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Mathématiques, mathématiciens, et foi

Très long article (!) à partir d'une conversation avec une amie sur un pape "scientifique", d'un article de Sandro Magister, de discours du Saint-Père (dont un illustré de photos de Spaziani)... et de Laurent Lafforgue (10/1/2009)



Raphaël

Détail de L'école d'Athènes


Le point de départ de cet article est le billet de Sandro Magister:


Lors d'une conversation avec mon amie Catherine, nous évoquions l'extrême limpidité des arguments du pape, et l'élégante simplicité de son style.
Une clarté qui tranche - pardon, je ne généralise pas - avec la confusion jargonante de beaucoups de "littéraires" qui ont à coeur de prouver qu'ils appartiennent à une élite et que leurs codes de langage ne sont pas ceux du commun des mortels.
Pourtant, le Pape est théologien, dans l'imaginaire des gens, la théologie est une discipline "littéraire"...
Et là, Catherine m'a dit: "mais le pape, c'est un scientifique"!
C'est bien pourquoi il est crédible quand il évoque la structure mathématique de la matière, et en fait un argument pour la foi....
Evidemment, c'est un scientifique! Cela devrait sauter aux yeux de quiconque le lit, ou l'écoute. Ce n'est pas suffisant de dire "c'est un professeur", ou, plus souvent, "un pédagogue". La structure de ses homélies, par exemple, la clarté des enchaînements, la rigueur des arguments, la précision du vocabulaire, ce langage d'accès immédiat (même s'il lui arrive, lorsqu'il le faut, d'utiliser des mots savants, ou bien, à l'opposé, de se laisser emporter par des envolées poétiques) évoquent pour moi les meilleurs cours de mathématiques qu'il m'a été donné d'entendre de la part d'éminents professeurs à Paris dans les années 70.

A propos de mathématiques, Sandro Magister, dont les articles sont d'autant plus intéressants qu'ils ne collent en général pas à l'actualité immédiate (un exercice qui exclut la réflexion, alors que ses articles, au contraire, la suscitent), mais brassent des thèmes plus larges, consacre son dernier billet hebdomadaire "à la réponse du pape aux savants qui nient Dieu".
Plus précisément, il part de l'étude du discours de Benoît à la Curie, de l'homélie de l'Epiphanie, et d'un texte d'avril 2006, pour s'intéresser à une enquête en cours de "l'Avvenire" (le quotidien de la CEI) qui, sous le titre "Tous les nombres de la foi" interroge d'éminents mathématiciens italiens sur la compatibilité entre "raison mathématique et foi en Dieu". La conclusion provisoire en serait que "l'image qui en résulte est celle d’un milieu scientifique beaucoup plus ouvert à la foi que ne l’affirme la "vulgate" des médias".

Les mathématiciens interrogés sont des italiens, et je ne les connais pas.

Laurent Lafforgue...

Cela m'a donné l'envie de retourner sur le site de Laurent Lafforgue, "notre" grand mathématicien français, médaille Field, qui se définit comme "mathématicien chrétien", déjà évoqué à propos de la visite du Saint-Père en France, et qui m'inspire personnellement une grande admiration.

Interrogé par Tracce, le magazine de Communion et Libération en septembre dernier sur le discours du pape aux Bernardins, il écrivait:
Les mathématiciens sont tournés vers la recherche de vérités qui ne dépendent pas d'eux, afin de pouvoir les partager les uns avec les autres : il se crée ainsi un lien communautaire. Mais Benoît XVI parle de quelque chose de beaucoup plus fort : « La Parole qui ouvre le chemin à la recherche de Dieu est une Parole qui concerne la communauté » et « elle nous rend attentifs les uns aux autres ». En un mot , c'est la Parole elle-même qui crée la communion.
De cette communion, la communauté des mathématiciens n'est qu'une figure, une image nécessairement partielle et imparfaite.

Il disait aussi, malheureusement: "Comme mathématicien chrétien, je me sens étranger autant parmi les chrétiens que parmi les mathématiciens".

