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Un Pape émérite

Répondant à une question de Peter Seewald, Benoît XVI a évoqué de façon générique la possibilité pour un Pape de démissionner. Un article très documenté sur ce sujet, sur le site "Italia Oggi". (1er/12/2010)

C'est Benoît XVI lui-même qui a accepté de répondre à une question de Peter Seewald sur ce thème, dans Lumière du Monde.
C'était à propos des abus sexuels. Peter Seewald lui demande: "Avez-vous pensé à vous retirer?" (page 50)
Et il répond (ma traduction d'après le texte en italien):
"Quand le danger est grand, il ne faut pas fuir. C'est justement pour cela que ce n'est vraiment pas le moment de démissionner. C'est dans des moments comme celui-ci qu'il faut résister et dépasser la situation difficile. C'est mon sentiment. On peut démissionner dans un moment de sérénité, ou lorsque tout simplement on n'en peut plus. Mais on ne peut pas fuir juste au moment du danger et dire: un autre n'a qu'à s'en occuper".

De tels propos ne peuvent manquer d'inquièter ceux qui l'aiment. Ils sont génériques - mais pas pour autant à négliger.

Mais, à la page 30, à une autre question de Peter Seewald qui lui demande "A 83 ans, où puisez-vous cette force?", il répond:
"J'ai confiance dans le fait que le Bon Dieu me donnera autant de force qu'il m'en faut pour faire le nécessaire".
On retrouve là celui qui, dans la dernière phrase de son autobiographie, écrivait, évoquant la légende de l'ours de Saint-Corbinien: "Je suis Ta bête de somme".

Pour en revenir au thème de la démission, même si on ne veut pas y penser (et nous savons que quoi qu'il fasse, dans un hypothétique et lointain futur, il le fera pour le Bien suprême de l'Eglise), le Saint-Père pensait-il à son expérience personnelle aux côtés de Jean-Paul II?
C'est ce que semble croire l'auteur de Messa in Latino, qui a lu avec intérêt un article très documenté sur le sujet, du site http://www.italiaoggi.it/ .
En bleu, l'introduction de Messa in latino à l'article qui suit, signé Marco Bertoncini.

Ma traduction.

Messa in Latino

Voici un article inhabituellement (pour un journaliste ...) précis et approfondi. L'allusion, dans le livre-interview avec Benoît XVI, de la possibilité pour un pape de démissionner a fait sensation. En fait, l'abdication du pape est une hypothèse qui n'a rien d'étrange ou de révolutionnaire; elle a tout simplement été inusitée au cours des cinq derniers siècles. Pourtant, au moment du déclin intellectuel et physique du pape Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger avait parlé publiquement de la possibilité de démission de ce Pape. Ceux (..) qui à l'époque, derrière le masque d'un Wojtyla désormais incapable contrôlaient tout au Vatican, et composaient le Quadriumvirat Dziwisz - Sodano - Re - Piero Marini, se déclarèrent indignés, et Ratzinger dut se rétracter (ndt: je ne suis pas en mesure de confirmer cette affirmation). Mais il avait évidemment raison. Même si, qui sait, si les temps n'avaient pas mûri (et si la crise dans l'Eglise ne s'était aggravée: la réalité décourageante de ces années, au premier rang la pédophilie, on commence à l'entrevoir aujourd'hui) peut-être le conclave aurait-il élu ... un Jean XXIV ou un Jean Paul III.



Oui au Pape émérite
Ouverture de Benoît XVI à la démission
Marco Bertoncini
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Quand on parle de la démission du pape, la mémoire de tous ceux qui ont été au lycée (ndt: pas récemment!!) va à Célestin V (ndt: en juillet dernier, le Pape était en pélerinage à Sulmona, dans les Abruzzes, pour célébrer le 800e anniversaire de la naissance de Pitro del Morrone, le Pape Célestin V, qui démissionna 5 mois après son élection: voir ici) et au «grand refus» de Dante (Dans son Enfer, Dante place Célestin V dans le Vestibule des Lâches). D'abdication du trône pontifical, en fait, l'histoire bimillénaire de la papauté en a connu d'autres, ainsi que des dépositions et même des assassinats (pour ne rien dire des Martyrs).
Le premier exemple que l'on cite remonte à 235, lorsque le pape Pontien démissionna peu de temps avant son martyre. Et le dernier est celui de Grégoire XII, qui démissionna en 1415, contribuant à résoudre le grand imbroglio des trois papes assis simultanément sur le trône de Pierre et à clôre un schisme d'Occident qui durait depuis des décennies.

