, et il exprime également une nouvelle relation avec l'espace et le temps. C'est le retour du Christ, la parousie. Dans l'Eucharistie, c'est aussi offrir la terre elle-même à Dieu, dans la consécration du pain et du vin.
Je pense que le Saint-Père s'inspire beaucoup de la théologie orientale, et des Pères de l'Eglise, qui ont une grande sensibilité pour la dimension cosmique de la foi. A partir de l'Eucharistie, de la liturgie, ils proposent tout un style de vie, qui est en harmonie avec la création. Il y a un fort courant de pensée orientale, par exemple, sur l'homme comme le « prêtre de la création».

Existe-t-il quelque chose dans l'enseignement de Benoît, qui représenterait une contribution originale à la théologie de l'environnement?

C'est un peu difficile, parce que, comme vous le savez, il veut toujours être en continuité avec ce qui a été dit avant. Je pense que sa contribution est vraiment de récupérer la pensée des Pères de l'Eglise. Jean-Paul II était un grand mystique, et un philosophe. D'autres approchent l'environnement à travers le prisme du droit naturel ou de la doctrine sociale de l'église. L'approche de Benoît XVI, de son côté, est clairement ancrée dans les pères, dans l'Écriture, dans la liturgie. Si vous lisez ses homélies, il y a là une profonde spiritualité de l'environnement. Qui vient aussi par le biais de messages pour la Journée mondiale de la paix, ses messages de Nouvel An - il y a toujours une dimension écologique.

De toute évidence, je suis aussi très impatient de sa nouvelle encyclique sur les thèmes sociaux, dont je suis sûr qu'elle contiendra un passage important sur la responsabilité envers la création. Il voit l’écologie dans une vision plus large de la mondialisation, qui relie les problèmes de développement et de pauvreté à l'engagement pour l'environnement.

Y a t-il quelque chose de spécial à propos de Bressanone qui vous a conduit au fil des ans à une préoccupation particulière pour l'environnement?

Nous parlons trois langues ici, donc les questions de co-existence pacifique entre les cultures sont une préoccupation importante, mais le thème de l'environnement est également très important. Nous souffrons beaucoup de problèmes liés à la circulation, et la pollution de l'air. Parfois, nous avons presque dû fermer des villes en raison de l'inversion thermique, en particulier parce que nous sommes dans les Alpes. Nous sommes également confrontés à des pénuries d'énergie, nous avons été à l'avant-garde du développement de l'énergie solaire par rapport au reste de l'Italie. Nous avons tendance à regarder vers l'Allemagne et l'Autriche, qui nous précèdent ... malheureusement, le gouvernement italien est à la traîne.

Je dois dire, cependant, que la conférence épiscopale italienne s'est depuis longtemps engagée sur cette question. Nous avons commencé un groupe de travail sur l'environnement en 1990, et chaque année depuis lors, nous avons organisé un séminaire national. Nous avons publié un joli volume en 2002 sur la responsabilité de la création. Nous avons également mis au point du matériel sur l'environnement à utiliser dans l'enseignement religieux. Bien sûr, nous avons été très impliqués dans les problèmes créés par la grèves des déchets à Naples, qui reflète une fracture entre le nord et le sud de l'Italie qui a également des conséquences pour les questions d'environnement.

Devenir évêque est toujours une lourde responsabilité, mais peut-être particulièrement dans votre cas, sachant que vous faites office pour le pape de "maison loin de maison." Quel est l'objet de votre prière tandis que vous vous préparez?

Ce qui prime dans ma prière à l'heure actuelle, c'est l'idée du Christ comme notre paix. En particulier parce que nous sommes dans la période de Noël, qui est très présente pour moi. Ma prière est que par le Christ, nous puissions revenir à un fort sentiment de notre identité chrétienne, puis connecter cette identité avec les problèmes sociaux et aussi politiques auxquels nous sommes confrontés - l'immigration, le dialogue avec les autres religions, la co-existence entre les différentes cultures, et aussi, bien sûr, l'environnement.


Voir aussi

Karl Golser, nouvel évêque de Bressanone
Un nouvel évêque à Bressanone


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