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L'évêque "bling-bling" de Limbourg

Qu'est-ce qui se cache derrière cette histoire gonflée par les médias? (26/10/2013)

Depuis plusieurs jours, les medias, trop contents de pouvoir à nouveau s'en prendre à l'Eglise (avec François, les occasions s'en font plus rares, il n'est pas si facile de prendre l'opinion publique à revers, et le Pape est si populaire qu'il est devenu quasi-intouchable) s'exercent au tir au pigeon d'argile sur le "très dépensier" évêque de Limbourg, Mgr Franz-Peter Tebartz-van Elst, accusé par ses ouailles d'avoir dépensé des somme faramineuses pour l'aménagement du palais épiscopal.
J'ai instinctivement horreur de tout ce qui ressemble de près ou de loin à du lynchage - la plupart du temps, il a des raisons intéressées -, et je pars du principe que l'accusé devrait au moins avoir le droit de se défendre, sans parler du fait que ces travaux ont profité à des entreprises, donc créé de l'emploi, donc, à leur tour, de la richesse économique, et que l'argent investi aujourd'hui profitera aussi à ceux qui viendront après lui. Et même très bientôt, car Mgr Tebartz n'a(vait) à l'évidence pas vocation à rester à Limbourg jusqu'à la retraite (on parlait même de lui à Cologne, paraît-il...).
D'ailleurs, les mêmes qui ne se choquent pas que l'on puisse ériger des édifices somptueux , à la gloire d'autres religions (dont les fidèles ne vivent pas dans l'opulence, ce qui n'est apparemment pas le cas en Allemagne), sont les premiers à s'indigner.

Comme d'habitude, les choses ont été présentées de manière caricaturale, et les bonnes consciences se sont engoufrées sans réflexion dans la brèche ouverte, pour hurler avec les loups - c'est si facile.

Je suis sans voix

Mais les choses sont-elles aussi simples qu'on l'a lu partout, l'évêque bling-bling vivant dans le faste au détriment des pauvres paroissiens?
Certes, en cherchant des images pour illustrer cet article, j'en ai trouvé qui peuvent choquer.
Mais ne s'agirait-il pas aussi d'une ultime attaque de l'aile progressiste allemande, contre l'aile dite "conservatrice", liquidant une fois pour toutes l'héritage Ratzinger?

Je renvoie au site Aleteia, qui traite le sujet avec honnêteté (donnant la parole à des experts, qui émettent des critiques, mais présentent aussi des justifications), relevant entre autre:

« Le chiffre de 31 millions d’euros, avancé par les medias, pour la construction de la “résidence” de l’évêque, n’est vrai qu’en partie. Ces 31 millions n’ont pas été affectés exclusivement à son appartement – loin de là - mais à un vaste complexe épiscopal comportant un centre d’accueil, un bâtiment abritant le musée diocésain, une chapelle, et deux bâtiments historiques. Certes, de l’argent a été gaspillé, mais il s’agissait au minimum d’un bon investissement dans l’avenir du diocèse. L’année dernière, le diocèse de Rottenburg avait dépensé 38 millions pour la seule maison de l’évêque, et personne n’avait parlé de gaspillage ».
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« Je trouve curieux que des hommes comme le cardinal Mahony de Los Angeles peuvent, sans être critiqués ,dépenser plusieurs centaines de millions de dollars pour la construction de nouvelles et vastes cathédrales hideuses qui ressemblent à des abattoirs, tandis qu'un évêque conservateur est attaqué sans pitié pour avoir entrepris, pour un dixième de ce montant, la restauration d'un bâtiment historique - qui, après tout, servira à ses successeurs longtemps après son départ ».
...
« Les évêques allemands sont dans l'ensemble pusillanimes et faibles. Quasiment pas un d’entre eux n’ose réformer, appeler à la prière, au jeûne et à la conversion intérieure, à l’exception des évêques de Regensburg et Eichstatt. L’Eglise allemande, selon le cardinal Meisner, ressemble à une énorme Cadillac avec un minuscule moteur. En d’autres termes, elle possède des moyens financiers énormes, mais une petite force spirituelle, sinon le bon côté de l’Eglise n’aurait pas été éclipsé par une affaire aussi insignifiante » (1).

     

J'ai traduit un article d'un site italien dont je ne partage pas tout, mais qui, sans justifier l'évêque prodigue (qui a sans doute commis des fautes), met en évidence des tensions ayant peu à voir avec les dépenses somptuaires dont il se serait rendu coupable.

