Polémique au Brésil, déchaînement en France

après l’affaire de l’avortement de la fillette de neuf ans (9/3/2009)


Dépêche d'agence

Communiqué de presse du 7 mars:
Le Brésil divisé après l’affaire de l’avortement de la fillette de neuf ans
----------------
Le Vatican soutient l’excommunication de la mère d’une Brésilienne de neuf ans
ayant avorté après avoir été violée.
La fillette était enceinte de quinze semaines de deux jumeaux, à la suite de viols répétés de son beau-père, âgé de vingt-trois ans.
Le président brésilien ne comprend pas la décision de l’Eglise :
“Je ne vois pas comment il est possible de permettre à une fille de neuf ans, violée, d’avoir ces bébés, surtout si ça met sa vie en danger. Je pense que dans ce cas les lois de la médecine sont au dessus des lois de l’Eglise”.
Le Brésil est le plus grand pays catholique au monde… L’IVG y est interdite sauf en cas de viol ou de danger de mort pour la mère.
Les membres de l‘équipe médicale qui ont pratiqué l’avortement ont été excommuniés eux-aussi par l‘église brésilienne :
“Dans ce cas, l’avortement était légal, explique l’un des médecins. Elle a été violée et sa vie était en danger. En tant que docteur, je n’avais pas le droit de lui faire courir le risque de perdre la vie”.
Mais l’archevêché brésilien est resté soumis aux dogmes de l’Eglise… Impossible pour lui de s’adapter à ce cas extrême:
“La loi de Dieu est supérieure à toute loi humaine, explique l’archevêque. Si une loi créée par l’homme va contre celle de Dieu, alors elle n’a aucune valeur”.
L’affaire ne manquera pas de relancer le débat sur l’avortement, que le ministère brésilien de la Santé tente en ce moment de dépénaliser.
----------------------

Note de moi: on notera que ce n'est évidemment pas la fillette qui est excommuniée (voir plus bas)


Réactions françaises

Je suis au regret - et assez terrifiée - de dire que l'annonce de "l'excommunication" a déclenché dans le blog de la Croix (dont l'auteur est salué pour son "courage"!!! comme si elle courait le moindre risque!) un déchaînement de rage, de violence verbale inouïe, surpassant encore celui qui a suivi les déclarations de l'évêque négationniste. On a littéralement l'impression d'une meute affamée se jetant sur un morceau de nourriture.
"J'ai honte, il faut hurler, je suis atterré, ils sont devenus fous, sordide, impensable, incitation à non assistance à personne en danger"....sans parler de l'inévitable et ridicule "j'ai mal à mon Eglise", sont quelques unes des gracieusetés qui émaillent les messages.

Il y a même cet amalgame insupportable, mais, au fond, "signé":
la loi de Dieu est supérieure
9 ans
violée
enceinte
excommuniée

Richard W.
66 ans
négationniste
excommunication levée

Une telle unanimité dans le rejet (je ne parle même plus de réprobation, la bonne foi est ici littéralement pulvérisée, et la haine totale) est suspecte.

Il FALLAIT donc que je "descende dans l'arène", métaphoriquement. Sinon, cela aurait signifié que rien ne méritait d'être défendu, de la position de l'Eglise.

Je précise que j'ai moi-même posté un message, qu'il a été publié, mais noyé dans la masse, étouffé comme par un boa, et que personne n'a jugé bon d'y répondre. Cela peut évidemment signifier que j'ai tort (mais alors, on devrait me répondre pour tenter de me convaincre), ou, plus probablement, que mon avis n'a pas le moindre intérêt. Mais là encore parmi des milliers d'avis totalement dénués d'intérêt qui sont reproduits quotidiennement sur le réseau, en quoi le mien est-il plus nul que les autres, et moins digne d'être commenté?

Essayons donc d'y voir clair, sans nécessairement prendre parti.

D'abord, disons le tout net, l'unique victime n'a pas été excommuniée, (contrairement à ce que certains commentaires laissent penser) et il m'étonnerait beaucoup que ceux qui ont été "victimes" de cette sanction "inouïe" en soient sincèrement accablés. Prétendre le contraire, c'est se moquer du monde!
Si sanction il y a eu, cette sanction n'est "que" morale, un mot qui n'effraie pas beaucoup les gens qui en sont la cible, et elle n'a blessé personne dans sa chair. Pourquoi entretenir la confusion? L'Eglise - i.e. l'archevêque - ne dispose d'aucun pouvoir de coercition, et n'a donc rien interdit du tout!

