Accueil

Scalfari, le Pape, et la conscience

Encore à propos de la "lettre à Scalfari", sur le fond, cette fois (12/9/2013)

Voir aussi:
¤
François écrit à Scalfari
¤
Scalfari le destinataire de la lettre du Pape

A la question de savoir comment se comporte l’Eglise face à ceux qui ne partagent pas la foi en Jésus, le Pape répond qu’il faut "tenir compte, et c'est fondamental, que la miséricorde de Dieu n’a pas de limite si l’on s’adresse à lui avec un cœur sincère et contrit. La réponse, pour celui qui ne croit pas en Dieu, se trouve dans l’obéissance à sa conscience. Même pour qui n’a pas la foi, le péché est d'aller contre sa conscience. Ecouter et obéir à celle-ci signifie, en effet, se décider face à ce que nous percevons comme bien ou comme mal. C’est sur cette décision que se joue notre bonne ou mauvaise action".
(Extrait VIS)

J'écrivais hier:

Il n'y a sans doute rien dans cette lettre de contraire au dogme, au point que certains disent: «Elle aurait pu être écrite par Benoît XVI».
Je corrige: «Elle aurait pu être écrite par le cardinal Ratzinger» (enfin, il faut voir dans le détail).
Ce n'est pas tout à fait la même chose.


Monique me fait observer (avec tout le respect dû au Saint-Père, évidemment, mais lui-même, en écrivant dans la Repubblica, doit bien être conscient de s'exposer à la critique:

Cet article du Pape François, à mon humble avis, n'aurait pu être écrit ni par le Cardinal ni par le Pape Ratzinger!
Le Pape François donne à penser (mais ce n'est peut-être pas son intention) que l'on exprime la vérité à partir de soi. Faire de la conscience individuelle l'instance suprême de discernement entre le bien et le mal, sans référence à une loi morale issue de la Révélation ou de la simple raison humaine, est une idée que J. Ratzinger a combattue. Les gens qui ont commis des crimes avec une parfaite bonne conscience sont légion!
Le Pape François dit le contraire de ce que le théologien Ratzinger a toujours enseigné!

Du reste, aborder en quelques lignes, dans un journal, des problèmes théologiques aussi ardus est pour le moins imprudent.

Voici par exemple ce que disait Benoît XVI lors des voeux à Curie Romaine, le 20 décembre 2010, évoquant la figure de JH Newman qu'il venait de béatifier lors de son récent voyage au RU:

En Newman, la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience.
Mais qu’entend-on par cela ?
Dans la pensée moderne, la parole « conscience » signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot « conscience » on exprime justement ceci : dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences.
La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui « conscience » signifie la capacité de vérité de l’homme : la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité.
La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre.
La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert. Le chemin des conversions de Newman est un chemin de la conscience – un chemin non de la subjectivité qui s’affirme, mais, justement au contraire, de l’obéissance envers la vérité qui, pas à pas, s’ouvre à lui.
(http://benoit-et-moi.fr/2010-III)