Articles Images La voix du Pape Lectures, DVD Visiteurs Index Sites reliés Recherche
Page d'accueil Articles

Articles


Voyages 2011, en deux collages Liens Le Pape en Espagne Nicolas Sarkozy chez le Pape Synode pour le Moyen-Orient La luce del Mondo

Wikileaks et le Vatican (3)

Dossier dans La Bussola (15/12/2010)

->
Wikileaks et le Vatican (1)
-> Wikileaks et le Vatican (2)

Quelque chose qui ne tourne pas rond

Gaiani: "Sur Wikileaks, le compte n'y est pas"
Riccardo Cascioli
14-12-2010
(Source)

"Il y a trop de choses qui ne tournent pas rond dans ce conte de Wikileaks, et quelqu'un qui y gagne", selon Gianandrea Gaiani, un des experts italiens de la défense, et rédacteur en chef de la revue Analisi Difesa: il a beaucoup de doutes autour de cette histoire qui depuis des mois, occupe les premières pages des journaux du monde entier et promet de le faire pendant de nombreux mois encore. Révélations sur des montagnes de documents confidentiels du Pentagone, dont la publication est distillée de manière à maintenir l'attention mais dont le contenu a une valeur quasi nulle.

- Dr Gaiani, qu'est-ce qui ne vous convainc pas?
- Fondamentalement, la disproportion entre les mises en garde par les Etats-Unis et les ressources mises en place pour remédier à la situation.

- Expliquez-vous mieux.
- Eh bien les États-Unis ont des milliers de soldats formés à la cyberwar, la guerre cybernétique. N'oubliez pas qu'en 1999, avant l'attaque sur la Serbie, et en 2003, avant l'attaque sur l'Irak, ces unités furent capables de brouiller l'infrastructure électronique et électriques de ces pays. Trouvez-vous possible que ces mêmes unités ne soient pas en mesure de bloquer un site qui a annoncé les révélations plusieurs mois avant de les publier? Non seulement cela, Julian Assange n'est pas poursuivi pour espionnage, mais on essaie de le coincer avec une accusation de viol qui, pour ceux qui ont lu les détails de la plainte, est franchement surréaliste.

- N'est-il pas possible qu'Assange soit un personnage très rusé?
- Mais ici, il ne d'agit pas d'une action par surprise, tout a été annoncée bien à l'avance, on aurait eu tout le temps pour s'organiser, si on avait voulu. Et puis, de toutes façons, une fois consommé le méfait, trouvez-vous réaliste qu'aucun responsable du Pentagone, et le ministre lui-même, n'aient ressenti le devoir de démissionner ou que le président Obama ne les ait pas contraint à démissionner? Pensez qu'en Corée du Sud la semaine dernière, le ministre de la Défense a dû démissionner à cause de la faible réponse à l'attaque militaire de la Corée du Nord du mois précédent. Et là, le seul à être allé en prison est un obscur caporal de 22 ans, accusé de téléchargement des documents. Mais ici nous parlons de plus de 500 000 fichiers, la pire catastrophe de l'histoire pour une structure défensive. Et aucun responsable n'est mis en cause. Cela est suffisant pour sentir le brûlé.

- Mais qui aurait organisé une telle mise en scène?
- On ne peut accuser personne en ce moment, ni penser à quelque complot. On ne peut que regarder les faits et souligner certaines incohérences, ainsi que se demander à qui profite toute cette agitation.

- Et qui en profite?
- Je ferai simplement observer que ce qui est sorti jusqu'ici fait le jeu de l'administration Obama, et au sein de l'administration, du président au détriment de la secrétaire d'État Hillary Clinton qui, sur l'espionnage à l'Organisation des Nations Unies, a risqué gros.

- En quoi l'actuel occupant de la Maison-Blanche est-il gagnant?
- Par exemple, les révélations sur les abus en Afghanistan et en Irak renversent les responsabilités sur l'administration Bush; les révélations sur les relations entre Berlusconi et Poutine frappent la politique énergétique italienne, mal perçue à Washington; les révélations sur les liens entre l'Iran et d'autres pays à risque, même si elles n'ont rien de nouveau pour les experts, contribuent à créer dans l'opinion publique un climat propice à la «punition» contre le régime de Téhéran. Et quand, en Janvier, comme l'a annoncé Assange, sortiront des révélations compromettantes sur quelques grandes banques, il sera certainement plus facile de faire passer sur les banquiers la responsabilité de la crise économique, et d'absoudre les politiciens.


