Les nombres et la foi (4)
Septième volet de la série (14/1/2009)
L'infini est-il logique?
L'infini est-il logique ? L'arithmétique dit que oui
http://www.avvenire.it/...
----------------
Les mathématiques permettent d'enquêter avec succès sur les aspects logiques-rationnels de la réalité.
« Elles offrent à la science le moyen de découvrir, à chaque pas, d'extraordinaires structures logiques dans l'univers, qui mettent en lumière des harmonies inattendues et montrent les liens profonds entre des faits et des phénomènes qui parfois nous semblent entièrement étrangers l'un à l'autre.
Celui qui croit, qui a déjà fait quelques pas dans le chemin de la foi, ne trouve pas d'opposition entre ces résultats scientifiques et sa foi, mais au contraire une consonnance harmonique, très belle. Les mathématiques nous forcent à lever le regard: pour chaque problème elles nous font chercher une logique qui l'encadre et qui en rende compte. Et cala porte à des perspectives imprévues et toujours plus hautes ».
C'est le sentiment du professeur Antonio Marino, titulaire d'Analyse mathématique à l'Université de Pise. Marino se réfère à Ennio De Giorgi, un des plus grands mathématiciens du XXe siècle. De Giorgi avait mis en évidence un des aspects les plus surprenants de la science de Pythagore et d'Euclide : « … pour étudier les choses les plus concrètes, il faut passer à travers la réflexion sur des concepts qui semblent dépasser notre expérience sensible ».
- A travers les mathématiques, donc, la science peut nous expliquer l'Univers ?
« Les mathématiques sont le moyen logique qui permet d'étudier « comment » se passent certains phénomènes. Lorsque on dit que la Science explique le « comment » et le « pourquoi » des choses, il faut être attentifs aux termes : de manière synthétique la science dit « comment » mais pas « pourquoi ». Pour donner un exemple, considérons la force de gravitation : à la base des analyses scientifique classiques des phénomènes que nous rapportons au concept de force de gravité, nous avons la loi de gravitation universelle et la loi fondamentale de la dynamique newtonienne. Toutes les deux sont formulés en termes mathématiques, et Isaac Newton inventa à dessein - à sa façon et en concurrence avec Pierre Simon de Laplace - les éléments fondamentaux de ce que nous appelons « calcul différentiel », sans lesquels les lois de la dynamique (ndt: on peut lire à ce propos l'article de vulgarisation de Wikipedia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Pesanteur ) ne pourraient pas être exprimés et je dirais même, pensés ».
- Que nous dit cet exemple ?
« D'abord le phénomène que nous considérons a une structure logique rationnelle qui nous permet de l'étudier, si rationnelle qu'on ne peut l'exprimer qu'en termes mathématiques. En second lieu, grâce à ces analyses physico-mathématiques, nous pouvons dire « comment » se comportent deux corps « doués de masse » exposés à une attraction réciproque (le Soleil et la Terre ou la Terre et une pomme, comme celle, mythique, qui serait tombée sur la tête de Newton). La science dit « comment », avec quelles lois, certains phénomènes se déroulent. Et ces lois, exprimables seulement en formules logico mathématiques, permettent à la science de remplir son devoir essentiel : faire des prévisions, parfois déterministes parfois seulement probabilistes. En ce sens, nous disons que la science « explique » ».
- Et c'est suffisant ?
« La science jette un regard lumineux sur l'univers. Parfois elle est en mesure de ramener plusieurs lois particulières à une loi générale plus simple. Et ceci est une autre très belle vue sur la rationalité de la création. Mais le problème du vrai « pouquoi » demeure : pourquoi la Terre et le soleil s'attirent-ils ? Autrement dit, pourquoi cette loi physique existe-t'elle ? Pourquoi existe-t'il des lois physiques ? Ou si on veut veut : pourquoi est-il possible organiser des pans de notre connaissance en formules logiques sans lesquelles les objets ne sont même pas concevables ? Cette question est philosophique et n'admet pas de réponses scientifiques, pas dans le sens rigoureux de la science d'aujourd'hui. Elle trouve d'autant moins de réponses définitives sur un plan étroitement logique que chaque système logique part d'axiomes « raisonnables » mais non démontrés. La réponse dépend des inclinations personnelles. On peut par exemple dire que cette rationalité, c'est nous qui l'inventons mais qu'elle n'existe pas vraiment, ou d'autres choses, mais ne s'agit pas d'affirmations scientifiques. Quelqu'un a dit qu'il est inutile de se poser des questions auxquelles il n'est pas possible de répondre ».
- Et comment le croyant y répond-il ?
« Il trouve une complète harmonie entre sa foi et le fait que l'esprit humain puisse cueillir la rationalité du créé, puiqu'il pense que les deux sont le fruit de ce que nous pourrions appeler la pensée créatrice de Dieu. Je dirais que dans cet univers logique on croit apercevoir un aspect du Logos qui envahit la création, quelque chose de l'intelligence du langage, du Verbe : cette harmonie logique qu'on découvre dans l'étude d'un problème et conduit ensuite à faire de nouvelles conjectures et de nouvelles découvertes. Mais j'ai envie de dire que tous les spécialistes, quel que soit leur credo ou leur culture, sont unis dans l'étonnement pour l'horizon scientifique qui s'expose devant eux, et ressentent le sentiment d'une entreprise commune. Dans le domaine scientifique, des oppositions philosophiques ou religieuses ne trouvent pas de place ».
- Les mathématiques utilisent le concept d'infini dans la pratique quotidienne. Comment est-ce possible ?
« Les mathématiques utilisent presque constamment l'ensemble infini des nombres. Le calcul différentiel et le calcul intégral (« calcul infinitésimal ») sont fondés sur l'ensemble infini des nombres. Aujourd'hui, les études sur l'infini mathématique ont porté à des découvertes très surprenantes, qui semblent en contradiction avec le sens commun, parmi lesquelles un résultat incroyable : en termes très grossiers, quel que soit notre progrès, l'ensemble infini des nombres naturels (0.1.2,…) maintient et maintiendra toujours quelque chose que nous ne pouvons pas complétement exprimer de façon formelle. Pourtant les mathématiques se fondent sur l'utilisation de cet infini ».
- C'est cela, la réponse à l'énigme ?
« La réponse est seulement une confiance raisonnable. Dans ce domaine comme dans toute la science. Chaque chercheur accomplit un acte de confiance a priori : il étudie quelque aspect de l'univers, en faisant confiance à une organisation rationnelle de la nature, à une manière d'être exprimable avec des lois, et aussi en nourrissant la confiance dans la capacité de connaître de l'homme. C'est un autre élément d'un parcours commun, dans lequel sont impliqués non seulement les qualités strictement logiques-rationnelles du chercheur, mais d'autres, peut-être toutes, les facultés de sa condition de personne pensante ».
Luigi dell'Aglia , 14 janvier