Benoît XVI souffre-t'il des attaques contre lui?

Des réponses peuvent se trouver dans un de ses livres d'entretien avec Peter Seewald (30/3/2009)


Benoît XVI souffre-t'il des attaques contre lui?
A vrai dire, nous n'en savons rien, mais nous espèrons bien que non, pas trop en tout cas...
Moi même, je l'ai cru, mais la sérénité qu'il affiche à chacune de ses sorties publiques, qu'on peut lire sur son visage lisse et deviner par son attitude impassiblement joviale, m'a amenée à en douter fortement...

D'autant plus que la dernière salve a permis de resserrer autour de sa personne une sorte d'union sacrée (on la perçoit très bien lors des apparitions publiques récentes en Italie, angelus et audiences du mercredi, sans parler évidemment du triomphe africain) que l'on n'aurait pas connu autrement, un noyau fidèle, plus chaleureux et plus impliqué que le consensus médiatique mou, qui est toujours un très mauvais signe.
Comme l'avait dit un journaliste italien de La Repubblica (hostile, ce qui ne l'empêche pas d'avoir vu juste): "L'impression est qu'à la longue, le pontificat de Benoît XVI a un impact polarisant au sein du monde catholique. Ici, l'aire de ceux qui sont enthousiasmés par le gouvernement ratzingérien, là l'aire de ceux qui ne sont pas attirés " (Baisse d'affluence pour le Pape, vraiment?). La radicalisation se fait en mal, certes, mais aussi et surtout, en bien.
Ces manifestations de cathophobie le blessent sans doute, car c'est un homme sensible et plein de délicatesse, mais superficiellement: il n'est pas non plus une oie blanche, il sait se défendre; il ne faut pas oublier qu'ayant été près d'un quart de siècle à la tête de la CDF, et comme tel, cible d'attaques féroces, il n'a pas pu être pris au dépourvu, ses adversaires n'ayant pas changé : ils ont seulement pris beaucoup plus de rides que lui, au sens physique et intellectuel. Lui voit loin devant. Eux sont largués, car ils n'ont rien compris (c'est ce que disait Messori de Hans Kung, lire ici: Un pape post-moderne)!

J'ai voulu rechercher un échange qu'il avait eu avec Peter Seewald (dans Le Sel de la Terre) à propos des conflits qu'il avait dû affronter comme archevêque de Munich. Evidemment, Munich et l'Eglise universelle, ce n'est pas la même chose, mais cela permet de se faire une idée, et changeant "évêque" en Pape, extrapolant un petit peu, on peut tenter de deviner sa pensée.


(page 81)
R: On parle beaucoup aujourd'hui de la mission prophétique de l'Église. Ce mot est parfois employé à tort. Mais il est vrai, pourtant, que l'Église ne doit jamais pactiser avec l'esprit du temps. Elle doit interpeller les vices et les dangers d'une époque ; elle doit s'adresser à la conscience des puissants mais aussi aux intellectuels, à ceux aussi qui, d'un coeur étroit et tranquille, veulent vivre en passant indifférents devant les misères de l'époque. Comme évêque, je me sentais obligé de remplir cette mission. En outre, les déficits étaient trop flagrants : découragement de la foi, régression des vocations, abaissement des valeurs morales précisément parmi les hommes d'Église, tendance croissante à la violence et bien d'autres choses. J'entendais résonner à mes oreilles les paroles de la Bible et des Pères de l'Église, qui condamnent avec la plus grande rigueur les bergers qui sont comme des chiens muets et, pour éviter des conflits, laissent le poison se répandre. La tranquillité n'est pas le premier devoir du citoyen, et un évêque qui ne chercherait rien d'autre qu'à éviter les ennuis et à camoufler le plus possible tous les conflits est pour moi une vision repoussante.