Wikileaks, la guerre de la communication

Marcello Foa
5-12-2010
-----------------
L'histoire Wikileaks peut être analysée en se limitant seulement à l'apparence ou en essayant d'en comprendre le fond et les modalités. Je préfère la seconde approche, et non par amour des théories du complot, mais par expérience et par déduction.
(Source: http://blog.ilgiornale.it/foa/ ).

Avant tout: l'Amérique a dénoncé la fuite de nouvelles comme gravement préjudiciable à ses intérêts. Mais en est-il vraiment ainsi? La réponse est non. Si nous examinons le matériel sorti, nous voyons que ceux qui se retrouvent sous une mauvaise lumière sont des ennemis historiques comme l'Iran, la Corée du Nord, les alliés embarrassants comme le Pakistan, et les amis dont Washington voudrait se débarrasser comme le Premier ministre Silvio Berlusconi.

Cela signifie-t-il que Wikileaks est à la solde de la CIA? Non, je crois plutôt que les services secrets ont appris à utiliser ce canal pour diffuser des informations ciblées et faire de la désinformation; l'agitation des médias, les protestations diplomatiques, même l'arrestation de Assange servent à rendre l'opération plus crédible, qu'elle rentre dans le cadre des activités les plus sophistiqués des services de contre-espionnage .

Donc: les e-mails sont vrais, mais il n'est pas difficile d'imaginer qu'ils ne sont ni complets, ni exhaustifs, et que les plus importants ont été dans une certaine mesure pilotés. La contre-preuve? Il n'y a pas de commentaires embarrassants sur Merkel, sur Cameron, sur Poutine et Medvedev, avec qui l'Amérique a intérêt à s'entendre, pas vraiment une seule analyse originale, pas d'arrière-plan, aucune allusion à des réseaux et des relations de pouvoir en retrait. C'est trop politiquement correct, trop banal, prévisible.

Les révélations d'août dernier sur l'Irak et l'Afghanistan n'ont certes pas plu à la CIA et ont été probablement été «implantées» par d'autres services de renseignement; ici on assiste à la revanche probable des 007 Américains.

Alors, comment évaluer la fuite de nouvelles sur le Saint-Siège? Le gouvernement Obama voulait-il faire du tort au Vatican? La réponse est évidemment complexe et difficile; toutefois, je ne pense pas qu'il y ait une manœuvre visant à faire du tort à Benoît XVI, mais il n'y a pas eu non plus de tentative pour le protéger. La plupart des documents n'ont pas filtré. Le Vatican n'apprécie pas la diffusion d'informations confidentielles, même non compromettants, mais le bilan peut aussi être flatteur, comme en témoignent l'activisme et la crédibilité de la diplomatie du Vatican, dont les intérêts ne coïncident pas toujours avec ceux des acteurs majeurs dans la politique internationale (et je ne me réfère pas seulement aux États-Unis).

La vraie nouveauté n'est pas tant le contenu, mais la méthode. La communication, un des instruments privilégiés dans le contexte des guerres modernes, qui ne se combattent plus avec des armées, mais avec des armes asymétrique et nécessitent des compétences analytiques sophistiquées. On peut se demander si le Vatican est prêt à affronter des défis de ce calibre, d'autant plus insidieux qu'ils ne sont pas déclarés.

Wikileaks: la diplomatie du Vatican s'en sort bien

Matteo Luigi Napolitano (1)
14-12-2010
Source.
---------------
Dans les révélations de Wikileaks, les éléments de façade qui ont fini dans la presse ont éclipsé la substance des documents qui, s'ils sont authentiques, donnent une vision de la diplomatie vaticane bien différente de celle qui apparaît dans les journaux.

Nous ne pouvons que donner une rapide synthèse des éléments qui ont échappé à l'attention des médias, et qui se trouvent pourtant dans les documents vaticans de Wikileaks.

Le 3 Juillet 2001, le Département d'Etat déroule dans les ambassades américaines à l'étranger, un long résumé de la politique du Vatican. Parmi les nombreux éléments qui apparaissent dans cette dépêche certains vraiment intéressants émergent: le Vatican "soutient le développement du Tiers Monde et l'exemption de la dette pour les pays les plus pauvres", il s'oppose à l'embargo, et il le fait pour des raisons humanitaires; il encourage le dialogue entre les religions. Sur le Moyen-Orient, le Vatican tient certainement à la protection des lieux saints, y compris Jérusalem.

