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Immigrationnisme et xénophobie (I)

Une conférence - magistrale - de Massimo Introvigne, en novembre 2009 (18/5/2010)

J'avais commencé la traduction il y a déjà quelque temps, et la gardais en réserve au cas où l'actualité permettrait de "souffler" un peu...

Sur le même sujet:
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-> Une réponse du Père Scalese à une question posée par moi
-> Un article de Rino Cammilieri à propos du livre de Caldwell dont il est question plus bas.
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En novembre dernier, Massimo Introvigne avait tenu à Rome une conférence sur le thème de l'immigration.
C'est un sujet sur lequel les catholiques ont besoin d'une boussole, et le Saint-Père la tient fermement. Mais ce n'est évidemment pas le rôle du Pape de mettre les poins sur les "i", et il peut arriver qu'on ne sache pas exactement ce qu'il attend de nous... d'autant plus que c'est difficile.

En 1997, à l'occasion d'un dramatique épisode à la suite de l'afflux de boat people albanais en Italie, le cardinal préfet de la CDF (donc, pas le pasteur universel) s'était exprimé sur l'accueil des immigrants dans une interviewe au Corriere della Sera (http://benoit-et-moi.fr/2010-I/..):
Il disait sans ambiguïté - mais le contexte n'était pas le même: "Notre devoir est d'aider ces gens à rentrer chez eux et à y construire une vie digne. Cela doit être la perspective. Mais aujourd'hui, en attendant ce retour, nous devons leur offrir l'hospitalité".

On se souvient qu'encore tout récemment, à Malte, et en particulier dans l'avion, Benoît XVI a une fois de plus abordé la question, disant aux journalistes:

Malte est le lieu où les réfugiés arrivent d'Afrique et frappent à la porte de l'Europe. C'est un grand problème de notre époque qui ne peut malheureusement pas être résolu par l'île de Malte. Nous devons tous répondre à ce défi, travailler pour que chacun puisse, sur sa terre, vivre dignement. D'autre part, nous devons faire notre possible pour que ces réfugiés trouvent tous, ici où ils arrivent, un espace de vie convenable. Une réponse à un grand défi de notre temps: Malte nous rappelle ces problèmes et nous rappelle aussi que la foi est la force qui donne la charité, et donc aussi l'imagination pour bien répondre à ces défis.
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Partant de ce qu'il nomme la "Magna Carta" (grande charte) de la doctrine sociale de l'Eglise pour le XXIe siècle, autrement dit l'encyclique Caritas in Veritate, qui consacrait plusieurs passages à ce thème, Massimo Introvigne oppose immigrationisme et xénophobie (sans qu'il y ait nécessairement de cloison étanche entre les deux).

La xénophobie, souvent grossière, à moins qu'elle ne soit exploitée économiquement par ceux qui recherchent une main d'oeuvre à bas prix, est rapidement évacuée, son support idéologique étant désormais réduit à rien.
Mais, dit-il, "d'un point de vue intellectuel, l'immigrationnisme est plus insidieux, il risque d'être plus persuasif, et nécessite donc une réfutation plus détaillée" (et j'ajoute: les medias lui servent d'énorme caisse de résonnance!).
C'est ce qu'il fait au cours de cet exposé très articulé, très argumenté, et très modéré, c'est-à-dire "raisonnable", même s'il fera à n'en pas douter grincer beaucoup de dents chez sa cible principale.
Pour qui est de bonne foi, presque tous les arguments sont irréfutables (je regrette juste que la responsabilité des pays d'origine ne soit jamais évoqué: voir ce que disait à ce sujet Mgr Negri).

Comme c'est très long, je vais fractionner la traduction en deux ou trois morceaux.
Après les parties A et B (dont la traduction est inachevée), la partie C aborde, sous l'angle italien, les lois immigrationistes, en particulier l'affaire dite de "l'heure de religion à l'école"(voir ici: http://benoit-et-moi.fr/2009/..).
On verra que leur étude peut aussi nous intéresser, sous une forme très légèrement différente. C'est une entrée de plus à la rubrique "ils ont tout essayé"!!
Et la partie D, conclut en posant la question "Que faire?". Il ne s'agit pas d'apporter des réponses (ce serait trop simple) mais d'offrir des pistes de réflexion. En s'appuyant sur l'enseignement de Benoît XVI (attention! il ne s'agit pas de le "récupérer", encore moins de parler à sa place, j'ai déjà dit que c'était impossible - ici)


L'immigration, ressource ou problème?
Texte en italien sur ce site extraordinaire: http://www.rassegnastampa-totustuus.it/..
Compte rendu du séminaire de la Fondation Magna Carta

Identité, responsabilité et liberté,
Rome, 3 Novembre 2009
Massimo Introvigne

A.

