Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

Doit-on ne voir dans les cardinaux que des intrigants et des carrièristes? Certes pas. Au-delà de la 'pompe' du Consistoire - qu'il n'apprécie pas, c'est son droit - voici un très bel article de Filippo Di Giacomo (voir ici), dans l'Unità, qui rend justice aux "princes de l'Eglise". (22/2/2012)

Le meilleur exemple de cet "humus, [ce] ventre chaud et fertile à partir duquel le catholicisme reçoit le don de la vie et des intelligences", c'est notre Pape, et sa merveilleuse et humble famille.

     



Les couleurs profondes de l'Eglise
Texte en italien: www.finesettimana.org/
-----------------

Beaucoup le considérent comme "le club le plus select au monde". En effet, durant les grandes cérémonies pontificales, voir la Salle Paul VI colorée du rouge pourpre des cardinaux peut même procurer une certaine émotion aux admirateurs du genre.

Mais pour un catholique qui a d'autres préoccupations... la scène semble fatalement destinée à glisser dans le folklore.
...
Dans le blog <<Vino Nuovo>>, le journaliste de l'Avvenire Roberto Beretta, à propos des derniers chapeaux rouges concédés par le pape, observe: "Dans l'Eglise, l'équivalence (plus ou moins inconsciente, mais très répandue) entre le fait d'être 'arrivé là' et la qualité spirituelle, l'esprits ascétique, la cohérence morale, est dangereuse... Des observations similaires pourraient être faites aussi en descendant l'échelle de la hiérarchie: évêques, prélats, curés, responsables laïcs d'importants secteurs ecclésiaux. Ou en la remontant"

Il s'ensuit que, pour bien comprendre ce moment historique que connaît le catholicisme, il est totalement trompeur de regarder, et de juger les hommes d'Église en regardant là où ils arrivent, ou d'imaginer par quelles intrigues et autres misères sont distribués pourpre, infules, écharpes avec ou sans franges et chapeaux (barrettes) avec ou sans pompons: il nous faut revenir au point de départ, nous rappeler d'où ces hommes sont partis, saisir ce qui est l'humus, le ventre chaud et fertile à partir duquel le catholicisme reçoit le don de la vie et des intelligences.

Samedi dernier, beaucoup ont été attendris en voyant Shirley (cf. Quand Benoît rencontre Shirley) , la vieille paysanne du Missouri, la mère de l'archevêque Timothy Michael Dolan de New York, au bras de son fils alors qu'il entrait au Consistoire. Et Edwin Frederick O'Brien, lui aussi de New York, qui était accompagné par un groupe d'anciens combattants du Vietnam, 81ème régiment d'infanterie des États-Unis, où il a servi. Les proches de Jaroslav Duka, Dominicain, néo-cardinal de Prague, ont vu leur fils travailler comme ouvrier tourneur avant et après, alors que, déjà prêtre, il a été empêché d'exercer le ministère, pendant quinze ans, gagnant son pain comme dessinateur dans une usine automobile. Et il a été en prison, condamné à dix-huit mois pour avoir illégalement instruit les futurs frères dominicains. Et puis, la vie du cardinal roumain Muresan Lucian (dixième de douze enfants), qui semble un roman tant elle est mélangée de travail (d'abord charpentier, puis militaire, puis ouvrier du bâtiment) et de prison, dans les chaînes, et les persécutions de la Securité de Ceausescu pendant plus de la moitié de sa vie.

Parmi les Italiens aussi, le premier des nommés du 18 Janvier, Fernando Filoni (1), vient d'une famille qui a vécu avec le salaire du père, employé des douanes. Au cours des neuf années qu'il a passées à Rome pour se spécialiser en philosophie (à la Spienza) et journalisme, il a continué à travailler dans la paroisse de banlieue de Saint-Tite et à enseigner dans les lycées publics. Nonce en Irak, au cours de la dernière guerre, il a été le seul diplomate occidental à Bagdad à ne pas partir, même quand sa maison a été bombardée. Samedi dernier, beaucoup l'ont vu émus, avec les nombreux chrétiens irakiens venus à Rome pour lui. Pour s'excuser de ses yeux humides, il a déclaré: "ils savent ce que signifie être chrétiens".

Du "bertonien" et donc suspect Giuseppe Bertello, personne n'a mentionné qu'il était nonce au Bénin, au moment où l'Eglise du pays africain se faisait promotrice de la conférence qui sanctionnait, sans effusion de sang, la transition de la dictature à la démocratie. Et il était à Kigali, au Rwanda, en 1994, pendant le génocide.
Des échos de ce type ne sont pas rares dans les biographies de ceux qui arrivent aux sommets de l'Église. Peut-être la pompeuse et poussiéreuse pyramide colorée que les cérémonies du Vatican font entrer dans le monde des médias, devrait-elle être complètement renversée.