Ce qui est dit sur la Chine est frappant: "Le Saint-Siège - a écrit le Département d'Etat - a d'excellentes sources d'information sur les dissidents, les droits de l'homme, la liberté religieuse et le contrôle du gouvernement sur la population". Si l'on tient compte des relations difficiles avec Pékin à l'époque, nous ne pensons pas que c'est un facteur négligeable. Mais c'est le regard supranational du Vatican qui fascine les Américains: "Les évêques, sans parler des groupes missionnaires indépendants, donnent à l'ambassade du Vatican (sic) une perspective unique sur les événements en Chine". Et en Inde? Egalement dans cette région, après la violence anti-chrétienne récente, "Le Vatican, les évêques locaux [...] et les différentes organisations missionnaires sont et continueront d'être des observateurs attentifs des violations des droits de l'homme et des développements connexes."

Même en Corée du Nord , il y a des organismes de secours catholique qui se rendent régulièrement dans le pays, tandis que dans la région des Grands Lacs en Afrique, le Vatican soutient l'oeuvre de la Communauté de Sant'Egidio, qui joue "un rôle important dans les efforts la médiation internationale dans la crise, tenant le Vatican informé de ses efforts. "

A Cuba, après la visite du pape, le Vatican est en attente du moment où Fidel Castro quittera la scène, même s'il craint que "la substitution pourrait à vrai dire être pire". Mais il est vrai aussi (et une dépêche ultérieure datée du 22 avril 2009 le révèle) que, selon la diplomatie vaticane, de meilleures relations entre Cuba et les États-Unis pourraient atteindre l'effet d'isoler le danger révolutionnaire représenté par Chavez et ses acolytes. En outre, comme le dit un autre document de l'ère Obama, (en date du 26 Juin 2 2009), "l'Eglise est à Cuba la principale institution indépendante du gouvernement" et «le Vatican espère en une transition vers la démocratie à Cuba".

Parmi les autres activités humanitaires, Washington sait bien que le Vatican est aussi impliqué dans la lutte contre la traite des êtres humains (l'archevêque de Pescara est cité comme étant particulièrement actife dans ce domaine), qu'il a une position alignée avec les États-Unis sur l'Irak, et qu' ls'oppose à la peine de mort.

En ce qui concerne les questions européennes (selon une dépêche de Washington du 18 août 2004), il est clair que le Vatican est en faveur de la l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, au cas où elle respecterait les paramètres de Copenhague. Certes, l'ex-cardinal Ratzinger avait exprimé des réserves quant à la portée d'une telle adhésion. Mais il convient d'ajouter (et les documents Wikileaks le confirment) que devenu pape, Joseph Ratzinger ne se montre pas moins décisif que son prédécesseur pourfavoriser la pleine participation de la Turquie à l'UE, comme le prouve une dépêche de l'ambassade américaine au Vatican du 7 décembre 2006 (ndt: c'était moins d'une semaine après la visite du Saint-Père en Turquie, et sa rencontre-éclair avec Erdogan à l'aéroport d'Ankara; on sait que le premier ministre turc s'en était vanté auprès des journalistes et que, "diplomatiquement" le Cardinal Bertone n'avait ni démenti, ni confirmé - je suis extrêmement réservée sur la validité de cette affirmation, qui reflète décidément par trop l'opinion de fonctionnaires finalement pas très bien informés! ).

Non moins positif est le tableau qui se dégage de ces documents de Wikileaks, lorsqu'on aborde le noeud de la relation entre le Vatican et l'Organisation des Nations Unies (le Département d'Etat en parle dans une dépêche du 20 août 2004). Pour le Palais de verre (siège de l'ONU), la diplomatie vaticane est déterminée à combattre le tourisme sexuel, en particulier celui dont sont victimes les enfants, à promouvoir l'aide aux pays les plus pauvres, à promouvoir des initiatives visant à réformer le système international en renforçant l'efficacité de l'aide humanitaire, à renforcer la condamnation de l'antisémitisme parmi les pays démocratiques, et à veiller à ce que dans le contexte, l'Organisation des Nations Unies adopte une déclaration appropriée, tout comme l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

Tout aussi intéressantes, même dans leurs différences réciproques, les relations du Vatican avec l'Espagne de Zapatero. Le 19 Juillet 2007, durant le voyage du pape en Espagne, l'ambassade américaine au Vatican note que Benoît XVI "a opté pour un dialogue respectueux, sur les attaques ouvertes contre la politique du gouvernement espagnol sur le divorce, le mariage homosexuel, et sur l'avortement". Le message du Pape, qui réaffirme la pensée de l'Eglise, est adressée "au monde occidental tout entier, pas seulement à l'Espagne."

