Vers le mariage homosexuel?
La belle et courageuse lettre pastorale de Mgr de Germay (1), l'évêque d'Ajaccio (5/8/2012)
>> Cf. La barrette rouge du cardinal
Dans "Le Sel de la Terre", Joseph Ratzinger répondait à Peter Seewald au sujet des conflits qui avaient pu émailler son passge à la tête du diocèse de Münich (page 81)
On parle beaucoup aujourd'hui de la mission prophétique de l'Église. Ce mot est parfois employé à tort. Mais il est vrai, pourtant, que l'Église ne doit jamais pactiser avec l'esprit du temps. Elle doit interpeller les vices et les dangers d'une époque ; elle doit s'adresser à la conscience des puissants mais aussi aux intellectuels, à ceux aussi qui, d'un coeur étroit et tranquille, veulent vivre en passant indifférents devant les misères de l'époque. Comme évêque, je me sentais obligé de remplir cette mission. En outre, les déficits étaient trop flagrants : découragement de la foi, régression des vocations, abaissement des valeurs morales précisément parmi les hommes d'Église, tendance croissante à la violence et bien d'autres choses. J'entendais résonner à mes oreilles les paroles de la Bible et des Pères de l'Église, qui condamnent avec la plus grande rigueur les bergers qui sont comme des chiens muets et, pour éviter des conflits, laissent le poison se répandre. La tranquillité n'est pas le premier devoir du citoyen, et un évêque qui ne chercherait rien d'autre qu'à éviter les ennuis et à camoufler le plus possible tous les conflits est pour moi une vision repoussante.
J'ai certainement déjà cité ces propos à plusieurs reprises, car ils s'appliquent malheureusement à de nombreuses circonstances, et ils me sont revenus à l'esprit encore hier, parlant de la "proposition de prière" pour le 15 août.
Mais l'ensemble des évêques de France n'est pas un bloc.
Mgr Olivier de Germay, l'Evêque d’Ajaccio, ne fait pas partie de ces pasteurs semblables à "des chiens muets" dont parlait le préfet de la CDF, et il a publié le 1er août, sur le site du diocsèse, une lettre pastorale dont le Salon Beige nous dit à juste titre qu'elle doit être répandue sans modération. Pour la bonne raison qu'en plus du courage de ne pas céder aux pressions de l'air du temps (2) elle nous donne "quelques repères et réflexions qui pourraient guider ou inspirer notre façon de réagir et de nous mobiliser" car "dans ce débat, les arguments de bon sens ne suffisent plus".
La lettre de Mgr de Germay
http://www.corse.catholique.fr/Edito-Aout-2012
Vers le mariage homosexuel ?
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Il est difficile pour l’Eglise de ne pas réagir face à l’annonce faite par le gouvernement d’un projet de loi visant à élargir le mariage aux couples homosexuels. Pour beaucoup, il s’agit là d’une évolution inéluctable face à laquelle il faudrait faire preuve d’ouverture d’esprit, voire de résignation. Quelles que soient les intentions – qu’il ne nous appartient pas de juger – des promoteurs de ce projet, c’est en réalité la destruction d’un des piliers fondamentaux de notre société qui est programmée.
Loin d’épuiser ce vaste sujet de société, je voudrais simplement donner ici quelques repères et réflexions qui pourraient guider ou inspirer notre façon de réagir et de nous mobiliser.
Dans ce débat, les arguments de bon sens ne suffisent plus. L’évidence selon laquelle le mariage naturel concerne un homme et une femme a été laminée par le relativisme. Il faut donc que nous soyons capables d’expliquer en quoi l’union durable d’un homme et d’une femme pour fonder une famille n’est pas l’invention d’un type particulier de société mais est profondément inscrit dans la nature même de l’être humain. De même, nous devons pouvoir montrer que si l’Etat est habilité à légiférer sur un mariage qui, en donnant potentiellement naissance à des enfants, construit la société, il n’a pas à donner un statut équivalent à un mode d’union qui est stérile par nature et relève de choix privés.
Les conclusions d’une telle réflexion sont rendues plus évidentes grâce à l’éclairage de la foi chrétienne, mais nous devons être capables de la mener avec des arguments de raison pour pouvoir entrer en dialogue avec ceux de nos compatriotes qui ne partagent pas notre foi.
