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Exhortation au chaos évangélique

C'est le jugement désabusé de Francesco Colafemmina sur Evangelii Gaudium (28/11/2013)

Voir aussi:
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Evangelii Gaudium
¤ Lire Evangelii Gaudium
¤ Evangelii Gaudium: "Les peurs" de Hans Kung

     

Evangélisation sans contrôle

Quelques perles de l'exhortation au chaos évangélique du Pape François. (1)
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Comme il eut l'occasion de le dire à Kiko Arguello peu après son élection, le Pape semble souhaiter une Eglise où l'on fait le bazar, (fare "casino"), où il n'y a plus une autorité centrale qui "tient" . Où l'on peut déléguer aux conférences épiscopales même les définitions doctrinales, avec le Pape réduit à un garant de l'oecuménisme, un sage vieillard qui conseille et guide. Peut-être même que son système fonctionnera. Mais l'inconnue est liée à cette action du Pape qui démolit l'image, la structure impalpable du rapport entre un Pape et son Eglise, comme nous l'avons connue. Parce qu'il est certain que le "monde" saura accepter et se rapprocher de cette "nouvelle" Eglise, bien différente de la précédente. Reste à savoir, en revanche, ce qui adviendra de cette Eglise d'avant, si elle est mise au rebut, il deviendra difficile de comprendre quelle autorité peut avoir une fille qui renie sa mère.
Le Pape transfère tout sur un plan imprévisible et spirituellement indéfini, où les structures ne servent plus et où l'autorité est redimensionnée. Où le soin doctrinal, et celui liturgique, sont réduits à des simulacres caricaturaux de narcissisme et d'esthétisme hypocrites, où l'écoute et l'acceptation de l'autre, et le rapport dialectique en général, assumeraient le rôle de l'évangélisation.

De façon dramatique - c'est-à-dire avec une certaine théâtralité - le Pape déroge enfin à ses prérogatives. Et ainsi, relativisant son autorité, il ressemble à un monarque qui exerce son pouvoir à seule fin de le démolir, ou de le distribuer à d'autres. Qui reconnaît son autorité à seule fin de s'en priver. Ce qui est beau et humble, si ce n'est que l'humilité serait s'abstenir de modifier ce qui a été reçu, d'affaiblir la structure de la papauté afin de l'adapter aux présumées nécessités des temps. Cela, c'est relativiser, "historiciser" la Papauté, rendre la papauté des siècles ou des mois passés une sorte de trahison inauthentique de l'institution divine. Soutenir, en résumé, que tout ce qu'il y a eu jusqu'à présent a été façonné sur le monde et ses nécessités. Et aujourd'hui que le monde a changé, la Papauté doit changer.

Il est intéressant, ensuite, de noter que le Pape amortit toute critique potentielle en rappelant que le vrai chrétien est joyeux... Fondamentalement, pourtant, il n'y a pas de quoi s'attrister de toute cette révolution du pape (qui est d'ailleurs celle des cardinaux qui l'ont élu et qui ont promu activement cette révolution). Et toutefois, pas non plus de quoi se réjouir. Je propose une troisième voie: celle, assez stoïque, de l'impassibilité!

En tout cas - et là, le ton devrait passer du mélangé, joyeux ou impassible , à l'ironique, ou même au comique - après avoir lu l'entière exhortation apostolique, il me reste un doute digne d'Hamlet: quelle serait la bonne nouvelle que nous, catholiques, devrions annoncer aujourd'hui? S'il s'agit de banaliser le message chrétien en une sorte d'embrassade mondiale, eh bien, je suis sûr que nous y arriverons. parce que dans l'exhortation, il est curieux de constater que des mots comme "péché" ou "conversion" sont utilisés non pas comme connotation de la dynamique évangélisatrice mais comme définition de la transformation, de la palingenèse de L'Eglise elle-même. Tout comme "paradis", "enfer", "vie éternelle" ou "au-delà" sont totalement absents.Et comme le concept de rédemption **** dans une dimension sociale.

