Q: Pour justifier mon intervention, je me reporte à ce que vous avez dit dimanche dernier, pendant la prière de l'Angelus, à propos du ministère petrinien. Vous avez parlé du ministère singulier et spécifique de l'évêque de Rome, qui préside à la communion universelle de la charité (Accompagnez-moi de vos prières ). Je voudrais que vous poursuiviez cette réflexion en l'élargissant à l'Église universelle : quel est le charisme singulier de l'Église de Rome et quelles sont les caractéristiques qui la rendent, par un don mystérieux de la Providence, unique au monde ? D'avoir comme évêque le Pape de l'Église universelle, qu'est-ce que cela comporte dans sa mission, aujourd'hui en particulier ? Nous ne voulons pas connaître nos privilèges : autrefois on disait : Parochus in urbe (curé en ville), episcopus in orbe (évêque à l'extérieur) ; mais nous voulons savoir comment vivre ce charisme, ce don de vivre comme prêtres à Rome, et ce que vous attendez de nous, prêtres romains.
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R: Votre question, si j'ai bien compris, comporte deux parties. D'abord, quelle est la responsabilité concrète de l'évêque de Rome aujourd'hui. Mais ensuite vous étendez à juste titre le privilège pétrinien à l'Église de Rome tout entière - c'est ainsi qu'elle était considérée déjà dans l'Église ancienne - et vous demandez quelles sont les obligations de l'Église de Rome pour répondre à sa vocation.
Il n'est pas nécessaire de développer ici la doctrine de la primauté (ndt: primat, suprématie?), vous la connaissez tous parfaitement. Il est important de nous arrêter sur le fait que réellement le Successeur de Pierre, le ministère de Pierre, garantit l'universalité de l'Église, qui transcende les nationalismes et d'autres frontières qui existent dans l'humanité d'aujourd'hui, pour être réellement une Église dans la diversité et dans la richesse de multiples cultures.
Nous voyons combien les autres communautés ecclésiales, les autres Églises, ressentent le besoin d'un point unifiant pour ne pas tomber dans le nationalisme, dans l'identification avec une culture déterminée, pour être réellement ouverts, tous pour tous, et pour être presque forcés de s'ouvrir toujours vers tous les autres. Il me semble que c'est là le ministère fondamental du Successeur de Pierre : garantir cette catholicité qui implique multiplicité, diversité, richesse des cultures, respect des diversités et qui, en même temps, exclut toute absolutisation et unit tout le monde, obligeant à s'ouvrir, à sortir de l'absolutisation du moi pour se trouver dans l'unité de la famille de Dieu que le Seigneur a voulue et que garantit le Successeur de Pierre, comme unité dans la diversité.
Naturellement, l'Église du Successeur de Pierre doit porter, avec son évêque, ce poids, cette joie du don de sa responsabilité. Dans l'apocalypse, l'évêque apparaît en effet comme un ange de son Église, c'est-à-dire un peu comme l'incorporation de son Église, à laquelle doit répondre l'être même de l'Église. Donc l'Église de Rome, avec le Successeur de Pierre, et comme son Église particulière, doit garantir vraiment cette universalité, cette ouverture, cette responsabilité pour la transcendance de l'amour, cette manière de présider dans l'amour qui exclut les particularismes. Il doit aussi garantir la fidélité à la parole du Seigneur, au don de la foi, que nous n'avons pas inventée, mais qui est réellement un don qui ne pouvait venir que de Dieu lui-même. C'est, et ce sera toujours le devoir, et même le privilège, de l'Église de Rome, contre les modes, contre les particularismes, contre l'absolutisation de certains aspects, contre les héresies qui sont toujours l'absolutisation d'un aspect. Et aussi le devoir de garantir l'universalité et la fidélité à l'intégralité, à la richesse de sa foi, de son chemin dans l'histoire qui s'ouvre toujours au futur. Et en même temps que ce témoignage de la foi et de l'universalité, naturellement, elle doit donner l'exemple de la charité.
C'est ce que nous dit Saint Ignace, identifiant dans ce propos assez énigmatique, le sacrement de l'Eucharistie, avec l'action d'aimer les autres. Et, pour en revenir au point précédent, cela est très important : c'est-à-dire l'identification avec l'Eucharistie qui est agape, qui est charité, qui est la présence de la charité qui s'est offerte dans le Christ. Le fait de s'ouvrir vers les autres, de s'offrir aux autres, cette responsabilité vers ceux qui sont dans le besoin, vers les pauvres, vers les oubliés, doit toujours être charité, marque et cause de charité. C'est là une grande responsabilité.
Présider dans l'Eucharistie implique de présider dans la charité, qui ne peut être témoignée que par la communauté même. Ceci me semble le grand devoir, la grande question pour l'Église de Rome : être réellement un exemple et un point de départ de la charité. En ce sens elle préside dans la charité.
Parmi les prêtres (ndt: le presbytérat, je pense que ce néologisme convient) de Rome nous sommes de tous les continents, de toutes les races, de toutes les philosophies et de toutes les cultures. Je me réjouis que réellement, le presbytérat de Rome exprime l'universalité, dans l'unité de la petite Église locale, la présence de l'Église universelle. Il est plus difficile et plus exigeant d'être aussi réellement porteurs du témoignage, de la charité, de la présence parmi les autres avec Notre Seigneur. Nous pouvons seulement prier le Seigneur qu'il nous aide dans les paroisses individuelles, dans les communautés individuelles, et que tous ensemble nous puissions être réellement fidèles à ce don, à ce mandat : présider la charité.
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