Quelques considérations sur la lettre du Pape

L'analyse du Père Scalese, sur le blog "Senza peli sulla lingua": il soulève les vrais questions. (14/3/2009)


Voici le commentaire du Père Scalese du blog "Senza peli sulla lingua" sur la Lettre du pape aux évêques (lettredesasaintetebenoitxvi.pdf ).
Il mérite d'être diffusé, car il pose les vraies questions, et ce ne sont pas celles que l'on lit ailleurs..
Même s'il est un peu (trop) sévère. Ou réaliste?

http://querculanus.blogspot.com/2009/03/..

Ma traduction


J'ai toujours été d'avis que les documents pontificaux doivent être lus, étudiés et appliqués, plutôt que commentés et discutés ; mais le cas présent est un peu particulier.
Beaucoup de commentateurs ont remarqué qu'il s'agissait d'un acte insolite, sans précédent. C'est vrai, nous étions habitués à un style différent. Ceux d'entre nous qui sont nés avant le Concile peuvent encore se rappeller la figure du Pape entourée d'une aura hiératique (vous souvenez-vous de la sedia gestatoria et des flabella - ndt: éventails faits de plumes de paon, utilisés lors des cérémonies pontificales - ?), pour laquelle il aurait été simplement impensable que le Pape puisse écrire une « lettre d'explication » aux Évêques. Mais nous devons accepter que les temps changent et que donc même le style du Pontife puisse (doive ?) s'adapter aux nouvelles situations.

Cependant, justement parce qu'on se trouve en des temps différents du passé (où une quelconque discussion des interventions pontificales aurait été tout aussi impensable), je pense qu'il est légitime de faire quelques remarques.
D'autant plus qu'il s'agit d'une « lettre personnelle », pas d'un acte magistériel. Et c'est sur les formes que je voudrais m'arrêter, plus que sur le contenu de la lettre. Plus loin, je me permettrai de faire quelques commentaires sur le contenu; maintenant au contraire, je voudrais m'arrêter sur la lettre comme telle et sur quelques réactions qu'elle a provoquées.

Personnellement, je considère que, pour autant que les temps et les styles d'exercice du pontificat puissent changer, il ne devrait pas y avoir besoin de lettre d'explications du Pape aux Évêques. S'il y en a besoin, c'est vraiment mauvais signe: cela signifie que dans l'Église il y a quelque chose qui ne va pas.
Il convient de dire, à l'honneur de la vérité, que le Pape clarifie, mais ne retire pas. Et ceci est très important. Ce n'est pas la première fois que cela se produit ; à présent, nous nous y habituons.
Le Pape se montre chaque jour davantage grand seigneur, extrêmement sensible, délicat, humble, mais aussi ferme dans les principes et dans les décisions prises.
Quelqu'un a employé à ce propos une très belle image: celle de l'aigle et des poules; tandis que l'aigle prend son vol, les poules criaillent. Cependant, à y réfléchir, si cette métaphore devait être vraie, il n'y a pas de quoi se réjouir. Il y a plus plutôt de quoi pleurer, parce que cela signifie que l'Église, plutôt qu'une bergerie où les moutons écoutent la voix du berger et le suivent, s'est réduite… à un poulailler.

Avec cette lettre, a t'on dit, le Pape s'est exposé en première personne. C'est vrai.
Mais disons-le franchement : vous semble-il juste que le Pape s'expose personnellement ? Ne vous semble-il pas, pour employer un terme repris de la lettre, une « stonatura » (note discordante ?) Si vraiment il y avait besoin d'explications, dans ma conception peut-être un peu dépassée, ce n'était pas au Pape de les donner. Et où est-elle, la Curie ? Si maintenant c'est le Pape qui doit penser personnellement à de telles broutilles (parce que c'est de cela qu'il s'agit), il faut m'expliquer ce que fait la Curie Romaine ? Il y a le risque qu'elle se transforme en un appareil bureaucratique capable seulement de sucer de l'argent. Jusqu'à présent il avait été toujours reconnu à la Curie d'être une machine agile et efficace au service du Pape. Mais si maintenant le Pape est contraint de donner des explications personnellement, il me semble vraiment qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Le Pape ne peut pas gouverner tout seul l'Église. Le « travail d'équipe » est plus que jamais nécessaire. Des mots comme « collegialité » et « synodalité », s'ils ne veulent pas risquer de rester des simples mots, doivent commencer à s'incarner dans un style différent de gestion de l'Église. Un style collégial, justement, adapté aux temps dans lesquels nous vivons.

Quant aux contenus de la lettre, il y a peu à dire. Cependant, encouragé par l'ésprit de familiarité avec lequel le Pape l'a écrit, conscient de n'avoir pas besoin de présenter une quelconque attestation de fidélité et de dévouement au Pontife, dans un esprit de confiance filiale, je me permets d'exprimer quelques perplexités personnelles, qui n'enlèvent rien à la substance du message.

1. J'ai beaucoup aimé l'invitation adressée aux défenseurs du Concile de « ne pas couper les racines dont l'arbre vit ». Très belle image. J'ai beaucoup aimé aussi l'invitation adressée aux lefebvristes « à ne pas congeler l'autorité magisterielle de l'Église à l'année 1962 ». Personnellement cependant j'ajouterais que cette autorité magisterielle ne peut ne pas non plus être congelée à l'année 1965.

2. En ce qui concerne la référence au dialogue interreligieux, je dois dire sincèrement que le Ratzinger qui désertait les rencontres d'Assise me plaisait davantage. Mais je comprends que le rôle qu'il assume aujourd'hui ne lui permet plus d'agir de cette façon.

3. Dans la lettre le Pape reconnaît, avec une grande simplicité, avoir sous-estimé internet et il s'engage dans l'avenir à « prêter plus attention à cette source de nouvelles ». À ce propos il me vient spontanément à l'esprit que, selon moi, ce ne devrait pas être au Pape à aller "se" chercher les nouvelles sur internet, et même pas à son secrétaire particulier; mais il devrait y avoir un bureau ad hoc.
En second lieu, je me permets de remarquer que cette lettre témoigne justement, qu'il n'a pas été donné une attention suffisante à internet. C'est l'observation que faisait hier C. [une correspondante, qui écrivait: sono stati proprio loro a far scattare il meccanismo mediatico contro la scelta del Papa. Come fa il Papa ad ammettere prima lo sbaglio di aver sottovalutato internet, dove le notizie arrivano prima e lui era all'oscuro di tutto, e poi a ringraziare gli Ebrei per averlo difeso?]: comment le Pape peut-il remercier les juifs, quand tout le monde sait que l'affaire Williamson a été créée à dessein pour mettre le Pape en difficulté ?
OK, l'Évangile dit que nous devons être simples comme les colombes, mais il ajoute aussi que nous devons être prudents comme les serpents.


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