En somme, plus de contradiction, plus de confusion, entre pas en avant et pas en arrière, interviewes données et ensuite plus ou moins retirées, coups à droite et coups à la manche, Vatican II à la Marchetto (ndt: cf. Magister) et Vatican II à la "assez avec les prophètes de mauvaise augure", plus de "casino" (bazar) que ça, tu meurs!

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16. Je ne crois pas non plus qu’on doive attendre du magistère papal une parole définitive ou complète sur toutes les questions qui concernent l’Église et le monde. Il n’est pas opportun que le Pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire.

32. Du moment que je suis appelé à vivre ce que je demande aux autres, je dois aussi penser à une conversion de la papauté. Il me revient, comme Évêque de Rome, de rester ouvert aux suggestions orientées vers un exercice de mon ministère qui le rende plus fidèle à la signification que Jésus-Christ entend lui donner, et aux nécessités actuelles de l’évangélisation

40. En outre, au sein de l’Église, il y a d’innombrables questions autour desquelles on recherche et on réfléchit avec une grande liberté. Les diverses lignes de pensée philosophique, théologique et pastorale, si elles se laissent harmoniser par l’Esprit dans le respect et dans l’amour, peuvent faire croître l’Église, en ce qu’elles aident à mieux expliciter le très riche trésor de la Parole. À ceux qui rêvent une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais la réalité est que cette variété aide à manifester et à mieux développer les divers aspects de la richesse inépuisable de l’Évangile

47. [...] Ces convictions ont aussi des conséquences pastorales que nous sommes appelés à considérer avec prudence et audace. Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile.

94. Cette mondanité peut s’alimenter spécialement de deux manières profondément liées entre elles. L’une est l’attrait du gnosticisme, une foi renfermée dans le subjectivisme, où seule compte une expérience déterminée ou une série de raisonnements et de connaissances que l’on considère comme pouvant réconforter et éclairer, mais où le sujet reste en définitive fermé dans l’immanence de sa propre raison ou de ses sentiments. L’autre est le néo-pélagianisme autoréférentiel et prométhéen de ceux qui, en définitive, font confiance uniquement à leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain style catholique justement propre au passé. C’est une présumée sécurité doctrinale ou disciplinaire qui donne lieu à un élitisme narcissique et autoritaire, où, au lieu d’évangéliser, on analyse et classifie les autres, et, au lieu de faciliter l’accès à la grâce, les énergies s’usent dans le contrôle. Dans les deux cas, ni Jésus-Christ, ni les autres n’intéressent vraiment. Ce sont les manifestations d’un immanentisme anthropocentrique. Il n’est pas possible d’imaginer que de ces formes réductrices de christianisme, puisse surgir un authentique dynamisme évangélisateur.

95. Cette obscure mondanité se manifeste par de nombreuses attitudes apparemment opposées mais avec la même prétention de “dominer l’espace de l’Église”. Dans certaines d’entre elles on note un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu et dans les besoins concrets de l’histoire ne les préoccupe. De cette façon la vie de l’Église se transforme en une pièce de musée, ou devient la propriété d’un petit nombre

96. [...] À l’inverse, nous nous attardons comme des vaniteux qui disent ce “qu’on devrait faire” – le péché du “on devrait faire” – comme des maîtres spirituels et des experts en pastorale qui donnent des instructions tout en restant au dehors. Nous entretenonssans fin notre imagination et nous perdons le contact avec la réalité douloureuse de notre peuple fidèle.

280. [...] Toutefois, il n’y a pas de plus grande liberté que de se laisser guider par l’Esprit, en renonçant à vouloir calculer et contrôler tout, et de permettre à l’Esprit de nous éclairer, de nous guider, de nous orienter, et de nous conduire là où il veut. Il sait bien ce dont nous avons besoin à chaque époque et à chaque instant. On appelle cela être mystérieusement féconds !