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Sur son site, il y a de nombreux textes non scientifiques de sa plume, car, curieux de tout, sa vaste intelligence "balaie" un large spectre de centres d'intérêt, et il connaît bien la culture classique.
Il a notamment tenté (j'utilise le passé, car je crains que les inimitiés et les bassesses que sa fougue a suscitées n'aient provoqué chez lui un certain écoeurement) d'intervenir dans le débat sur la crise de l'enseignement public, en France: si ce débat n'était pas biaisé, et le malade sous assistance respiratoire, il aurait dû en être un des premiers acteurs, car ses idées sont à la fois traditionnelles (nostalgie de l'Ecole républicaine de Jules Ferry) et originales (il n'hésite pas à citer en exemple le modèle russe de l'ère soviétique). Mais nommmé en 2005 au Haut Conseil de l'Education, il a été contraint d'en démissionner dès le lendemain de sa première réunion de "travail", on lui reprochait "la violence passionnée de [ses] propos sur l'état actuel de notre système éducatif et la responsabilité des instances dirigeantes de l'Éducation Nationale [qui] rendait impossible un débat serein au sein du HCE visant à construire un consensus ou tout au moins une majorité solide".
Ceci pour le situer.

Parmi ces textes, l'un est intitulé: "Mathématiques, traditions religieuses et inquiétude de l'esprit : quelques éléments narratifs pour un début de réflexion", il s'agit d'une conférence donnée à la paroisse St Saturnin d'Antony (la sienne) le 22 février 2006. Ce texte s'adresse principalement aux croyants qui ne sont pas familiers de la recherche mathématique ou scientifique.

Il y parle de son parcours personnel, des circonstances qui l'ont amené à devenir - un peu par hasard, dit-il, mais il faut comprendre qu'il excellait partout - un mathématicien, mais surtout, il s'efface avec modestie pour évoquer longuement quelques grands mathématiciens qui furent ses maîtres, ou qu'il a cotoyés, et parmi lesquels beaucoup sont juifs: André Weil (je ne savais pas que c'était le frère de Simone Weil), Jean-Pierre Serre, Alexander Grothendieck...
C'est pour lui l'occasion de rendre un hommage à la tradition des "rabbis" juifs.
Dans un autre texte, il écrit en effet:
(..) je pense que le reflet de cette tradition qu'il m'est donné d'admirer dans le milieu des mathématiciens m'aide à comprendre un peu mieux ce que cela signifie quand il est écrit que Jésus enseignait.

Les mathématiques et la foi (L. Lafforgue)


...les mathématiques occupent depuis longtemps une grande place dans ma vie, la foi aussi, et je me pose souvent la question de leurs relations.

Il existe une façon simple d'y répondre : en tant que contenu et savoir constitué, les mathématiques n'ont aucun rapport avec la foi. Autrement dit, il n'existe pas de concordisme : les résultats des mathématiques ne disent rien sur la foi. A la différence de la littérature, ils ne disent rien non plus sur la condition humaine. Ma conférence pourrait donc s'arrêter là.
Et pourtant ce serait une erreur : les mathématiques sont une possibilité de l'esprit humain, tout comme la foi. Elles sont même purement humaines, comme réflexion spéculative aussi bien que comme moyen d'action sur le monde.
Avec le langage auquel elles sont intimement liées, les mathématiques font partie du propre de l'homme, de ce dont Dieu l'a rendu capable, seul parmi ses créatures. Ceci ne doit pas manquer d'interroger les croyants que nous sommes. Il est écrit que l'homme est créé à l'image de Dieu, et aussi que tout ce qui existe a existé par le Verbe, parole éternelle de Dieu. Donc le désir de connaître Dieu ne peut ignorer les mathématiques. Elles posent question par leur étrangeté, par leur universalité, par leur ésotérisme, et par la sortie hors de soi qu’elles demandent quand on s'y plonge.
Je voudrais évoquer devant vous les mathématiques, non pas à travers leur contenu mais en tant qu'aventure humaine, en essayant de vous faire entrevoir en quoi cela peut consister humainement de devenir mathématicien.