Q: La période où vous avez été évêque de Munich n'a pas été pauvre en conflits, toutefois vous étiez respecté comme « traditionaliste », gui fait montre de « la plus solide connaissance en matière de tradition de la doctrine ». Vous étiez, écrivait alors la Süddeutsche Zeitung, « parmi tous les conservateurs de l'Eglise, celui qui possédait la plus forte aptitude au dialogue ». Eh bien, votre réputation a bientôt changé, au plus tard en 1981, quand vous avez été nommé préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. « Toutes les nouvelles qui viennent de Rome ne seront pas agréables », aviez-vous déjà pressenti en faisant vos adieux.
R: Je suis heureux, aujourd'hui encore, de ne pas avoir évité les conflits à Munich, car le « laisser faire » est - je viens de le dire - la pire manière que je puisse imaginer de remplir sa fonction. Que, dans ma fonction romaine, je devrais me charger de nombreuses tâches désagréables, ce fut clair dès le début. Mais je crois pouvoir dire que j'ai toujours cherché le dialogue et que cela aussi a été très fructueux.
...



Si l'on regarde les trois gros points noirs de son Pontificat, selon le point de vue de ses ennemis, on peut dire qu'à chaque fois il a tapé dans la fourmillière pour faire avancer le débat. Seule façon de procéder, mais ses adversaires - infiniment plus conservateurs, voire réactionnaires, que lui, refusent de voir le confortable (pour eux et pour leur idéologie erronée) statu quo remis en cause.


Les trois coups d'éclat du Pontificat

1. Ratisbonne: mettant les musulmans au défi de confronter leur foi à la raison, et aux "lumières", et osant faire un rapprochement de leur religion avec la violence, sans craindre d'encourir les foudres de la bien-pensance (assez multiforme), il a permis au "dialogue" interreligieux de redémarrer sur des bases plus saines. Et peut-être à l'institution -Eglise d'être mieux respectée par les musulmans.
2. Levée de l'excommunication des 4 évêques ordonnés par Mgr Lefebvre: tenant la promesse qu'il avait faite solennellement dès l'aube de son pontificat, et fidèle à l'idée selon laquelle "nul n'est de trop dans l'Eglise" (mais sans doute conscient qu'il ne peut plus guère y avoir de bons fruits, de cette église post-conciliaire révoltée et ingérable, mais à bout de soufle), il a mis face à leurs contradictions les partisans du dialogue avec "l'autre" et de l'interprétation de Vatican II en terme de rupture.
3. Conférence de presse dans l'avion vers l'Afrique: il a osé remettre en cause le dogme du préservatif et donc de la licence sexuelle, sur lequel il faudra bien réfléchir un jour ou l'autre. " (..) il a déstabilisé l’édifice de la pensée unique qui s’impose à la planète ! En affirmant "sa" différence, au nom de l’Évangile, il devient brusquement quelqu’un qui existe pour le monde entier " ( Père Guy Bagnard, Évêque de Belley-Ars)



Benoît le provocateur

Dans les trois cas, il est certain qu'il y avait de la provocation calculée de sa part (et aucune "bourde", malgré ce que persistent à affirmer quelques sots); comme me l'a dit avec admiration Catherine, avec qui je discutais du dernier "c'est un provacateur!".
Et ce qui est le plus important, dans les trois cas, il a libéré la parole. A propos de l'islam, à propos de l'interprétation de Concile, et à propos des comportement sexuels "à risque". Le prix à payer est l'excommunication par les médias, mais il n'est guère important à ses yeux.
C'est ce qui explique que ses ennemis s'étouffent de rage, car ils ont compris qu'ils n'auront pas le dernier mot avec lui.

Cette conclusion de Polémia (Le faisceau d'inimitiés décrypté) convient parfaitement à mon article:


Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la diabolisation d’un homme ou d’une cause est rarement la conséquence de maladresses ; c’est plutôt le prix à payer pour la clairvoyance ou le courage. Ceux qui se taisent et se soumettent à l’air du temps et à l’opinion des puissants du moment ne risquent pas d’être diabolisés. Ceux qui font face, si ! Mais ce sont les hommes debout qui laissent une trace dans l’histoire.


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