Ce qui a recentré l'attention sur la possibilité de l'abdication du successeur de Saint-Pierre , ce sont les paroles de Benoît XVI lui-même dans son livre récent Lumière du Monde. Peter Seewald l'interroge explicitement "Avez-vous jamais pensé à démissionner?", et le Pape lui répond: "Quand le danger est grand, il ne faut pas fuir. C'est justement pour cela que ce n'est vraiment pas le moment de démissionner. C'est dans des moments comme celui-ci qu'il faut résister et dépasser la situation difficile. C'est mon sentiment. On peut démissionner dans un moment de sérénité, ou lorsque tout simplement on n'en peut plus. Mais on ne peut pas fuir juste au moment du danger et dire: un autre n'a qu'à s'en occuper". A la réplique claire de l'intervieweur ("Donc, on peut imaginer une situation où vous considérez comme opportun que le pape démissionne?"), Benoît XVI répond tout aussi clairement: "Oui. Quand un pape en vient à une conscience claire de ne plus être en mesure physiquement et spirituellement de remplir la tâche qui lui est confiée, alors il a le droit et, dans certains cas également le devoir de démissionner".
Ainsi, non seulement le droit, mais même le devoir (en admettant que la traduction italienne est fidèle...). Jamais un pape ne s'était ainsi exprimé.

En termes de droit canon, constitutionnels, comme disent les canonistes eux-mêmes, pas de problème. Un pape peut démissionner. C'est arrivé plusieurs fois, comme nous l'avons dit, et la première constitution qui a consacré formellement le caractère licite du renoncement a été promulguée par Célestin V lui-même: après l'avoir signée, il a démissionné devant les cardinaux, qui ont accepté. Attention: un siècle auparavant le collège des cardinaux avait rejeté la démission de Célestin III. Après la constitution de Célestin V, on peut citer le Code de Droit Canonique, tant celui de 1917 que celui de 1983 qui stipule la possibilité pour le pape de renoncer au trône pontifical, à condition que la renonciation soit librement exprimée et dûment manifestée, sans nécessité d'acceptation de la part de quiconque (y compris le Collège des Cardinaux).

Constitutionnellement, donc, depuis Célestin V (et son successeur, Boniface VIII, grand expert du droit canon, ce n'est pas par hasard), il n'y a pas de réserves dans la doctrine concernant la démission d'un pape. Théologiquement, la question est différente. La thèse de fond contre le renoncement du pape est simple: Le pape est spirituellement marié à l'Eglise Romaine, un mariage que seule la mort peut dissoudre. Un divorce ne serait pas légitime. Ce point de vue a été soutenu par le pape Innocent III et, dans une certaine mesure, est à la base d'une étude que le cardinal Vincenzo Fagiolo mena pour Jean-Paul II sur l'abdication du Pape. Selon Faggiolo, la charge du pape n'étant pas un office ecclésial ordinaire, mais une tâche d'origine apostolique, puisque le pape est le vicaire du Christ, le successeur du prince des Apôtres, ne peut pas se considérer comme libre de renoncer sans une cause proportionnée. De telles causes, selon Faggiolo, devraient être exigées, non seulement pour la licéité (morale) d'une renonciation, mais surtout pour la légitimité (juridique et constitutionnelle) de l'acte-même d'abandon de la charge.

En somme: pour renoncer légitimement au rôle de successeur de saint Pierre, le pontife romain doit avoir une conscience mûre et consciente d'être incapable de conduire la communauté des fidèles. L'âge n'est pas suffisant pour justifier la renonciation. En effet, Paul VI introduisit bien la «retraite» pour les évêques et les cardinaux, mais il ne fixa pas de limite d'âge pour l'évêque de Rome, comme doté de la primauté de Pierre. La conscience de sa propre incapacité à régner est nécessaire: exactement ce que dit Benoît XVI quand il parle de "claire" prise de conscience de l'incapacité à accomplir sa tâche, en raison de carences physiques et spirituelles. Célestin V savait qu'il n'était pas en mesure de faire face au mandat qui lui avait été confié: pas seulement pour des raisons physiques (bien qu'il eût plus de quatre-vingts ans), mais par incapacité à jouer un rôle pour lesquel étaient également nécessaires des compétences administratives, politiques, juridiques, ce qu'on appelle le charisme.

