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Magistère volant

Angela Ambrogetti, après un ouvrage sur le même sujet consacré à JP II, vient de publier à la Libreria Editrice Vaticano un livre intitulé "Sur l'avion du pape Benoît". Recension (17/4/2013)

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www.ibs.it/code/9788820989576/ambrogetti-angela/sull-aereo-papa.html

J'ai l'espoir raisonnable qu'il sera bientôt traduit en français, comme l'a été son "Jean-Paul II, paroles en liberté : Conversations inédites du pape au cours de ses voyages" (cf. benoit-et-moi.fr/2012(III)/livres-dvd/jean-paul-ii-paroles-en-liberte)

Le site korazym.org met par ailleurs en ligne la préface d'Angela Ambrogetti.
Traduction à venir ?...

     

Le magistère volant des Papes. Ce qu'il a été et ce qu'il pourrait être
Texte en italien: korazym.org
Andrea Gagliarducci
16 Avril 2013
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Benoît XVI s'est défini un «humble serviteur dans la vigne du Seigneur». Il a soutenu être un pèlerin qui «commence la dernière étape de son pèlerinage sur cette terre». Il a souligné, lors de la rencontre mondiale des familles, que «le Paradis devrait être comme ma famille quand j'étais enfant».
Aujourd'hui que Benoît XVI fête ses 86 ans, il faut se souvenir de tout cela, de sa simplicité. Une simplicité qui ne signifie pas simplification. Et on peut clairement le voir dans les mots que Benoît XVI échangés avec les journalistes dans l'avion, durant les voyages internationaux, recueillis et annotés par la vaticaniste Angela Ambrogetti dans son livre "Sull’aereo di Papa Benedetto" (Libreria Editrice Vaticana).
Parce que - écrit à juste titre Angela Ambrogetti - «le professeur Ratzinger demande à être écouté calmement. Les discours de Benoît XVI requièrent attention et préparation». Et c'est pour cette raison que le pape Ratzinger «ne semble pas avoir été bien compris par les médias». Et pourtant, le pape Benoît ne s'est jamais soustrait à aucune question, explique le père Federico Lombardi dans l'introduction à l'ouvrage. Toutefois, le directeur de salle de presse du Vatican préfèrait se faire envoyer les questions par avance, les choisir, les reformuler parfois «afin de rassembler les différents aspects d'une même thématique» qui sont dispersés dans plusieurs questions. C'est un modus operandi qui aide Benoît XVI.
Papa Ratzinger aime articuler un discours, en tracer les contours sous toutes ses formes. Il n'est pas compliqué dans son parler, mais chaque période est liée à l'autre, même quand il s'exprime a braccio. Il a toujours resté, au fond, un professeur qui s'interroge sur ces questions, et aime aller en profondeur. Le travail d'Angela Ambrogetti nous permet de remonter dans le temps, de faire des comparaisons avec le style, plus spontané, de Jean-Paul II. Parce que la vaticaniste a publié un autre volume qui rassemble toutes les conférences de presse en avion de papa Wojtyla, Compagni di viaggio. C'est une comparaison qui doit être faite, toutefois, en gardant à l'esprit que les temps ont changé. Ce fut Jean-Paul II qui inaugura les bavadages en avions avec les journalistes. «Le début de la nouvelle ère médiatique», telle que la définit Angela Ambrogetti, a lieu pendant le premier vol international de Jean-Paul II, à Puebla. C'est en 1979. Le pape écarte le rideau et se rend dans le département des journalistes pour les saluer. C'est la première fois que cela arrive. Et puis un journaliste américain prend son courage à deux mains et demande au pape s'il ira en Amérique. Et lui, nullement intimidé, répond «Je pense que ce sera nécessaire, il ne reste plus qu'à fixer la date». Avant l'arrivée de Navarro Valls et d'une communication stratégiquement mieux définie, cela fonctionne ainsi: Jean-Paul II s'offre à la presse, parle avec les journalistes qui se bousculent pour lui poser des questions. Mais c'est lui qui mène le jeu, avec sa vieille expérience d'acteur, il renvoie les questions, fait des blagues, garde les journalistes sous contrôle.
Dans le même temps, parce que le pape est sans crainte - et toujours sans censure (jamais aucune conversation n'a été "off the records", c'est-à-dire réservée seulement aux journalistes) il parle aussi longuement de la liberté de religion, de la théologie de la libération, des problèmes de l'Eglise.

