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L'avertissement de Massimo Introvigne

... dans l'Église, on marche avec le Pape ou on va vers le schisme (12/10/2013)

Dans le débat autour des premiers mois du Pontificat, le journal italien "Il Foglio" semble vouloir jouer "à droite" le rôle d'arbitre que "la Repubblica" s'est arrogé "à gauche": http:// http://www.ilfoglio.it/soloqui/20162
Pourquoi pas?
Après la tribune de Gnocchi et Palmero (cf. Dures critiques catholiques contre le Pape), le journal de Giuliano Ferrarra donne donc la parole à Mattia Rossi (François est en train de fonder une nouvelle religion opposée au magistère catholique - c'est peut-être excessif, ou de la provocation, mais c'est intéressant) et à Massimo Introvigne.

Je pense que ce dernier est partagé entre sa loyauté... et quelques doutes tenaces. Il va jusqu'à s'inquiéter du risque ultime, le schisme.
Le problème, c'est que lors de l'affaire Williamson, le risque symétrique existait, venant alors de l'aile progressiste.
Je n'ai pas souvenir (ou bien j'ai la mémoire qui flanche... mais non, j'ai conservé trop de documents) d'une telle montée au créneau pour défendre Benoît XVI.

     

Je comprends le malaise, mais dans l'Église, on marche avec le Pape ou on va vers schisme
http://www.ilfoglio.it/soloqui/20157
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En tant que sociologue, j'ai lu avec intérêt l'article d'Alessandro Gnocchi et Mario Palmaro , comme signe d'un malaise par rapport aux gestes et aux attitudes du Pape François, que j'ai moi aussi relevé dans des secteurs minoritaires, mais non négligeables, de l'Église. Assumé, et transformé en réflexion et culture, ce malaise peut être utile, et je pense que le Pape François lui-même le prévoit et en tient compte dans sa vision d'une Église où, comme il aime à expliquer, l'unité ne doit pas être confondue avec l'uniformité.

Le malaise ne doit toutefois pas être confondu avec le refus du Magistère ordinaire, qui au contraire mène au schisme.
La thèse peut sembler forte, mais on la comprend, en prenant un peu de recul.
Quand, au moins à partir de 1968, le vénérable Paul VI chercha à prévenir certaines dérives du post-Concile, les progressistes ont refusé de le suivre, affirmant que les déclarations du pape n'étaient pas infaillibles et constituaient seulement des orientations pastorales, avec lesquelles on pouvait être en désaccord tout en restant de bons catholiques. Ils ont continué avec le bienheureux Jean-Paul II. Le Cardinal Ratzinger et le cardinal Scheffczyk ont répondu en disant que tout le Magistère n'était pas infaillible, mais qu'on ne pouvait pas être catholique si l'on n'acceptait que les très rares déclarations infaillibles des Papes: pour rester dans l'Église, il faut marcher avec les papes et se laisser guider par leur Magistère quotidien. En dehors de ce chemin étroit, il y a la large route qui conduit au schisme (ndt: il me semble qu'à cette aune, beaucoup sont dans le schisme plus ou moins effectif depuis des lustres, sans jamais avoir été sanctionnés, et même en continuant à être l'objet de beaucoup d'égards).

C'est un risque - pour utiliser des catégories politiques pas entièrement pertinentes, mais qui aident à comprendre - à gauche. Mais c'est aussi un risque à droite, où - naturellement à propos de textes autres que ceux critiqués par les progressistes - on commence à répéter la même rangaine selon laquelle, par exemple, certains documents du Concile Vatican II ne sont pas infaillibles et sont purement pastoraux et peuvent donc être ignorés ou rejetés.
Benoît XVI a essayé de mettre de l'ordre avec sa fameuse proposition d'«herméneutique de la réforme dans continuité», qui invitait à accepter loyalement les éléments de réforme du Concile, les interprétant non pas contre le Magistère précédent, mais en tenant compte de celui-ci.
La proposition a été rejetée à gauche, et souvent mal comprise à droite.
Là (à droite), on a applaudi à la continuité, oubliant la réforme, et on a cru que le pape autorisait à ne recevoir de Vatican II que ce qu'il présentait de manière nouvelle («nove») dans ce qui avait déjà été enseigné avant, refusant ce qui était nouveau, «novum» , non pas - selon Benoît XVI - en contradiction avec le magistère précédent, mais certainement pas réductible à celui-ci.
Ce n'était pas le cas.
Cette «droite» interpréta le discours d'adieu du pape Ratzinger aux curés romains du 14 Février 2013, comme un aveu que l'herméneutique de la réforme dans la continuité avait échoué. Alors que ce qui avait échoué était la tentative d'utiliser Benoît XVI pour refuser le Concile.

Revendiquant fièrement son rôle de théologien au Concile dans cette «Alliance rhénane» des Pères conciliaires allemands, français, belges et néerlandais, qui proposèrent quelques-unes des principales réformes de Vatican II, le pape Ratzinger précisait au moment de quitter le ministère pétrinien que rien dans son pontificat n'autorisait à rejeter la réforme au nom de la continuité (ndt: ce n'est pas exactement, ou en tout cas pas uniquement ce que j'ai compris).

Il est possible que le Pape François lance d'autres réformes dans l'Église, que le catholique fidèle devra recevoir avec docilité et en même temps essaiera de lire non pas contre les enseignements des papes précédents mais en tenant compte d'eux. Dans l'encyclique «Caritas in Veritate», Benoît XVI a expliqué que l'herméneutique de la «réforme dans la continuité» ne concerne pas seulement Vatican II, mais toute la vie de l'Eglise.
La formule Benoît XVI sera d'une grande aide pour métaboliser le malaise, et pour le transformer en une voix utile dans la grande symphonie de l'Église.
Construire la continuité comme refus de la réforme, ou déclarer vouloir suivre le pape uniquement dans ses déclarations infaillibles - une ou deux par siècle -, confinant tout le reste dans une sphère du «faillible» qui pourrait être ignorée, porte en revanche, peut-être insensiblement, au schisme.