Certes, il y a plusieurs autres questions qui aux yeux des Américains (mais ce sont les yeux d'observateurs extérieurs, après tout) semblent être en suspens, telles que le problème des relations judéo-catholiques, avec en annexe la question de la béatification de Pie XII. Mais à la veille de la visite de Benoît XVI en Terre Sainte, une dépêche de l'ambassade américaine pour le Saint-Siège (en date du 27 Janvier 2009) notent que les responsables des relations entre juifs et catholiques sont très attentifs à ces relations et que le pape a joué tout le tout pour le tout dans ce jeu, étant donné que les bonnes relations entre catholiques et juifs "peuvent aider à lutter contre l'antisémitisme."

Il n'est donc pas surprenant qu'aux yeux de Washington , la diplomatie du Vatican jouisse d'un prestige tout à fait particulier. En prévision de la visite du nouveau président américain Obama à Rome, de l'ambassade américaine au Vatican, le 26 Juin 2009, on faisait observer que "le Vatican est deuxième derrière les États-Unis parmi les pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec le plus grand nombre de pays (188 et 177 respectivement), que "le pape a immédiatement salué et félicité le Président pour son élection, que le journal L'Osservatore Romano est un journal ami, et que le Vatican a particulièrement apprécié la position d'Obama sur les droits de l'homme et sur la fermeture de la prison de Guantanamo". L'ambassade informait également le Président que le Pape est un promoteur de la liberté religieuse dans le monde entier et qu'il apprécie le soutien américain dans ce domaine. Benoît XVI, en outre,"jouit du respect, même des non-catholiques", et c'est donc "un mégaphone moral sans équivalent".

Le Vatican, est-il confirmé dans ces notes, "a été très explicite sur la protection des peuples les plus vulnérables du monde contre les dommages causés par la crise financière mondiale", et a également salué l'appel du président Obama à "éliminer les armes nucléaires". Du point de vue religieux, le Saint-Siège "a travaillé pendant des décennies pour améliorer la compréhension avec le monde islamique", et après le 11 Septembre a également lancé des discussion interreligieuses, de même qu'après le discours de Ratisbonne.

Egalement à propos de changement climatique , les commentaires américains sont intéressants (datanttout juste du 21 Janvier 2010) sur la position du Vatican: il veut que le processus de Copenhague aille de l'avant, et se soucient vraiment de l'environnement.

Aucune surprise et beaucoup de surprises, pourrait-on dire, de ces dépêches Wikileaks. On a souvent mis l'accent sur les "illuminations" des médias, sans s'attarder sur les points de réflexion que ces documents pourraient offrir. À notre modeste avis, même à une lecture superficielle, la diplomatie vaticane sort de ces documents, confirmée d'un prestige moral et diplomatique vraiment remarquable.

Mais ce qui a échappé à la majorité est un autre élément, que nous dirions de perspective . L'Eglise catholique est par nature prismatique: elle raisonne, pense et parle en ayant comme référence les millénaires, de nombreuses civilisations et de nombreuses langues, ainsi que le souligne clairement les dépêches de Wikileaks.
Avoir concentré l'attention (et, pire encore, concocté des théories) uniquement sur ce que pensaient les Américains nous semble tout à fait trompeur. C'est pourquoi, une fois de plus, le savant doit être prudent, car il lui manque encore les outils nécessaires pour une comparaison, seulement possible avec l'ouverture d'autres documents. Ce que nous lisons dans Wikileaks, comme l'a déclaré le directeur du bureau de presse du Vatican, reflète donc les perceptions des auteurs de ces documents. Qui ne sont pas nécessairement sans fondement, comme nous l'avons vu à partir d'une enquête plus approfondie. Mais qui pourtant, ne sont pas encore confirmées par la confrontation nécessaire des documents, si chère aux historiens. Mais aussi à beaucoup de journalistes.

(1) Professeur associé d'histoire des relations internationales, à l'Université "G. Marconi" de Rome

Rencontre avec les étudiants de Rome Benedetto Urbi et orbi: l'autre livre sur le Pape