Les mathématiques sont une tradition, au sens où nous chrétiens entendons ce mot : un héritage vivant constamment retravaillé et enrichi. Au moins pour nous occidentaux, cette tradition est née dans la civilisation grecque, ce qui signifie que son origine est étrangère à la tradition biblique. Il est d'autant plus énigmatique qu'à partir du XVIe siècle, elle ait connu dans l'Occident encore chrétien une renaissance puis un développement toujours plus intense. Tout aussi énigmatique est la façon dont, à partir de son émancipation au XIXe siècle, le peuple juif s'est investi dans cette tradition héritée des Grecs. C'est à tel point que, dans ce domaine de la connaissance comme dans d'autres, le peuple juif, peuple de Dieu, apparaît en même temps comme une sorte de nouveau peuple grec du monde moderne.
Les mathématiques méritent d'autant plus le nom de tradition qu'elles ne consistent pas en une juxtaposition de problèmes, sans relations les uns avec les autres, qui attendraient patiemment le jour où un “génie” isolé trouverait leur solution. Elles sont une création collective ; les idées s'y transmettent de génération en génération, se transportent d'un domaine à un autre, s'enrichissent et s'affinent toujours davantage. On est saisi de vertige quand on considère le chemin parcouru depuis les Grecs, et qu'on songe qu'il n'existe certainement aucune limite à l'approfondissement des problèmes déjà posés depuis longtemps, des nouveaux problèmes qui se posent chaque jour, et de leurs relations.
La tradition mathématique est cultivée en communauté. Il m'arrive de recevoir des courriers de “mathématiciens amateurs” fascinés par les mathématiques et qui s'imaginent avoir fait des découvertes importantes ; immanquablement, ce qu'ils écrivent est faux ou sans intérêt, voire n'a aucun sens. Ce n'est pas qu'ils soient moins intelligents, et d'autre part leur passion pour la recherche de la vérité dans les sciences est sympathique et touchante. Mais il leur manque une communauté de mathématiciens et la longue initiation nécessaire pour affiner son esprit, le soumettre à l'épreuve d'autrui, et assimiler l'essence d'une tradition plurimillénaire qui dépasse de loin les potentialités créatrices d'un individu, aussi doué soit-il. On ne fait pas de mathématiques seul, on s'insère peu à peu dans la communauté des mathématiciens, qui porte la tradition mathématique et l'approfondit toujours davantage.

Le mathématicien: un serviteur (L. Lafforgue)


(ndr: on ne peut s'empêcher de penser à la conception qu'a Benoît XVI du "métier" de théologien, qu'il a soulignée à maintes reprises)
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[On] m'a demandé si les mathématiciens étaient plutôt des « inventeurs », c'est-à-dire des créateurs d'une monde nouveau imaginé par eux, ou bien des « découvreurs » d'une réalité préexistante. J'ai répondu que, comme presque tous les mathématiciens, j'étais plutôt platonicien, et que je voyais les mathématiques comme une réalité indépendante de nous, qui existait en nous, mais qui était cachée, voilée, et qu'il s'agissait de mettre au jour.
Toutefois, je me dis à la réflexion qu'il existe, pour caractériser l'activité du mathématicien (ou plus généralement du scientifique chercheur de vérité), un mot plus juste et beaucoup plus profond que « inventeur » ou « découvreur », un mot pleinement biblique aussi(..): un mathématicien est un serviteur.
Un serviteur est quelqu'un qui s'occupe d'autre chose que de soi : Ainsi en est-il du mathématicien qui, dans les moments où il se plonge dans les mathématiques, perd jusqu'à la conscience de lui-même.
Un serviteur ne décide pas : le mathématicien ne décide jamais de ce qui est vrai mais se heurte constamment à la résistance de la vérité. Il fait effort sur la vérité, mais il ne peut la tordre, sauf à se tromper lui-même aussitôt ; il ne peut qu'adhérer à elle, obéir.
Un serviteur est un parmi d'autres, et plus que cela il est, selon le mot du Christ, un « serviteur inutile » : ce qu'il fait, un autre aurait pu le faire à sa place. De même, le mathématicien se sent tout petit devant l'immense tradition des mathématiques, dont il ne connaît qu'une infime partie qu'il aurait été bien en peine de construire avec ses propres forces. Le mieux qu'il puisse espérer est de la porter un tout petit peu plus loin, tout en sachant que ce qu'il fait sera vite dépassé, que beaucoup d'autres ont les moyens de le faire aussi bien que lui, et qu'ils le feront inévitablement un jour s'il ne s'y attache lui-même. Il sait aussi que même les problèmes les plus difficiles paraîtront vite faciles et cesseront d'impressionner, dès lors qu'ils auront été résolus une première fois, si bien que tout progrès qu'il réalise dissout et fait disparaître et oublier la difficulté qu'il a fallu vaincre.
Un serviteur ne parle pas, il écoute. Le mathématicien doit faire silence en lui-¬même et prêter l'oreille, tendre son être, pour entendre la voix si subtile et délicate des choses telles qu'elles sont, et laisser courir la main sous leur dictée. Chose étrange, c'est en se faisant le serviteur des réalités mathématiques et leur voix, leur truchement, que le mathématicien se réalise lui-même.
Les plus grands textes mathématiques sont à la fois les plus impersonnels – au sens que chacun en les lisant ressent une émotion profonde, celle de voir sortir du brouillard de l'informulé, ligne après ligne, quelque chose qu'il portait en lui-même depuis toujours, qui demandait à être dit, et qui jusque là n'avait jamais pu s'exprimer – et les plus personnels – au sens qu'on reconnaît immédiatement la patte de leur auteur.