Immigration, xénophobie, immigrationnisme
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Dans la Magna Carta de la doctrine sociale de l'Eglise pour le XXIe siècle, l'encyclique Caritas in veritate, Benoît XVI établit trois principes de base relatifs à l'immigration, qui - souligne-t-il - est "difficile à gérer", comporte des "défis dramatiques" (n ° 62) et ne tolère pas de solutions expéditives.

1. Le premier est l'affirmation des "droits des individus et des familles qui ont émigré" (ibid.). Une fois arrivés dans le pays de destination, le migrant doit se voir reconnus des «droits fondamentaux et inaliénables» (ibid.) et doit toujours être traité comme une personne, jamais "comme une marchandise" (ibid.).

2. Le deuxième principe est qu'on doit également sauvegarder les droits "des sociétés d'accueil de ces migrants" (ibid.): Non seulement droits à la sécurité mais aussi à la défense de leur intégrité et de leur propre identité.

3. Le troisième principe concerne les droits de la société de provenance des migrants, qu'il convient de veiller à ne pas vider de ressources et d'énergie, les privant par l'émigration de populations qui seraient utiles et nécessaires dans le pays d'origine.

Il faut toujours porter attention à «l’amélioration des conditions de vie des personnes concrètes d’une région donnée, afin qu’elles puissent accomplir ces tâches qu’actuellement leur indigence ne leur permet pas de remplir. » (n ° 47): avant tout, là où ils sont nés, et sans être induites ou forcées à émigrer.

Pendant le voyage de 2008 aux États-Unis, Benoît XVI avait précisé: «La solution fondamentale est qu'il n'y ait plus besoin d'émigrer parce qu'il y a au pays suffisamment d'emplois, un tissu social suffisant, de sorte que plus personne n'ait besoin d'émigrer. Donc, nous devons tous travailler pour atteindre cet objectif de développement social qui permettrait aux citoyens de travailler, et d'avoir un avenir dans leur pays d'origine » (Interview du Saint-Père pendant le vol vers les États-Unis, 15 avril 2008).

Ces principes sont violés par deux attitudes et idéologies distinctes.

Le premier principe est violé par la xénophobie - décrit et dénoncé par le Pape Jean Paul II (Message pour la 89ème Journée Mondiale des Migrants et des Réfugiés de 2003, 24 Octobre 2002) c'est-à-dire par la conviction que l'autre, l'étranger est, par définition, toujours inférieur à ceux qui vivent au pays de destination et peut donc être l'objet de discrimination en tant qu'étranger.

Il y a une xénophobie grossière et parfois tout simplement stupide, celle de ceux qui écrivent sur les murs: "Mort aux immigrants". Et il y a une plus habile et subtile, elle vient de ceux qui exploitent la propagation de ces sentiments pour la manipulation des immigrants au service de stratégies de pouvoir économique -le migrant est considéré seulement comme un travailleur qui coûte moins cher - quand elle n'est pas criminelle. Un certain "turbocapitalisme" voit vraiment l'immigrant comme une "marchandise" et non comme une personne.

Le deuxième et le troisième principe sont violés par l'immigrationisme - le terme a été inventé par le politologue français Pierre-André Taguieff (lire ici L’immigrationnisme, ou la dernière utopie des bien-pensants) et repris par le journaliste américain Christopher Caldwell dans son livre Reflections on the Revolution in Europe. Immigration, Islam and the West (le titre est un hommage à Réflexions sur la Révolution en France, un texte contre la Révolution française de 1789 par Edmund Burke, 1729-1797) - c'est-à-dire par l'idéologie selon laquelle l'immigration serait un phénomène toujours bon éthiquement et culturellement, et économiquement avantageux, et le nier serait en soi une manifestation de xénophobie et de racisme.

Il serait faux de prétendre que la xénophobie est toujours de "droite", et l'immigrationisme de "gauche". Il y a une xénophobie de gauche - par exemple syndicale - qui, manifestant des craintes au sujet de la concurrence des immigrés sur le marché du travail, assume des tons xénophobes. Et l'immigrationisme a une version de «gauche» et une de «droite». Dans son livre, Caldwell retrace la genèse de l'immigrationisme de «droite» en Europe, de Nicolas Sarkozy - plus excité sur le thème comme ministre de l'Intérieur, et plus modéré comme président de la République française - à Gianfranco Fini.