Dans le tissu serré du magistère de l'Eglise les partisans du droit à l'avortement, et plus largement d'une société libérée de tous les repères moraux, cherchent le plus petit trou par lequel ils pourraient s'engoufrer. Et alors... gare à l'inondation!
C'est ce qui se passe ici, avec, en soutien, le choeur des professionnels de la critique de l'Eglise, qui n'aiment rien tant que battre leur coulpe sur la poitrine des autres, surtout quand ces autres font partie de l'institution honnie. Ceux là ont des comptes à régler, et l'affaire Williamson ne les a visiblement pas apurés. Et évidemment, c'est navrant à dire, les gens de bonne foi (la majorité) qui joue ici le rôle des idiots utiles.

Dans un pays où, parait-il, de nombreuses grossesses sont le fait de fillettes, on peut se demander comment CE cas-là a pu parvenir aux oreilles de l'archevêque, avant d'être repris par l'ensemble des medias. D'où campagne de presse, mobilisation de l'opinion, indignation... Je pense qu'il y a des précédents, je ne me souviens pas dans quelles circonstances fut votée la loi Veil, en France, mais je pense que c'était pareil: un contexte émotionnel dans l'exploitation d'un cas extrême. Il suffit d'ailleurs de se souvenir de l'affaire Humbert, sur un autre débat.

Comme par hasard, on apprend simultanément que "Le ministère de la Santé tente actuellement de dépénaliser l'avortement mais il se heurte à la réaction de l'Eglise" (AFP). Bizarre coïncidence, non?

Lisant les réactions, c'est tout juste si on n'imagine pas que c'est l'archevêque en personne qui est responsable de la situation. Je ne vous précise pas comment.
Or, sa prétendue décision (voir plus bas *) n'a pas pu davantage blesser cette pauvre petite fille que la misère morale qui est à l'origine de cette catastrophe. Et cette misère morale, ce n'est pas l'Eglise qui en est responsable, bien au contraire, elle lutte de toutes ses forces pour s'y opposer, contre le lobbie tout-puissant qui veut instrumentaliser le malheur des pauvres pour arriver à ses fins.
Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une décision, car je lis sur le FC:




(*) Selon le Code de Droit Canonique, l'excommunication de ceux qui procurent l'avortement est une censure dite latæ sententiæ, c'est à dire qu'elle agit automatiquement. Aussitôt fait l'avortement, l'équipe médicale et ceux qui procurent ce meurtre sont excommuniés par la loi elle même, qu'ils le sachent ou non. Un évêque ne peut que déclarer la peine encourue. En ce cas la mère de l'enfant avorté n'a pas encouru l'excommunication car en dessous de quatorze ans on ne peut encourir une peine latæ sententiæ.
Il est évidemment impossible de lever cette excommunication sans repentir.


Pour terminer, j'ai ressorti un de mes livres de chevet, Le Sel de la Terre (page 200):
Le cardinal Ratzinger répond à une question de Peter Seewald à propos de l'avortement:


Q: Mais peut-on dire que si quelqu'un, dans une extrême détresse de conscience, se décide pour une interruption de grossesse, il commet un attentat contre la vie ?
R: La manière dont la culpabilité est répartie entre les différentes personnes, on ne peut jamais en décider de manière abstraite. Mais l'acte en tant que tel - quel que soit le responsable de la situation, ce peut être aussi la pression des hommes - reste essentiellement ceci : pour régler une situation de conflit, un être humain est tué. Et le conflit n'est jamais réglé. Nous savons aussi par des psychologues combien un tel acte reste gravé dans l'âme de la mère, car elle sait bien qu'un être humain était en elle, que ce serait son enfant, peut-être quelqu'un dont elle serait fière à présent. Naturellement, la société doit aider, fournir d'autres moyens d'arranger la situation, faire cesser la pression sur les futures mères, afin que s'éveille un nouvel amour pour les enfants.


Ici, bien sûr, ce n'est pas la petite fille qui s'est décidé pour un avortement. La remarque s'applique donc à ceux qui ont décidé pour elle.

Personne ne peut prétendre s'a&pproprier les idées du pape.
Mais là, il me semble qu'il a assez clairement répondu.


(C) benoit-et-moi.fr 2008 - Tous droits réservés

Imprimer cette page