Quel spectacle!
Dans le beau commentaire de José Luis Restàn, la grande semaine-anniversaire de Benoît XVI. Traduction de Carlota (15/10/2012)
Texte en espagnol: www. paginasdigital.es.
Quel spectacle!
José Luis Restán
15/10/2012
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Le besoin est plus grand aujourd’hui qu’il y a 50 ans parce que le désert s’est étendu, le vide s’est diffusé. Mais, besoin de quoi ? De la même chose qui a passionnément ému les pères conciliaires : communiquer la foi à l’homme contemporain qui porte en lui des doutes, des déviations, des préjugés et des obscurités (ndt obscurantismes !), mais qui surtout est toujours assoiffé du Dieu vivant et vrai, du sens et du destin de son aventure humaine.
La semaine a été simplement impressionnante.
Il faut se demander d’où le Pape sort cette énergie, cette lumière à la foi douce et tranchante, joyeuse sans triomphalisme, humble et sûre à la fois. Sa façon de raconter le Concile dépouille d’un coût de plume une telle croûte de banalités, tant de propos nébuleux et tant de verbiages. Il n’a jamais de rupture dans ces cinquante années de navigation ecclésiale. Le christianisme est marqué au feu par la présence du Dieu éternel qui est entré dans le temps, pour cela il est toujours nouveau », comme un arbre dans une aurore pérenne, toujours jeune ».
Cette actualité de la foi (le sens profond du mot aggionamento, consacré par Jean XXIII et pour lequel Benoît XVI ne montre pas de répugnance) exprime la continuelle vitalité de l’Église. Il ne s’agit pas, comme certains l’ont compris, de réduire la foi et de l’adapter aux opinions du temps, mais au contraire, « d’introduire l’aujourd’hui de notre temps dans l’aujourd’hui de Dieu ». Il s’agissait de cela alors, il s’agit de cela maintenant dans des coordonnées historiques nouvelles. C’est vrai que les pères conciliaires se sont ouverts avec confiance au dialogue avec le monde moderne, mais ils ont pu le faire seulement dans la mesure où ils étaient profondément enracinés dans la foi apostolique. Parce que sans cet enracinement, nous l’avons vu d’une façon retentissante, le dialogue se transforme en une simple dissolution, en une exaltation de la mentalité du temps…et si le sel se transforme en sauce, qui la salera ? De là le besoin invoqué d’une manière réitérée par le Pape en cette semaine inoubliable de revenir à la « lettre » du Concile qui exprime la conscience véritable de l’Église, dépouillée des hypothèques et des lectures idéologiques. De là l’urgence de ce que le Catéchisme de l’Église Catholique soit un maître instrument pour éduquer le peuple chrétien dans l’aujourd’hui qui nous vivons.
De nouveau nous avons vu ces jours-ci la joie toute simple de ce peuple. Comme l’a dit Benoît XVI à des milliers de jeunes convoqués par l’Action Catholique en une veillée remplie de petites lumières, « maintenant notre joie est peut-être plus sobre, plus humble », parce qu’elle est consciente des difficultés et des embuches du chemin : du vent qui souffle de l’extérieur et qui menace de faire couler la barque, et de la zizanie (mauvaise herbe) qui croît dans le champ de l’Église. La pression a été telle que parfois, a confessé le Pape, « nous avons pensé que le Seigneur dormait et nous avait oubliés ».
Mais tout cela n’est qu’une partie de l’histoire et pas la principale. Ce qui est décisif c’est que, malgré nos peurs, le Seigneur n’était pas endormi. La force de l’Esprit n’a pas cessé de travailler, mais à sa façon, non selon nos prétentions. D’une manière très belle le Pape explique « la flamme de l’Esprit Saint n’est pas un feu qui dévore, c’est une flamme de bonté et de vérité qui donne de la lumière et de la chaleur ». Et ainsi nous avons vu croître dans toutes sortes d’endroits la nouveauté : les nouveaux charismes, le rôle important des jeunes, la nouvelle responsabilité des laïcs, la façon passionnée de guider de Jean-Paul II qui a donné à l’Église un nouveau relief historique (1) , l’immense capacité de Benoît XVI pour dire la foi et montrer son fruit humain dans les aréopages de la postmodernité.
« La mémoire du passé est précieuse, mais elle n’est pas une fin en soi-même » a dit le Pape aux évêques du monde entier arrivés à Rome. Aujourd’hui comme hier l’amour du Christ nous pousse, le cœur assoiffé des hommes nous réclame. Par conséquent l’Église ne peut pas se récréer dans la nostalgie, elle est irrémédiablement lancée dans le futur. Les déserts contemporains (il suffit de prendre un café ou d’allumer la télévision) rendent plus ardente la soif des hommes et des femmes de cette époque que nous vivons, même si parfois ils l’expriment d’une façon qui nous effraie. Nous devrions comprendre cette Année de la Foi comme un pèlerinage dans ces déserts, « en emportant seulement ce qui est essentiel : pas de bâton de marche, de provisions, de pain, d’argent, ni deux tuniques…mais l’évangile et la foi de l’Église » (cf. Messe d’ouverture de l’Année de la Foi). Mais seuls ceux qui sont déterminés par la foi et enracinés dans la terre de l’Église oseront s’avancer dans ces déserts pour offrir le témoignage de leur vie qui a changé, de leur humanité complète et joyeuse même au milieu de l’orage. Eux seuls, en fin de compte les saints, peuvent introduire « l’aujourd’hui éternel de Dieu dans l’aujourd’hui des hommes de notre époque ».
Nous avons vu Pierre enseigner au peuple: Quel spectacle!
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Note de Carlota
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(1) Je devais être dans un autre monde, celui du travail et du «concret-concret» mais j’ai vraiment «zappé» cela, et ne l’ai pas ressenti ainsi.
Je suis passée, dans ma réflexion, de Paul VI et ses difficultés entre les modernes et les anciens (donc Mgr lefebvre) à Benoit XVI le pacificateur, JP II n’étant que la transition entre deux époques…
Il fallait évidemment les deux car l’Eglise est aussi dans son époque et il fallait que les hommes comprennent, tant les modernes que les anciens que le modernisme n’était pas la solution mais qu’on ne pouvait pas rester complétement dans un passé mythifié ou tout au moins qui était celui des anciennes générations.
C’est comme ceux de 1814, qui voulait revenir à 1788, et maintenant les Cubains de Miami qui veulent revenir à la Cuba de 1958, avec une majorité de Cubains des deux côtés du détroit de Floride qui n’ont jamais connu la Cuba de 1958.