Il y a cependant une différence entre immigrationistes de gauche et de droite. Les premiers pensent que - en réparation du passé colonial et du présent néo-colonialiste et impérialiste - l'occident doit tolérer des immigrés des comportements qu'il ne tolérerait jamais de ses citoyens. La criminalité et même le terrorisme des immigrant sont vus par l'immigrationiste de gauche avec une certaine indulgence: en fin de compte, il dira: "nous les avons exploités pendant des années", et s'ils protestent de manière pas vraiment policée "ce n'est pas entièrement leur faute. "

L'immigrationiste de droite assure que s'il viole la loi, l'immigrant sera traité avec toute la sévérité voulue par la police. "Tout le monde doit respecter la loi", répétent les Sarkozy et les Fini. On pourrait leur objecter que c'est une évidence - seule l'idéologisme effréné de l'immigrationiste de gauche suggère que quelqu'un pourrait 'ne pas respecter' la loi - mais cela ne suffit pas. Un immigrant qui ne met pas de bombes dans le métro, ne brûle pas de voitures dans son quartier et ne frappe pas les policiers - mais en même temps vit et pense en fonction de valeurs en contradiction avec celles de l'Europe - est-il un véritable atout pour l'Europe ou bien reste-t-il un problème?

La xénophobie est rarement soutenue par une élaboration culturelle - si l'on ne veut pas considérer comme telle le retour aux vieilles théories de la race de la part de quelque groupuscule néo-nazis. La xénophobie se combat, comme le Pape Jean Paul II le notait dans le document cité, par le rappel à la figure naturelle et chrétienne de la personne, créée, voulue et aimée par Dieu indépendamment de son origine ethnique, de sa langue et de sa nationalité.

Il y a cependant des professionnels de "l'anti-racisme", qui manipulent dangereusement la lutte contre la xénophobie, l'exploitant afin de répandre le relativisme culturel, c'est-à-dire l'idée que toutes les cultures sont égales et qu'il n'y a pas de cultures meilleures ou pire que les autres. Cet "éclectisme culturel", qui risque de se répandre en raison de la mondialisation, qui fait se rencontrer plus souvent et plus rapidement les cultures entre elles, prétend - explique Caritas in veritate - que les cultures sont «substantiellement équivalentes» (n ° 26).

Cette opinion est largement répandue, mais est également au cœur du relativisme, que l'Eglise ne peut accepter. Les cultures n'ont absolument pas toutes la même valeur. Elles doivent être jugées à la lumière de leur capacité à servir le bien commun et les droits authentiques de la personne, que les cultures ne respectent pas toutes de la même manière. Une culture fondée sur la polygamie et une autre fondée sur le mariage monogame ne sont pas «équivalentes». A la lumière, non seulement de la religion mais surtout de la loi naturelle, qui s'impose à chacun sur la base de la raison, la polygamie est mauvaise, et la monogamie est bonne. Il s'agit d'affirmations peu politiquement correctes, mais qui doivent absolument être maintenues si nous voulons défendre les droits de la vérité et éviter de promouvoir le relativisme.

Contrairement à la xénophobie, l'immigrationisme est étayé par des arguments d'engagement intellectuel considérables. Un "par condicio" (une parité de traitement) dans l'examen du problème, ne serait donc pas justifiée, qui critiquerait les deux dérives - immigrationisme et xénophobie - des principes que la doctrine sociale établit à propos de l'immigration. D'un point de vue intellectuel, l'immigrationnisme est plus insidieux, il risque d'être plus persuasif, et nécessite donc une réfutation plus détaillée.

B.

Les cinq thèses de l'immigrationnisme.
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La propagande immigrationniste se fonde sur cinq thèses fondamentales, qui doivent être examinées et réfutées une par une.

1. Le premier argument est de caractère quantitatif. Il affirme qu'en Europe, après tout, les immigrants sont encore une minorité, et que l'alarmisme est injustifié. Des échos de ce point de vue se trouvent par exemple dans le rapport Caritas/Migrantes "Immigazione Dossier Statistico 2009. XIX Rapporto" (IDOS, Roma 2009), qui - s'il fournit des données utiles, que nous utilisons tous et pour lesquels nous sommes reconnaissants aux compilateurs - est caractérisé dans les commentaires par une bonne dose d'immigrationisme.

Les immigrants réguliers (excluant donc les clandestins) d'après ce rapport, sont 4.330.000 en Italie.
Le chiffre - dit-on - peut être considéré comme élevé par ceux qui voient le verre à moitié vide. Mais pour l'optimiste qui le voit à moitié plein, les immigrants sont moins de dix pour cent des 60 millions de résidents sur le territoire italien. Et les chiffres sont analogues dans l'Union européenne dans son ensemble: cinq cent millions d'habitants, cinquante millions d'immigrants. Il y a donc une place pour tout le monde.