Dans ce dialogue, il y a un piège dans lequel nous ne devons pas tomber. Ceux qui revendiquent un statut pour les couples homosexuels – et qui à vrai dire sont souvent à court d’arguments – accusent facilement leurs opposants d’homophobie. Ainsi, pour ne pas passer pour homophobes, nous évitons le débat. Il faut au contraire proclamer avec force que refuser le « mariage » homosexuel n’a rien à voir avec l’homophobie. Nous pouvons avoir un grand respect pour les personnes homosexuelles tout en contestant le fait que le couple homosexuel soit présenté par l’Etat comme un modèle social au même titre qu’un couple marié. Cette capacité à désapprouver un acte tout en respectant la personne est d’ailleurs un des héritages du christianisme. Soyons donc toujours très attentifs à ce que nos propos sur la question de l’homosexualité ne soient pas perçus comme méprisants ou blessants par les personnes concernées.
Ne perdons pas de vue le fil conducteur qui motive ce genre de lois. Lors du débat sur le Pacs, on disait qu’il s’agissait simplement de défendre la dignité des personnes homosexuelles et qu’en aucun cas on envisageait l’adoption d’enfants par ces mêmes personnes. Aujourd’hui, toujours sous couvert de non-discrimination, le projet de loi sur l’adoption est annoncé. Interdire d’emblée à un enfant d’avoir un papa et une maman n’est pas considéré comme une discrimination… Mais ne nous y trompons pas, ce ne sera pas le dernier épisode. Nous sommes sous la mouvance d’un courant idéologique qui ne compte pas en rester là. L’étape suivante a commencé à se dévoiler au travers de la théorie du genre. Il s’agit de faire passer l’idée selon laquelle la différence sexuelle n’est que de l’ordre du biologique et ne concerne donc pas l’identité profonde de la personne. Chacun peut donc choisir son orientation sexuelle (hétéro, homo, bi, trans, etc.) indépendamment de son sexe. Il sera par conséquent interdit – car considéré comme de l’embrigadement – de donner à un garçon des repères éducatifs masculins et à une petite fille des repères éducatifs féminins. Ce serait aller contre une liberté individuelle toute-puissante revendiquant son affranchissement vis-à-vis de la nature…
Les idéologies des trente dernières années ont fait un travail souterrain qui, pour une bonne part, a conduit à l’éclatement de la famille ; les nouvelles idéologies vont permettre la déstructuration de la personne elle-même. Dans les deux cas, c’est la société tout entière qui se délite.
Aussi affligeant soit-il, ce constat ne doit pas nous décourager. La déconstruction annoncée n’est pas une fatalité. L’histoire a montré qu’une société possède souvent en elle-même une capacité à réagir dans des situations catastrophiques. Nous devons donc nous mobiliser. A la fois en nous intéressant à ces questions, en étant capables de dénoncer les idéologies, mais aussi en annonçant la Bonne Nouvelle. Et la Bonne Nouvelle que nous voulons annoncer, c’est qu’il est possible d’aimer en vérité, c’est la beauté de la sexualité et du mariage vécus, grâce à l’Esprit Saint, en conformité avec le projet de Dieu. Il y a un travail énorme à réaliser pour aider les enfants et les jeunes à s’éveiller à la beauté de leur corps et de leur sexualité, à repérer et écarter les contrefaçons de l’amour qui leur sont si souvent proposées, et à épanouir l’extraordinaire potentiel à aimer qui est en eux.
Avec charité et détermination, mobilisons–nous ! C’est un grand service que nous avons à rendre à notre humanité.
+ Mgr Olivier de Germay
Evêque d’Ajaccio
Notes
(1) Image plus haut dans Corse matin, avec une très belle interviewwe de l'évêque nouvellement nommé.
Sur la page d'accueil du site du diocèse d'Ajaccio, sobre et claire, les deux articles actuellement en évidence sont exemplaires:
a) L'éditorial sur le mariage homo
b) L'éditorial précédent, sur la rencontre des Familles de Milan.
(2) Donnons une idée de la tonalité du "débat". Hier dans le journal de 18h, Europe 1, après avoir annoncé - je cite de mémoire - que "l'Eglise mobilise ses troupes contre le mariage gay" (ce qui n'est pas exact, loin de là) puis tendu son micro, à la sortie d'une messe dans une paroisse parisienne, à une vieille dame de 80 ans dont les 8 enfants sont tous nés hors-mariage (autant dire qu'elle se moque éperdument du magistère de l'Eglise, et qu'elle tient à le dire), a donné exclusivement la parole à une représentante du groupe "David et Jonathan" pour justifier ainsi que "la démarche des évêques ne fait pas l'unanimité chez les chrétiens" : la confusion entre catholiques et chrétiens - entre autre - révélant une fois de plus l'abyssale ignorance du "journaliste" prétendant trancher une question dont il ignore tout