Suspendu par François. Et maintenant?
Bergoglio et Ratzinger s'affrontent sur l'évêque «gaspilleur»

Francesco Peloso
http://www.linkiesta.it/vescovo-limburg
L'évêque de Limbourg, du cercle magique de Ratzinger, aurait dépenser 40 millions d'euros pour le nouveau siège épiscopal.
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L'Eglise pauvre pour les pauvres du pape François a rencontré son premier vrai obstacle à Limbourg, en Allemagne, et peut-être d'autres adversaires dans la Curie. Dans le diocèse allemand, en effet, l'évêque Franz-Peter van Elst-Tebartz, est depuis des mois au centre d'une furieuse polémique en raison des sommes impressionnantes dépensées pour le nouveau siège épiscopal. Officiellement, on parle de 31 millions d'euros mais, selon les médias allemands, on arriverait à 40. Tebartz a été contestée par les fidèles, par plusieurs autres évêques et par l'opinion publique, sur l'affaire est également intervenue la chancelière Angela Merkel à travers son porte-parole, Steffen Seibert, espérant que la crise explosée à Limbourg trouvera bientôt une solution pour restaurer la confiance de la population dans l'Église. Pourtant, la démission de l' «évêque de luxe», comme il a été surnommé, n'est pas arrivée: après un long bras de fer impliquant les différentes âmes des évêques allemands et le Vatican, le pape François a pourtant réussi à gagner aux points, au premier round.

Mgr Tebartz, a communiqué le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, devra rester «pour une période de temps», non précisée, en dehors du diocèse, à sa place, a été nommé un vicaire général, le prêtre Wolfgang Rösch, qui assume la direction du diocèse jusqu'à nouvel ordre. Pendant ce temps, une commission d'enquête nommée par le président des évêques allemands «pour entreprendre un examen approfondi de la question de la construction du siège épiscopal» devra faire la lumière sur toute l'affaire. En tout cas, «l'évêque Franz-Peter van Elst-Tebartz, dans le moment présent, ne peut pas exercer son ministère». Telle est la conclusion provisoire de l'histoire, mais il convient de noter qu'en septembre, le cardinal de curie Giovanni Lajolo s'était rendu dans le diocèse de Limbourg pour une «visite fraternelle», à distinguer de la plus sévère et inquisitrice «visite apostolique».

L'affrontement autour de l'évêque de luxe a été dur même - et peut-être surtout - dans les Palais sacrés.
Tebartz était en effet soutenu par le «cercle magique» du pape Ratzinger, l'émérite, qui au cours de son pontificat, avait cherché à travers un certain nombre de nominations ciblées, de modifier le profil traditionnellement libéral ou progressiste de l'Eglise allemande. Le diocèse de Limburg rentrait dans ce plan de renversement des équilibres internes de l'épiscopat de l'Allemagne, et pour cette raison, en 2008, le pape Benoît XVI avait nommé à sa tête Mgr Tebartz, 53 ans aujourd'hui, appartenant à l'aile la plus conservatrice de l'Eglise. Expert en liturgie, clerc de carrière avec un talent de chercheur, le jeune évêque a dirigé l'Eglise du Limbourg en essayant de clore l'ère de son prédécesseur, Franz Kamphaus, peu orthodoxe sur des questions épineuses telles que le sida, le préservatif, l'avortement, la doctrine sociale, l'ecclésiologie et ainsi de suite. Tebartz a réduit le rôle des laïcs dans les charges diocésaines et défendu des positions traditionalistes, mais il a dureement contesté à la fois par ses prêtres et les associations laïques de croyants.

Sur lui, en effet, ont plu des accusations de cléricalisme excessif, d'auto-célébration, de narcissisme et de la folie des grandeurs.
L'histoire des travaux de rénovation du siège épiscopal et de leur gonflement progressif, est complexe; le fait est qu'entre les dépenses mirobolantes pour la résidence de l'évêque (environ 3 millions d'euros), l'entretien de l'environnement historique, les agrandissements, restaurations et rénovations, on a atteint les fameux 40 millions avec quelques détails surprenants comme celui de la baignoire de 15 mille euros.

Tebartz a été reçu par le pape le 21 Octobre dernier, puis il est resté quelques jours à Rome, où il a également rencontré Mgr Georg Gänswein, secrétaire de Ratzinger, et toujours Préfet de la Maison pontificale. A la suite de quoi le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Gerhard Muller, ancien évêque de Ratisbonne, théologien de haut rang, lui aussi appelé à la Curie par le pape Benoît XVI (mais confirmé par François) s'est exprimé pour prendre sa défense contre les attaques des médias. Bergoglio a ensuite pu parler avec le président sortant des évêques allemands, Mgr Robert Zollitsch, qui travaillait à une solution qui n'ouvrît pas une blessure dans l'Eglise et dans le même temps fût une réponse à l'atmosphère pesante qui était en train de se créer dans le diocèse de Limburg.