Le problème, cependant, est que cet argument considère les données sur les immigrants comme une photographie. Mais l'immigration est un processus, et donc il est nécessaire de regarder non pas la photo ou le photogramme isolé, mais le film. Il existe de très belles photos artistique d'un homme qui court. Mais elles ne nous disent pas quand il est parti, dans quelle direction il court, et où il espère arriver. Ainsi - toujours selon les chiffres de Caritas relatifs aux immigrés légaux - ceux-ci étaient 2.670.514 en 2005 et 4.330.000 à la fin de 2008.

En projetant simplement les données - en regardant justement le parcours du temps, le film et pas seulement la photo - nous nous rendons compte qu'ils auront plus que doublé en cinq ans, de 2005 à 2010. Et ils avaient déjà doublé, passant de 1.3000000 à 2.6000000, de 2003 à 2005. A ce rythme, nous aurions en Italie en 2030 douze millions d'immigrés réguliers, vingt millions en 2050. Il s'agit d'un film déjà vu ailleurs: en Hollande, sur treize millions d'habitants, plus de trois millions sont des immigrés Extra-UE, et ceux-ci sont déjà un million et demi sur neuf millions d'habitants en Suède.

Bien entendu, ces données, les immigrationistes les connaissent également. Ils y répondent en nous invitant à un double acte de foi: nous devrions croire qu'à l'avenir il y aura moins d'immigrés, et moins d'enfants d'immigrés nés dans notre pays. Sur le premier point, ils battent la grosse caisse sur des chiffres bénéficiant d'une large publicité, selon lesquels la surpopulation est un phénomène en baisse dans le monde entier. Mais ils oublient que la surpopulation n'est pas la seule raison qui pousse à migrer.

Pour ne donner qu'un exemple simple - que je ne présente que comme une première approximation, car en réalité il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu - dans de nombreux pays d'Europe il n'y a aucune explosion démographique, il y a même des problèmes de dénatalité. Toutefois, on continue à venir en Italie, non pas parce qu'il n'y a pas de place à la maison, mais parce qu'on voit la télévision italienne et qu'on se convainc, à tort, que notre pays est un pays de cocagne où l'on peut devenir riche rapidement.

Quant au second point, il est vrai que les deuxième et troisième générations, par exemple, de Marocains venus en Italie commencent à être influencées par le climat culturel et moral italien et à limiter le nombre d'enfants. Mais celui-ci reste quand même plus élevé que celui des Italiens «de souche» et du reste, il continue à arriver des immigrants de première génération dont les habitudes démographiques restent pendant une certaine période de temps celles des pays d'origine. Il n'y a donc aucune certitude que le taux de croissance de l'immigration baissera dans le futur. Et aucun pays au monde ne peut se permettre les pourcentages d'immigrants qui se profilent à l'horizon italien et européen.

Les exemples des États-Unis ou de l''Australie, invoqués par les immigrationistes ne sont pas pertinents parce que ce sont des pays presque entièrement composée d'immigrants. A moins de considérer comme "américains" uniquement les Indiens et "australiens" les seuls aborigènes. A ce point le slogan, génial à plusieurs titres, de la Ligue (du Nord) - montrant une image d'un Amérindien avec le slogan: "Ils ont subi l'immigration. Maintenant, ils vivent dans des réserves. Pensez-y " - est juste.

2. Deuxième argument: accueillir un grand nombre d'immigrants, dit-on, est un impératif moral. Les politiciens de gauche et (parfois) de droite, et même le clergé, l'affirment. On affirme que c'est une contribution moralement obligatoire de l'Union européenne - en réparation des péchés du colonialisme - pour résoudre les problèmes de la faim dans le monde et du sous-développement. Mais indépendamment du fait que présenter le colonialisme comme uniquement malfaisant et dommageable est plutôt unilatéral et historiquement discutable, il n'existe aucune preuve convaincante qu'il est plus avantageux pour l'Europe et plus rentable pour le Tiers Monde de transférer chez nous des millions d'immigrants extra-communautaires plutôt que de destiner les mêmes ressources pour les aider dans leur pays d'origine. Il existe même des indices fondés du contraire.