On sait que Jean-Paul II confia à la Providence la poursuite de son mandat, même lorsque son état physique s'est trouvé affaibli. Comme l'écrivit Vittorio Messori (Corriere della Sera, 29 Juin 2002), "La force de continuer n'est pas mon problème, mais celui du Christ qui a voulu m'appeler pour être son vicaire sur la terre.". Et on sait qu'il a été débattu, parmi les théologiens et les canonistes, de la possibilité de diriger l'Eglise dans un fauteuil roulant, avec des difficultés à parler, avec l'incapacité de se déplacer, et même muet. Certes, Jean-Paul II n'a jamais renoncé, n'a jamais voulu renoncer.

Cependant, au delà des réflexions tant canoniques que théologiques, la question se posait de l'incapacité physique à supporter le poids. Nous ne saurons probablement jamais dans quelles conditions le défunt pontife dirigea l'Eglise durant les cinq dernières années de son existence; il y faudrait le journal de l'une des rares personnes qui étaient auprès de lui, un journal dans lequel aurait été confiée la vérité.(...) (1)

En l'absence de témoins et de documents, il y a beaucoup de questions qui restent sans réponse. Que comprenait réellement le pape polonais de ce qu'on lui disait? Dans quelle mesure était-il conscient des actes qui officiellement avaient lieu? Que décidait-il lui-même et que recevait-il sans critique, dans ce que lui soumettaient son secrétaire, ses collaborateurs directs, les cardinaux les plus proches? Hasardons une hypothèse. Parmi ceux qui étaient le plus proche du trône pontifical, il y avait le cardinal Joseph Ratzinger. L'expérience directe de l'usure physique (et donc psychique) d'un pape a indubitablement marqué le pape actuel. Qui se demande s'il n'y a pas lieu de passer la main, sans se confier à la Providence, une fois qu'on se rend compte de la réelle, complète, définitive, incapacité à exercer son mandat.

Le pape émérite, alors, n'est plus une possibilité lointaine et théorique, inusitée depuis 1415. Il est objet de débat. Remarquons qu'au Moyen Age, les débats théologiques, et canonico- constitutionnels, étaient beaucoup plus développés qu'aujourd'hui; le pape hérétique, le pape dément, le pape démissionnaire, le pape déchu, étaient des figures dont on débattait avec force références bibliques, ecclésiales, patristiques. Benoît XVI a donné un choc, et du plus haut niveau, a lancé un pavé dans la mare. Probablement, nous le répétons, pour ce qu'il a directement vécu et qu'il voudrait pas se voir répéter: dans son cas, comme dans le cas d'un successeur.

Note

(1) En réalité, il y a le livre interviewe de son secrétaire "Don Mietek", paru en France sous le titre "Le mardi était son jour préféré" (édition des Béatitudes), mais il tient plus de l'hagiographie que du document.
Et le Pape lui-même évoque ces années difficiles au chapitre 8 de Lumière du Monde, "Dans les souliers du pêcheur". (page 111-112):

"Oui, Jean-Paul II a parfois hésité à prendre des décisions. Mais dans l'ensemble, grâce aux collaborateurs qu'il avait choisis, la continuité des affaires a été assurée. Et les grandes décisions, il les a prises avant comme après. Il souffrait, mais il avait tout son esprit. Dans cette mesure, l'instrument de 1'Église, si l'on peut dire, fonctionnait parfaitement.
(...)
Le temps de ces souffrances n'a certainement pas été un temps vide. Je crois qu'il a même été très important pour l'Église d'avoir justement après une grande activité la leçon de la Passion, et de voir que l'Église peut être aussi guidée par elle, que c'est justement par la Passion qu'elle mûrit et vit".

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