Un mathématicien chrétien (L. Lafforgue)


Je suis un mathématicien chrétien qui lutte contre l'obscurantisme.
En quoi consiste la recherche en mathématiques ?
Les mathématiques réalisent certaines potentialités de l'esprit humain qu'il porte enfouies en lui-même ; leurs objets sont des réalités qu'on peut saisir intégralement avec les mots et explorer au moyen de manipulations formelles.
Elles sont liées aux sciences de la nature et la physique en particulier s'écrit dans leur langage, mais elles ne sont pas une science de la nature.
Elles constituent une tradition au sens où nous chrétiens entendons ce mot : un héritage vivant constamment retravaillé et enrichi. On ne fait pas des mathématiques seul (ndr: comment ne pas penser, là encore, à la communauté des chrétiens, par exemple à la lecture des Saintes Ecritures, tel que le pape l'envisage?), on s'insère peu à peu dans la communauté des mathématiciens qui porte cette tradition et l'approfondit toujours davantage.

Comment provoquer une réflexion des chrétiens sur la valeur spirituelle de l'étude et de la créativité ?
Pour y réfléchir, une voie royale nous est ouverte à mon avis avec la réconciliation des chrétiens que nous sommes avec le peuple juif et le judaïsme.
Dans la tradition juive la relation à Dieu passe par l'étude, et la créativité est une façon de louer Dieu qui a créé l'homme à son image.
Donc nous pouvons nous tourner vers les juifs, nos frères ainés dans la foi en Dieu, et leur demander pourquoi et comment ils en sont venus à lier de manière aussi étroite la foi et l'étude. Cela nous aiderait dans nos discernements.

Benoît XVI répond aux jeunes (avril 2006)

Sandro Magister cite un des échanges "a braccio" de la rencontre informelle du saint-Père avec des jeunes, en avril 2006, place Saint-Pierre.
Je me souviens parfaitement de l'épisode, presque aussi splendide que la mémorable catéchèse aux enfants de Rome d'octobre 2005 (Sylvie m'avait même envoyé l'enregistrement de la rencontre, merci!), et cela vaut vraiment la peine de relire ce que Benoît XVI avait répondu, sans note, au garçon de 17 ans, lycéen, qui l'interrogeait sur les rapports entre foi et raison.

Ses propos rentrent d'ailleurs un tout petit peu en conflit avec ceux de Laurent Lafforgue, lorsque ce dernier affirme en préambule (avant de moduler...) que "en tant que contenu et savoir constitué, les mathématiques n'ont aucun rapport avec la foi."
Si, dit le Pape, dans une saisissante analyse: Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit humain et la structure de l'univers coïncident: les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et nous le rendent utilisable.
Pour lui, cette coïncidence est un effet du dessein de la Création, et renforce la conviction que la grande option du Christianisme est l'option pour la rationalité et pour la priorité de la raison.

