Savile et le sexe désintégré
Superbe réflexion du philosophe anglais Roger Scruton, qui tente de porter un regard d'en haut sur la sordide affaire de moeurs de l'amuseur de la BBC accusé post-mortem d'actes pédophiles: «Autour de Jimmy Savile, on a mis en scène une sorte de rite de purification». En réalité, dans l'idéologie actuelle, tout est permis, sous réserve qu'il y ait consensus... (19/11/2012).
>>> C'est un point de vue très différent de celui qu'on a déjà abordé, mais qui ne le contredit pas (cf. Les écuries d'Augias de la télévision et La BBC, le NYT... et l'Eglise )
Pour l'anecdote, je suis arrivée à ce texte par un chemin compliqué.
Corrispondenza romana -> Tempi -> Il Foglio !!
J'ai ainsi "atterri" sur le blog de Roger Scruton, et j'y reviendrai sûrement!
Savile et le sexe désintégré
S'opposer au mariage homosexuel est devenu un crime intellectuel. Soit on se tait, soit c'est le pilori
http://www.ilfoglio.it/soloqui/15751
Roger Scruton (philosophe anglais né en 1944), sur le cas du présentateur anglais: «Une fois les structures morales disparues en Angleterre, il fallait trouver le coupable idéal. Qui mieux qu'une célébrité morte qui ne répondra pas au tribunal? »
«Autour de Jimmy Savile, on a mis en scène une sorte de rite de purification».
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Roger Scruton, professeur de philosophie à l'Université de St Andrews, berceau de culture et de noblesse britannique, et auteur d'une trentaine de livres qui en ont fait l'un des intellectuels conservateurs anglais les plus connus, lit à partir d'un point de vue moral, l'affaire Savile, le présentateur accusé d'agression sexuelle et de pédophilie. «En Angleterre, les structures morales ont disparu et le sexe s'est désintégré», explique Scruton. «De là est née une angoisse, une sorte de frénésie qui nécessitait de trouver le coupable parfait pour purifier ainsi le reste de la société. Qui mieux que Savile, une célébrité morte, qui ne pouvait pas répondre à ces accusations devant le tribunal? Nous sommes devenus tellement hystériques que nous pensons que là, dehors, il n'y a plus que des pédophiles. Une sorte de pédophilie vicariale (au sens, je suppose, "de substitution") s'est imposée.
L'hystérie autour de la pédophilie est révélatrice d'une société sur le point d'auto-destruction. Les gens regardent autour d'eux, cherhant le coupable pour l'humilier et l'ostraciser».
Nous en sommes arrivés au paradoxe, selon Roger Scruton , que «les mêmes personnes qui pendant des années ont essayé de dépénaliser les relations sexuelles entre mineurs, orchestrent aujourd'hui la croisade contre Savile. Ce n'est pas seulement de l'hypocrisie, c'est une idéologie qui veut reconstruire la sexualité sans liens avec l'ordre naturel. Qu'ils soient disciples de Marcuse ou de Fromm, les libéraux considèrent le sexe comme une force à "libérer" et qui est nocive quand elle est "refoulée". Freud a introduit une sorte de pédophilie de substitution qui nous oblige à considérer les enfants comme des êtres sexuels engagés dans des stratégies de séduction...
Aujourd'hui, on tient pour acquis qu'il n'y a pas de différence entre les homosexuels et les hétérosexuels, qu'il n'y a pas de différence entre le désir et la perversion, que la chasteté est un choix mais pas une vertu, que les seules questions morales qui entourent l'acte sexuel sont celles du consensus et de la "sécurité". La barrière entre les sexes est devenue perméable. Ou, selon les mots de Foucault, le sexe s'est "problématisé". L'acte sexuel est réduit à la fonction corporelle émancipée de la morale. L'éducation sexuelle à l'école tente de gommer les différences entre nous et les animaux, supprimant des concepts tels que l'interdit, le dangereux ou le sacré. L'initiation sexuelle signifie surmonter ces émotions "négatives" et profiter de ce "bon sexe". Nous avons encouragé nos enfants à un intérêt dépersonnalisé pour la sexualité. Le corps est devenu opaque».
Dans cette logique, dit Scruton, la pédophilie n'est pas un mal en soi. «Aujourd'hui, on parle de façon mortifiante du sexe, des organes sexuels, des sensations, des sécrétions sexuelles, on estime que, ce faisant, on se "libère" de la puissance mystérieuse d'un sentiment héroïque. Ainsi, la pédophilie devient mauvaise simplement parce qu'il n'y a pas de "consensus", tandis que ce que les adultes partagent en privé devient moralement irrépréhensible. C'est le gouvernement britannique lui-même qui abaisse l'âge de rapports homosexuels consensuels à seize ans, un âge où l'on est encore à l'école. "L'inclusion sociale" est devenu synonyme d'"atomisation sociale"».
L'intelligentsia libérale est devenue incapable de percevoir le danger de cette entropie sociale, et il y a une opinion qui prévaut parmi nos élites, que les mœurs sexuelles ne sont plus une affaire publique.
De la France du socialiste François Hollande à l'Angleterre du conservateur David Cameron, partout tombe le tabou du mariage homosexuel. «Il est inacceptable que cette institution, qui sanctifie la vie quotidienne reste intouchable», explique Scruton. «L'introduction du mariage homosexuel n'est pas une question de terminologie, mais une décision qui change toute la sphère sociale. Nous devons nous préparer à un nouvel ordre social dans lequel chaque type de relation sexuelle peut être transformée en mariage en signant au bon endroit. Et ce sera salué comme un grand pas en avant pour la liberté humaine.
Dans la plupart des pays européens, il existe déjà des moyens pour les femmes et les hommes homosexuels de ratifier leurs rapports sous forme de "partenariat civil", qui confère des avantages juridiques sans que cela implique un changement radical dans le statut du mariage. Mais les militants ne se satisfont pas des compromis, non pas parce qu'ils ne garantissent pas la sécurité de leur amour, mais parce qu'ils impliquent qu'il y a encore une différence entre les relations hétérosexuelles et homosexuelles.
«Ils sont donc prêts à lancer l'accusation d'homophobie contre quiconque, journalistes, politiciens, hommes d'Eglise. Et comme les autres crimes intellectuels, l'homophobie signifie que la seule façon de rester en sécurité est de fermer sa gueule».