Parmi les sponsors de poids de Tebartz - en plus de l'évêque de Ratisbonne Rudolf Voderholzer - on doit aussi compter le cardinal Joachim Meisner, l'un des leaders de l'aile conservatrice, lui aussi un ami personnel de Ratzinger et archevêque de Cologne; Meisner, maintenant âgé de près de 80 ans va bientôt quitter le siège de ce qui reste l'un des plus importants diocèses d'Allemagne. Lui aussi a rencontré le pape ces jours-ci, signe de la délicatesse de la question; sont en jeu, entre autres, plusieurs nominations importantes: la succession à la tête du diocèse de Cologne, justement - ici était cité aussi le nom de l'«évêque de luxe »- et l'élection du nouveau président de la Conférence épiscopale allemande, qui aura lieu au printemps.

En somme, François a dû faire face à une crise non négligeable qui a montré pour la première fois des problèmes dûs à la cohabitation avec l'ancien souverain pontife. Et c'est justement sur le délicat dossier allemand que les problèmes surgissent. Comme cela s'est déjà passé avec les wojtyliens qui constituaient un obstacle à la gestion de Benoît XVI, le problème, aujourd'hui, se répète partiellement. Le cercle des très fidèles de Ratzinger a tenté de défendre le nouveau cours de l'Eglise catholique en Allemagne, et parmi eux s'est révélé le rôle de Mgr Georg, appartenant aux milieux catholiques ultra-traditionalistes (???). Sur le front opposé on a vu se ranger l'un des dirigeants historiques du courant libéral, le cardinal Karl Lehmann, évêque de Mayence et qui fut longtemps à la tête de l'épiscopat. Et puis il y a le Cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich, l'un des huit fidèles cardinaux réformateurs choisis par Bergoglio pour changer la curie. Marx - qui fut également nommé par Benoît XVI, mais (??) s'est toujours montré favorable à la ligne de la transparence sur les scandales sexuels et financiers où l'Eglise est en cause - a vivement critiqué l'évêque de Limburg et a eu l'occasion de discuter de la question avec le pape au début Octobre.

     

Note

(1) Ceci renvoie à des propos sévères de Benoît XVI, il en a tenu de semblables les deux fois où il s'est rendu en Allemagne (je ne parle pas des JMJ)
Par exemple à Fribourg, devant le laïcat catholique allemand, le 24 septembre 2011:

Nous voyons que dans notre monde riche occidental il y a un manque. Beaucoup de personnes manquent de l’expérience de la bonté de Dieu. Elles ne trouvent aucun point de contact avec les Églises institutionnelles et leurs structures traditionnelles. Mais pourquoi ? Je pense que c’est une question sur laquelle nous devons réfléchir très sérieusement. S’occuper de cette question est la mission principale du Conseil pontifical pour la nouvelle Évangélisation. Mais évidemment elle nous concerne tous. Permettez-moi d’aborder ici un point de la situation spécifique allemande. En Allemagne, l’Église est organisée de manière excellente. Mais, derrière les structures, se trouve-t-il aussi la force spirituelle qui leur est relative, la force de la foi au Dieu vivant ? Sincèrement nous devons cependant dire qu’il y a excédent de structures par rapport à l’Esprit. J’ajoute : la vraie crise de l’Église dans le monde occidental est une crise de la foi. Si nous n’arrivons pas à un véritable renouvellement de la foi, toute la réforme structurelle demeurera inefficace.

* * *

Et le 10 septembre 2006, à Münich

L'Eglise catholique en Allemagne fait preuve de grandeur dans ses activités sociales, et sa disponibilité à aider partout où cela apparaît nécessaire. Au cours de leur visite "ad limina", les Evêques, et ces derniers temps ceux d'Afrique, me parlent toujours à nouveau avec gratitude de la générosité des catholiques allemands, et me chargent de me faire l'interprète de leur gratitude - c'est ce que je voudrais faire à présent publiquement. Même les Evêques des Pays baltes, venus avant les vacances, m'ont parlé de la façon dont les catholiques allemands les ont aidés de façon grandiose dans la reconstruction de leurs églises gravement détériorées à cause des décennies de domination communiste. Parfois, toutefois, certains Evêques africains me disent: "Si je présente en Allemagne des projets sociaux, je trouve immédiatement les portes ouvertes. Mais si je viens avec un projet d'évangélisation, je me heurte plutôt à des réserves". Il existe à l'évidence chez certains l'idée que les projets sociaux doivent être promus avec la plus grande urgence, tandis que les affaires qui concernent Dieu ou même la foi catholique, sont des choses plutôt particulières et moins prioritaires. Toutefois, l'expérience de ces Evêques est précisément que l'évangélisation doit avoir la priorité, que le Dieu de Jésus Christ doit être connu, cru et aimé, doit convertir les coeurs, afin que les affaires sociales puissent elles aussi progresser pour que commence la réconciliation, afin que - par exemple - le SIDA puisse être combattu en affrontant véritablement ses causes profondes et en soignant les malades avec toute l'attention et l'amour qui leur sont dus. Le fait social et l'Evangile sont tout simplement indissociables. Là où nous n'apportons aux hommes que des connaissances, le savoir-faire, des capacités techniques et des instruments, nous apportons trop peu.