Il serait tellement plus facile pour tout le monde de reconnaître, sous les habits et les rites aussi spectaculaire (et coûteux) qu'inutiles, la mère de toutes les belles aventures humaines qui continuent à témoigner le Christ et à honorer l'Eglise , et qui vit toujours dans la partie large de la pyramide, dans la base...



Note

(1) C'est Mgr Filoni, préfet de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples (surnommé "le Pape rouge") qui a été chargé d'adresser au Saint-Père le discours d'hommage, samedi, lors de la cérémonie de remise des barrettes.
Voici ma traduction du texte original en italien (http://www.vatican.va)



Très Saint Père ,

Par la porte de la foi, qui est le Christ, nous sommes entrés dans la maison du Seigneur, l'Église, en devenant membres par la grâce du baptême. Au sein de cette Eglise, nous avons grandi, et par l'appel libre et gratuit au sacerdoce, nous avons été consacrés au service de Dieu et du prochain. Et puis, par un dessein insondable de divin Maître, nous nous sommes vus confier une tâche de gouvernement avec le ministère épiscopal.

Votre Sainteté, avec bienveillance, nous agrégeant au Collège des Cardinaux, nous a appelés à faire partie du clergé de son bien-aimé diocèse de Rome, nous liant dans le même temps, d'une manière unique, à Votre Sainteté, Successeur de l'Apôtre Pierre, dans l'accomplissement de la mission suprême de principe et fondement perpétuel et visible de l'unité de la foi et de la communion dans l'Eglise (cf. Lumen gentium , 18).

Dans votre quatrième création de cardinaux, votre Sainteté a voulu compter vingt-deux membres du clergé représentant la catholicité de l'Eglise du Christ et de la variété de ses dons: certains d'entre nous viennent de la Curie romaine où nous vous aidons déjà dans le service des Eglises particulières, d'autres sont des pasteurs d'anciennes ou plus récents Églises particulières, d'autres encore sont des maîtres renommés qui, par leur enseignement, ont formé des générations d'hommes et de femmes dans les sciences humaines et ecclésiastiques. Cette variété de personnes rappelle la belle considération de l'Apôtre Pierre qui à Césarée, dans la maison de Corneille, commentait: «En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais accepte qui le craint et pratique la justice, à quelque nation qu'il appartienne» (Actes 10.34 à 35).

Dans l'itinéraire humain et spirituel que Dieu a permis dans la vie de chacun de nous, émerge avec une absolue clarté la gratuité de l'amour de Dieu et la faveur du Seigneur: « je ne vous appelle plus serviteurs, mais ami»( Jn 15, 15); ce qui nous unit, c'est la seule foi dans le Christ, l'amour pour l'Eglise, la fidélité au Pape et la conscience profonde des besoins réels et gravesz de l'humanité au milieu de laquelle nous marchons, essayant, en tant que prêtres, cette juste compassion envers ceux qui sont dans l'ignorance, dans l'erreur et dans la faiblesse, selon l'expression significative du chapitre V de l'épître aux Hébreux (5,2).

La pourpre qui nous a été confiée nous rappelle, Très Saint-Père, non pas tant la grandeur de celui qui la porte comme symbole de pouvoir et de domination, mais le mystère profond de la souffrance de Jésus, qui, revêtu par ses bourreaux d'un manteau pourpre, et présenté ainsi à la foule devant Pilate, s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et même la mort sur la croix (cf. Ph 2,8). Aujourd'hui encore, dans l'Eglise, par fidélité à son Seigneur, il y a le martyre, les tribulations et les persécutions de nombreux de ses membres.

Très Saint Père, en ce moment si important pour nous, nous aimerions, en même temps que nos sentiments de gratitude, d'affection et de dévouement, vous présenter comme un cadeau, l'engagement renouvelé de fidélité, uni à la pleine disponibilité dans l'exercice des tâches spécifiques à nous confiées dans la Curie romaine, dans les Eglises particulières ou dans le service à la vérité et à la connaissance de celle-ci. La confiance placée en nous, nous voudrions la porter 'usque ad effusionem sanguinis'.

A nos sentiments s'unissent aujourd'hui ceux, non moins profonds et joyeux, de nos parents et amis, des Églises d'où nous venons et des peuples auxquels nous appartenons. Toute vocation, en effet, naît dans un contexte humain et s'exerce dans le milieu dans lequel vivent nos fidèles, avec lesquels nous établissons des relations qui ne ss'effacent pas. Eux aussi, Saint-Père, vous remercient, et vous assurent de leur prière pour votre personne (Dominus conservet eum) et en soutien de votre suprême et universel ministère ecclésial (Tu es Petrus )

Plaçons notre service cardinalice sous la protection de Marie, la Mère de la Grâce; en effet, c'est le Christ lui-même, qui, du haut de la Croix nous met sous sa protection maternelle: «Femme voici ton fils! »( Jn 19, 26). Et nous lui demandons à Elle, notre Mère, de venir habiter avec nous.

A Dieu, béni pour les siècles des siècles, avec les mots mêmes de Marie, que s'élève notre prière : «Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur»( Lc 1,46 à 47).