La lettre que le Pape NOUS adresse

Mon commentaire... en quelque sorte (14/3/2009)


En réalité, je ne commente pas la lettre ( lettredesasaintetebenoitxvi.pdf ), elle n'en a pas besoin, et j'imagine même que le Pape l'a écrite justement pour contourner les commentaires et les interprétations. De toutes façons, quel titre aurais-je pour me le permettre?

Tout le monde a dit: c'est une lettre très personnelle.
A coup sûr, elle l'est, ne serait-ce que par son style où on chercherait en vain la moindre trace d'afféterie. Elle est simple et directe, comme une lettre familière que l'on écrit à un proche.
Elle s'intitule "Lettre aux évêques" mais en réalité elle s'adresse surtout à chacun de nous. A ce titre, c'est plus une lettre de père qu'une lettre de Pape, et c'est ce qui la rend si émouvante.
Telle quelle, elle m'a fait tout de suite penser (même si les circonstances sont, au moins en apparence, et je l'espère, beaucoup moins tragiques) à la "Déclaration du Roi Louis XVI adressée à tous les français à sa sortie de Paris", le 20 juin 1791, avant son départ pour Varenne ("Louis XVI a la parole", P et P Girault de Coursac, ed FX de Guibert, pages 229 et suivantes). Lui aussi, comme père, injustement attaqué, s'adressait directement à son peuple, pour expliquer ses intentions. Et même si je ne crois pas trop aux signes, je ne peux m'empêcher de trouver troublante (parmi d'autres) la coïncidence qui a voulu que le décret du Pape qui a mis le feu aux poudres soit daté du 21 janvier, anniversaire de la mort du Roi.
Je n'ignore pas le risque d'une telle comparaison: à défaut de susciter des ricanements, renforcer l'impression que certains veulent imposer, d'un Pape qui vit à une autre époque, dans un autre monde.
Je m'en moque, et lui aussi, sans doute. Le "parler vrai" n'appartient à aucune époque. Le mensonge, hélas, à toutes.

Le Pape a été obligé de court-circuiter le pesant et inefficace aux yeux du monde, appareil du Vatican, pour nous parler directement. Façon de dire "cela suffit, maintenant, de parler à ma place, voici mes intentions".

Il est également passé de cette façon par-dessus la tête des pasteurs déloyaux que certains évêques, en particulier français, se sont révélés être ces jours-ci. Je ne citerai aucun nom de ces endives mitrées (expression irrévérencieuce un jour trouvé dans un journal) - je ne les connais d'ailleurs pas suffisamment pour m'en souvenir, ils sont en général si falots; pardon de la violence du propos, mais j'ai lu et entendu d'autres propos autrement scandaleux de la part de certaines "excellences", dont on n'attend plus rien d'autre que de prendre leur carte dans un parti politique ou un syndicat. Car ce sont eux qui ont contribué par leur attitude ambigüe, leurs reptations devant la pensée dominante et leur lâcheté à [livrer le Saint-Père] sans défense aux attaques des chiens de garde de la société matérialiste mercantile (P. de Plunkett). Et surtout, pis encore, aux insultes et aux calomnies déversées sur sa personne par les pires cloaques du réseau.
Il est passé par-dessus la tête de ces mauvais pasteurs, donc, car les gens de bonne foi, et parmi eux, on peut l'espérer, certains catholiques, auront pu lire la lettre directement dans la presse, sans passer par le filtre déformant de leurs très modestes lumi(gnons)ères.

On a beaucoup parlé de la communication du Vatican, et on continue de le faire. Je lis sous la plume d'Yves Thréard, dans le Figaro (l'article est par ailleurs très bon, équilibré et bienveillant): "Le Pape à la peine face aux temps modernes".
D'autres annoncent plus méchamment ou plus stupidement "Le Pape ne comprend pas l'opinion publique": (ici). Là encore, l'article est meilleur que le titre.

Or, ne vient-il pas de donner ici une extraordinaire leçon de communication à sa façon (pas "moderne", non, plutôt génialement inventive, et il faudra bien y venir un jour), de communication directe, sans "cellule", sans "spin doctor" pour le conseiller - même s'il ne peut évidemment pas dire tout ce qu'il pense -
Une leçon nécessaire, surtout, car déjà, on voit certains tenter de faire une lecture sélective de ses propos, pour se les approprier, et de la diffuser via le canal habituel.
Les lectures les plus inquiétantes sont celles qui paraissent "favorables".
Je viens par exemple d'entendre sur une radio un journaliste de La Vie, signataire et même initiateur de la fameuse pétition, se déclarer très satisfait de la lettre (ce que je trouve éminemment suspect venant d'un tel personnage), dont il a prélevé, et en le tronquant, le passage où Benoît XVI fait allusion à "différents éléments déformés et malades" chez les ... intégristes, un mot dont on chercherait évidemment en vain la trace dans le texte. Il s'est également félicité du prochain rattachement de la Commission pontificale " Ecclesia Dei " ... à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Selon lui, parce qu'Ecclesia Dei était trop proche des intégristes... alors que le Saint-Père nous explique patiemment "que les problèmes qui doivent être traités à présent sont de nature essentiellement doctrinale et regardent surtout l’acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des Papes". Mais à ce que le Pape a dit sur lui et ses semblables ("à certains de ceux qui se proclament comme de grands défenseurs du Concile, il doit aussi être rappelé que Vatican II renferme l’entière histoire doctrinale de l’Église. Celui qui veut obéir au Concile, doit accepter la foi professée au cours des siècles et il ne peut couper les racines dont l’arbre vit"), il s'est bien gardé de faire allusion... Lecture sélective destinée au gogo, donc, selon l'habituel processsus de désinformation. C'est celle-là que le saint-Père a tenté de "sauter", mais on voit que la partie n'est pas gagnée.

Deux mots, encore.
D'abord, si le Pape a été obligé de mettre personnellement les choses au point, cela signifie en particulier ceci, dont les medias devraient prendre note: à chaque fois qu'un obscur collaborateur de la Curie éternue, ou qu'un modeste fonctionnaire du Vatican émet une opinion qui n'engage que lui, il faudrait arrêter de dire: "Le Saint-Siège (voire le Pape) a dit que...". Et cela vaut aussi, je crois, pour les articles de l'Osservatore Romano.
Et aussi: le Pape ne sait pas tout, il n'a pas le temps, et il a autre chose à faire que de fouiller dans les poubelles d'internet ou d'ailleurs pour y dénicher des scandales. A échelle humaine, il est d'une culture immense, il est expert en théologie, en annonce de l'Evangile, en témoignage de l'amour du Christ (c'est ce qu'il demande à "ses" prêtres). Mais cessons donc de faire comme s'il savait tout sur certains sujets quand cela nous arrange, pour mieux rejeter et critiquer ce qui ne nous convient pas.
Quand je dis cela, ce n'est pas vraiment de moi que je parle...


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