Benoît XVI lui non plus ne se soustrait jamais aux questions. La relation entre Papa Ratzinger et la presse - dit Georg Gänswein, secrétaire du pape émérite, dans son introduction à Sull’aereo di Papa Benedetto - est un rapport franc. Mais elle n'a aucune «tendance populiste». Il faut souligner - écrit Gaenswein - que le Saint-Père n'a jamais supprimé une question, il n'y en a jamais eu une seule qui lui était «incommode». Il accepte les questions, il réfléchit, il répond. Une fois, certains journalistes avaient écrit que le pape était seul et isolé. Lors de la conférence en avion, il y a eu aussi une question sur le sujet, et le pape avait répondu. Après la conférence, il a dit: «On voyait voir que les journalistes étaient curieux, ils attendaient peut-être une autre réponse. Mais j'ai juste dit comment les choses étaient. Je ne sais pas s'ils ont été plus surpris par la clarté ou la sincérité de la réponse» (1).

Angela Ambrogetti explique que Jean-Paul II était «historiquement habitué à parler des droits de l'homme, de justice sociale, de la présence de l'Eglise dans le monde», tous sujets qui sont la «conséquence naturelle de la proclamation de l'Evangile». Mais - ajoute-t-elle - «le résultat faisait davantage la nouvelle que la motivation».

Benoît XVI «explique à nouveau au monde pourquoi l'Eglise catholique parle des droits de l'homme, de la paix et de la justice sociale». Pourtant, «le monde des médias semble moins disposé à en parler. Alors, de la nouvelle, on passe à la "petite nouvelle" (l'anecdote) et on perd le sens le plus ample du pontificat».
Le jour du 86e anniversaire du Pape Benoît XVI, il est logique de commencer à regarder rétrospectivement la papauté. Et pour comprendre Ratzinger, pour aller au-delà de l'opinion publiée, il est vraiment nécessaire d'aller aux racines de sa spontanéité: aux discours qu'il aimait tenir a braccio, en fait, les dialogues avec les journalistes dans l'avion.

Pendant ce temps, un nouveau pontificat se prépare, et déjà un voyage international se prépare: François se rendra à Rio de Janeiro, pour la Journée Mondiale de la Jeunesse. Ce sera pour lui aussi la première conférence de presse en avion, et il y a beaucoup de curiosité pour voir comment cela va se dérouler. François se présentera-t-il au feu des questions, comme Jean-Paul II? Ou préférera-t-il articuler une explication, comme Benoît XVI? Ou encore, aura-t-il une autre façon de procéder, dans la rencontre avec les journalistes? Mais la principale curiosité concerne les thèmes qui seront couverts: Jean-Paul II centrait tout sur la justice sociale, Benoît XVI partait de la théologie et la proclamation de l'Evangile.
Comment se dessinera le magistère volant du Pape François?
Ad multos annos, Benoît XVI. Et ad majora, Pape François!

Un commentaire (malicieux) au dernier paragraphe.
Il n'y a pas besoin d'être devin pour prédire que le pape François sera, aux yeux des journalistes, un maître de la communication, et qu'ils seront sous le charme!

Note

(1) C'était le 17 mars 2009, en avion vers Yaoundé, la fameuse conférence de presse où des propos sur le préservatif scandaleusement détachés de leur contexte avaient mis le feu aux poudre dans la planète médiatique et complètement occulté le contenu de ce très important voyage. Transcription complète dans ma traduction ici: http://benoit-et-moi.fr/2009-I

- Depuis longtemps, et en particulier après votre dernière lettre aux Évêques du monde, les journaux parlent de solitude du Pape. Qu’en pensez-vous? Vous sentez-vous seul ? Et avec quels sentiments, après les récents événements, volez-vous maintenant vers l'Afrique ?
« Pour dire la vérité je dois un peu rire sur ce mythe de ma solitude. En aucune façon, je ne me sens seul. Chaque jour je reçois les collaborateurs les plus proches, du secrétaire d'État jusqu'à La Propagation de la foi, je vois régulièrement tous les chefs de discastère, je reçois des évêques en visite ad limina, dernièrement j'ai vu les évêques du Nigeria et d'Algérie, nous avons eu deux assemblées plénières ces jours-ci, la congrégation du culte et celle du clergé, en plus de nombreux entretiens amicaux, un réseau d'amitiés : mes amis d'Allemagne sont venus bavarder avec moi. Aucune solitude, je suis vraiment entouré d'amis, en étroite collaboration avec des évêques et des collaborateurs et avec les laïques, et j'en suis heureux. Je me rends en Afrique avec une grande joie. J'ai beaucoup d'amis africains depuis que j'étais professeur, j'aime la joie de leur foi, cette joyeuse foi qu'on trouve en Afrique. Vous savez que le mandat du Seigneur pour le successeur de Pierre est de confirmer ses frères dans la foi et moi chercherai à le faire. Mais je suis sûr que ce sera moi qui serai confirmé par mes frères, contaminé pour ainsi dire par leur joyeuse foi ».