Le schisme lefebvriste et l'épiscopat français.

L'histoire d'un schisme long de vingt ans. Le rôle de Ratzinger et celui des évêques français: un article bien documenté de Paolo Rodari (23/1/2009)


Lefebvre: la storia di un scisma lungo venti anni.
Il ruolo di Ratzinger e quello dei vescovi francesi
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Je traduis cet article de Paolo Rodari, avant d’avoir pu contrôler les données chiffrées sur les ordinations, car même s’il parle de choses qui sont loin d’être ma spécialité, il est clair qu’il est réaliste et bien informé.
Pour Ecclesia Dei, je m’en remets à Wikipedia.

Ce qui est dit sur l’Eglise de France, et plus particulièrement sur l’épiscopat, bien que vu de l’extérieur, semble parfaitement conforme aux faits observables, et a de quoi laisser songeur ceux qui se bercent encore d'illusions ….


Article original en italien: http://www.paolorodari.com/
Ma traduction:


Lefebvre : l'histoire d'un schisme long de vingt ans.
Le rôle de Ratzinger et celui des évêques français

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Il est difficile savoir comment l'épiscopat français prendra la nouvelle de la décision du Pape de révoquer l'excommunication (le décret, signé par le Conseil Pontifical pour les textes législatifs, sortira dans les jours qui suivent) des quatre évêques schismatiques appartenant à la Fraternité Saint Pie X fondée en 1970 par Marcel Lefebvre. On peut au moins dire une chose: dans une partie de cet épiscopat, la nouvelle ne suscitera pas d'émotion particulière. Au contraire.

Ce n'est pas un mystère, en effet, que dans les mois écoulés, avant même que le Pape n'approuve en septembre 2007 le motu proprio Summorum Pontificum par lequel il libéralisait ce qu'on nomme le rite ancien (le missel de Saint Pie V réformé en 1962 par Jean XXIII), le président d'alors de la conférence épiscopale française, le cardinal Jean-Pierre Ricard, s'était exprimé sur cette décision de façon très critique.
Il craignait en effet (ses prévisions se sont révélées ensuite fondées) qu'avec le motu proprio ne s'ouvrire la route du retour des lefebvristes dans l'Église catholique. Et la chose ne l'emballait pas: l'Église française, en effet, vivait (et vit encore aujourd'hui) une crise profonde. Les célébrations eucharistiques ont atteint le minimum historique de présence de fidèles. L'année dernière, dans les séminaires de l'ensemble des 91 diocèses français, seulement 120 séminaristes sont entrés et parmi eux 40 provenaient de communautés traditionaliste, pas schismatiques comme les lefebvristes, mais de toute façon liées à une vision d'Église similaire à celle de la Fraternité Saint Pie X.
En somme, au-delà des Alpes, ce sont les communautés traditionalistes qui prennent de plus en plus pied, et, pour une hiérarchie ecclésiastique qui, plus que dans d'autres parties d'Europe, a poussé à une application de la réforme liturgique post-concilaire dans une clé d'ouverture vers le monde, il y a de quoi s'inquiéter.
Les 12 septembre dernier, cependant, Benoît XVI, en volant vers Paris, fut clair. Il lança un message sans équivoque à l'épiscopat français : le motu proprio Summorum Pontificum - dit-il - « est simplement un geste de tolérance, dans une optique pastorale, pour des personnes qui ont été formées à cette liturgie, qui l'aiment, la connaissent, et veulent vivre avec elle ». Ce qui revient à dire: quiconque prie en suivant l'ancien rite (lefebvristes en tête) ne doit pas être discriminé, puisqu'il fait partie de l'Église catholique à plein titre.

Peu après le voyage Papal à Paris (avec une étape à Lourdes), ce furent les lefebvristes qui se rendirent en pèlerinage à Lourdes. Là, le supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, Bernard Fellay, lança une initiative singulière. Il l'appela « Croisade du rosaire ». En somme, il demandait à tous les fidèles lefebvristes de réciter le chapelet afin que le Pape retire l'excommunication le frappant ainsi que trois de ses confrères évêques. Selon Fellay, en moins de deux mois, 1.700.000 rosaires ont été récités dans le monde entier. Dernières nouvelles à la main, un nombre suffisant pour faire devenir réalité le décret de révocation de l'excommunication.
Le décret sera publié par le Conseil Pontifical pour les textes législatifs dans les jours qui viennent et permettra à Ratzinger de se rappeler avec moins de souffrance ce qui arriva en 1988 : alors, Jean Paul II sanctionna Lefebvre d'excommunication après que celui-ci eût refusé un accord déjà signé avec le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi de l'époque, le cardinal Ratzinger.
Certes, beaucoup de questions restent encore ouvertes : les lefebvristes n'ont jamais dit ouvertement accepter en totalité les documents du Concile Vatican II. En particulier, sur quelques aspects de la doctrine sur l'Église, ils se déclarent encore perplexes - surtout sur les notions de liberté religieuse et d'oecuménisme -.
Pourtant, à bien y regarder, un accord de pacification définitive avec Rome semble maintenant plus que possible. Il n'y a pas de divergences graves entre les deux parties et le geste de ces jours de Ratzinger ne peut qu'accélérer le tout.

L'épiscopat français devra se faire une raison. Et probablement il devra faire son autocritique. Et admettre que le renouvellement liturgique réalisé en France dans les dernières décennies a eu des développements parfois maladroits ou grossiers, qui sans aucun doute (que ce soit voulu ou non) ont donné la nette sensation d'une rupture de la tradition. Une sensation qui a amené Lefebvre à réagir et à choisir le chemin de la rupture avec Rome plutôt que de se soumettre à une Église qui, surtout en France, se voyait polluée d'un vent progressiste.

Lorsque la pleine communion avec Rome sera définitivement sanctionnée, on pourra découvrir sous quelle forme la Fraternité Saint Pie X fera partie de l'Église. Et on pourra découvrir aussi quel destin aura la commission pontificale Ecclesia Dei, institutée par Wojtyla avec le but de suivre les rapports avec les lefebvristes. On parle de son incorporation possible dans la congrégation pour le culte divin. Ecclesia Dei maintiendrait son autonomie, mais se dédierait principalement à examiner l'application correcte du motu proprio Summorum Pontificum.
Tout compte fait, le décret de révocation d'excommunication que le Pape a voulu pour les évêques lefebvristes, représente une victoire pour le cardinal Darío Castrillón Hoyos, président d'Ecclesia Dei. C'est lui qui s'est occupé durant ces années des rapports avec la Fraternité Saint Pie X. C'est lui qui a échangé une épaisse correspondance avec Fellay, alimentée surtout après que celui-ci, peu de mois après le dernier conclave, ait rencontré Benoît XVI en privé à Castel Gandolfo.


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