(Source: site du Vatican)

"Le grand Galilée a dit que Dieu a écrit le livre de la nature sous la forme du langage mathématique. Il était convaincu que Dieu nous a donné deux livres: celui de l'Ecriture Sainte et celui de la nature.
Et le langage de la nature - telle était sa conviction - sont les mathématiques; celles-ci sont donc un langage de Dieu, du Créateur.

"Réfléchissons à présent sur ce que sont les mathématiques: en soi, il s'agit d'un système abstrait, d'une invention de l'esprit humain, qui comme tel, dans sa pureté, n'existe pas. Il est toujours réalisé de manière approximative, mais - comme tel - c'est un système intellectuel, c'est une grande, géniale invention de l'esprit humain.
La chose surprenante est que cette invention de notre esprit humain est vraiment la clef pour comprendre la nature, que la nature est réellement structurée de façon mathématique et que nos mathématiques, inventées par notre esprit, sont réellement l'instrument pour pouvoir travailler avec la nature, pour la mettre à notre service, pour l'instrumentaliser à travers la technique.

"Cela me semble une chose presque incroyable qu'une invention de l'esprit humain et la structure de l'univers coïncident: les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l'univers et nous le rendent utilisable. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc: la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques. Je pense que cette coïncidence entre ce que nous avons pensé et la façon dont se réalise et se comporte la nature est une énigme et un grand défi, car nous voyons que, à la fin, c'est 'une' raison qui les relie toutes les deux: notre raison ne pourrait pas découvrir cette autre, s'il n'existait pas une raison identique à la source de toutes les deux.

"Dans ce sens, il me semble précisément que les mathématiques - dans lesquelles, en tant que telles, Dieu ne peut apparaître - nous montrent la structure intelligente de l'univers. Certes, il existe également les théories du chaos, mais elles sont limitées car si le chaos prenait le dessus, toute la technique deviendrait impossible. Ce n'est que parce que notre mathématique est fiable que la technique est fiable. Notre science, qui permet finalement de travailler avec les énergies de la nature, suppose une structure fiable, intelligente, de la matière. Et ainsi, nous voyons qu'il y a une rationalité subjective et une rationalité objective de la matière, qui coïncident. Naturellement, personne ne peut prouver - comme on le prouve par l'expérience, dans les lois techniques - que les deux soient réellement le fruit d'une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l'intelligence, derrière les deux intelligences, apparaisse réellement dans notre monde. Et plus nous pouvons instrumentaliser le monde avec notre intelligence, plus apparaît le dessein de la Création.

"A la fin, pour arriver à la question définitive, je dirais: ou Dieu existe, ou il n'existe pas. Il n'existe que deux options. Ou l'on reconnaît la priorité de la raison, de la Raison créatrice qui est à l'origine de tout et est le principe de tout - la priorité de la raison est également la priorité de la liberté - ou l'on soutient la priorité de l'irrationnel, selon laquelle tout ce qui fonctionne sur notre terre ou dans notre vie ne serait qu'occasionnel, marginal, un produit irrationnel - la raison serait un produit de l'irrationalité. On ne peut pas en ultime analyse 'prouver' l'un ou l'autre projet, mais la grande option du Christianisme est l'option pour la rationalité et pour la priorité de la raison. Cela me semble une excellente option, qui nous montre que derrière tout se trouve une grande intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier.

"Mais le véritable problème contre la foi aujourd'hui me semble être le mal dans le monde: on se demande comment il peut être compatible avec cette rationalité du Créateur. Et ici, nous avons véritablement besoin du Dieu qui s'est fait chair et qui nous montre qu'Il n'est pas une raison mathématique, mais que cette raison originelle est également Amour. Si nous regardons les grandes options, l'option chrétienne est également aujourd'hui la plus rationnelle et la plus humaine. C'est pourquoi nous pouvons élaborer avec confiance une philosophie, une vision du monde qui soit fondée sur cette priorité de la raison, sur cette confiance que la Raison créatrice est amour, et que cet amour est Dieu".

6 avril 2006: rencontre à Rome

Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir d'illustrer cette longue page, peut-être un peu austère, mais peuplée de grands esprits, par des images de la rencontre immortalisée par le grand Spaziani:

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