Ceux qui affirment que beaucoup d'immigrants sont d'excellents candidats à la citoyenneté nous racontent souvent combien de génies de l'informatique, de bons médecins et d'excellentes infirmières viennent des pays du Tiers-Monde. Mais ils ne réflèchissente pas au coût éthique du fait que ce faisant, on prive leurs pays d'origine de ces élites dont ils auraient besoin pour sortir du sous-développement. L'infirmière ougandaise qui vient en Italie est soustraite à l'Ouganda, où elle servirait comme le pain (?) pour lutter contre les épidémies.

Un argument éthique souvent utilisé en Italie se réfère au droit d'asile. Toutefois, ce droit est rarement défini avec rigueur, et parfois réduit à une simple farce. Quiconque ne se sent pas à l'aise dans un pays non-démocratique, ou victime de graves inégalités économiques serait en droit de demander l'asile politique - en un mot, la grande majorité des habitants du Tiers Monde auraient ce droit.

Au contraire, il y a un argument éthique pour s'opposer à l'immigrationisme, fondée sur le respect des droits des majorités, non moins importants que ceux des minorités. La majorité des citoyens de l'UE dans les sondages et même dans les élections se déclare contraire aux projets immigrationistes. Malgré l'opinion majoritaire des citoyens européens, ces projets continuent à être transposés dans la législation de nombreux pays. Le fait que l'opinion de la majorité des électeurs soit ignorés ne crée-t-il pas un problème pour la démocratie?

3.Le troisième argument des immigrationistes est d'ordre économique. Cet argument est parfois répété sans discernement par les opposants à l'immigration. On dit que l'Europe, en raison de la baisse de la natalité, a besoin d'immigrants - peu importe d'où -: et dans tous les cas il y a "des travaux qu'aucun européen ne veut faire, et qui ne peuvent donc être effectués que par des immigrants". Certes, l'Europe a un problème démographique spectaculaire et les chiffres sont désormais caractéristiques d'une civilisation moribonde. Mais il est douteux que l'augmentation sans distinction des immigrants soit la solution, pour trois raisons principales.

Premièrement, les immigrants non européens, avec leurs bas salaires, maintiennent temporairement en vie des emplois de toute façon destinés à disparaître. Cet acharnement thérapeutique n'est pas nécessairement bon pour l'économie. L'industrie textile dans le nord de la France et une grande partie de l'industrie de l'acier en Allemagne auraient tout de même perdu la grande majorité de leurs emplois à la fin du XXe siècle pour des raisons sans rapport avec le déclin de la population: à cause des progrès technologiques et de la disponibilité des produits à moindre coût en provenance de Chine.
Ces emplois - qui n'auraient pu être maintenus, au niveau de salaire normal d'un travailleur français ou l'allemand - ont survécu pendant quelques années grâce à l'utilisation des immigrés sous-payés. Mais finalement les usines ont fermé de toute façon. Les garder en vie artificiellement pendant quelques années, a été possible grâce aux immigrants. Mais les coûts ont dépassé les bénéfices. Il aurait été préférable de les fermer avant.

Deuxièmement, les "emplois dont aucun européen ne veut" sont souvent "emplois dont aucun européen ne veut si le salaire n'est pas attractif". Il y a très peu de travaux que les Européens refusent de faire "quel que soit le salaire". La vérité est différente: il y a des employeurs qui préfèrent embaucher pour certains emplois des immigrés, qui coûtent moins cher. Cela altère et fausse le marché du travail, et viole les droits des citoyens sans emploi, qui voient passer devant eux des immigrants disposés à travailler à bas coût. On assiste au paradoxe que dans certains pays, tandis qu'augmente le chômage, l'immigration augmente simultanément.

Dans un souci d'équité, il faut aussi reconnaître que tout n'est pas faux dans cet argument des immigrationistes. Il y a effectivement des secteurs où sans les immigrés, les problèmes au moins à brève échéance sembleraient difficiles à résoudre: le cas des aides à domiciles (auxiliaires de vie, badenti) en Italie semble ici pertinent. Mais l'exemple peut être une occasion de faire la distinction entre les immigrants extra-communautaires et intra-communautaires. Sur cinq cents millions de résidents dans l'Union européenne, comme cela a été dit, cinquante millions sont des migrants. Mais parmi eux, environ vingt millions sont des habitants d'un pays de l'Union qui ont déménagé dans un autre.

Bien que, comme les Italiens le savent, ces déplacements n'aient pas été sans problèmes, les migrations intra-communautaires sont généralement plus facile à absorber que les extra-communautaires pour des raisons juridiques et culturelles. Après tout, il existe de nombreux auxiliaires de vie roumains, et peu de marocains, chinois ou tunisiens.

à suivre...

Prêtres: une lettre ouverte au NYT Les mensonges ont la vie dure