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Une interviewe de Mgr Parolin

Le nouveau Secrétaire d'Etat du Vatican, a accordé au journal catholique vénézuélien "Diario Católico" un entretien exclusif. Traduction de Carlota (8/9/2013)

Voici ma traduction de l’entretien réalisé par Carlos Zapata du journal catholique vénézuélien « Diario Católico » (1) de Monseigneur Pietro Parolin, récemment désigné comme Secrétaire d’État du Vatican en remplacement du cardinal Bertonne, alors qu’il est toujours en poste comme nonce à Caracas (06-09-2013). Le journal parle pour cet entretien d’exclusivité.

Original www.diariocatolico.net.
(Carlota, 8 septembre 2013)

     

Interviewe exclusive du Secrétaire d’Etat du Vatican
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Question: Le mouvement du Pape sur le plan diplomatique appelle l’attention et en convoquant une tournée de jeûne et de prière pour la paix en Syrie, avons-nous avec François un nouveau Benoît XV, à propos de la trêve obtenue durant la 1ère Guerre Mondiale ?

Mgr Parolin: Cela n’a pas été si bien pour Benoît XV car vous savez qu’il a essayé d’arrêter la guerre de toutes les façons et qu’il n’y a pas réussi. Malheureusement, Benoît XV n’a pas été écouté. Les grandes puissances ne lui ont pas fait de cas. “La guerre est une tuerie inutile” a-t-il dit. Cette phrase a été très citée et est très connue ; mais, de fait, il n’est pas arrivé à grand chose.
Mieux ce fut le président (Woodrow) Wilson qui a adopté les propositions qu’avait fait le Pape et ce furent les fameux 14 points sur lesquels s’établit l’armistice, d’abord, puis la paix ; qui fut aussi une paix instable car finalement elle a donné naissance à la Sde Guerre Mondiale.


Q: Mais il a recherché la paix, comme d’autres Souverains Pontifes…

Mgr P: Bien sûr. La paix a été toujours une des préoccupations principales des Papes. Alors, Benoît XV s’est trouvé là.
Et imaginez tout ce qu’a fait le Pape Pie XII durant la Seconde Guerre Mondiale pour nous rapprocher un peu plus et obtenir la paix !
J’ai été témoin direct et je témoigne des tentatives qu’a faites Jean Paul II quand a éclaté la Guerre dans le Golfe et après la Guerre en Irak. Combien ont été forts les mots qu’il a utilisés ! Et quelle action diplomatique il a déployée ! Parce que là-bas, en plus du contact avec les différentes Chancelleries il a envoyé deux émissaires : l’un à Bush (président des Etats-Unis, Georg) et un autre à Saddam Hussein (président de l’Irak) pour voir s’il était possible d’obtenir, disons, un arrangement pacifique, chercher une solution, une voie de sortie à tout cela.
Alors il me semble que le Pape François se place dans ce sillage, dans cette voie : celle d’une grande préoccupation du Saint Siège pour la paix mondiale.


Q: C’est la finalité de la diplomatie?

Mgr P: Je dirais aussi que la raison d’être d’une diplomatie du Saint Siège c’est la recherche de la paix. Et si la diplomatie du Saint Siège a eu tant de renom et une telle acceptation dans le monde entier, autrefois et actuellement, c’est précisément parce qu’elle se place au-delà des intérêts nationaux, qui parfois sont des intérêts très particuliers. Elle se met dans cette vision du bien commun de l’humanité.


Q: Et à votre avis, à propos de ce que l’on dit de Jean Paul II et en considérant son alliance avec Lech Walesa, quels sont les nouveaux murs de Berlin que l’Église devrait démolir ?

Mgr P: Je crois qu’aujourd’hui, évidemment, le mur de Berlin fondamental c’est de réussir à faire la paix au milieu de la diversité que nous avons dans un monde pluri-polaire.
Les blocs ne sont plus comme avant. C’est une analyse de géopolitique commune…Il y a différents pouvoirs. Différents pouvoirs ont surgi, avec tous les problèmes qu’ils supportent. Parce que nous pensions dans nos désirs de paix et de bonheur, que la chute des murs traditionnels : le mur de Berlin, celui du bloc entre des pays communistes et l’Occident, allait amener la paix et le bonheur au monde. Et cela n’a pas été ainsi. S’est développé le problème du terrorisme.
Alors je pense que le mur que l’on doit démolir c’est comme d’obtenir que toutes ces différentes réalités réussissent à s’accorder et à travailler ensemble pour le bien de tous. Mettre ensemble les différences pour que ce ne soient pas des divisions mais qu’elles deviennent des collaborations en faveur de toute l’humanité.


Q: Et quel rôle joue sur cet aspect la Secrétairerie d’État du Vatican ?

Mgr P: La Secrétairerie de l’État, je crois, évidemment qu’elle doit réinventer sa façon d’être présente ; parce que les cadres sont différents : nous avons les grandes activités du cardinal Casaroli au temps des grands blocs. Tout le sujet de la aus politik ; mais aussi tout ce qui est en relation avec la défense des Droits de l’Homme, le thème d’Helsinki : là le Saint Siège a eu un rôle très, très important (2). Maintenant il me semble que les choses se sont un peu compliquées.


Q: Cela change de style…mais aussi de finalité?

Mgr P: Non. Ce que je veux dire c’est qu’il faut réinventer la façon d’être présent mais l’objectif est toujours le même. Et en parlant des grands défis, en dépassant ce relativisme. Ah quelle plaie ce relativisme ! Parce je le verrais à l’intérieur du discours qui lui est fait, de comprendre les différences.
S’il n’y a pas un terrain commun qui puisse être foulé, c'est-à-dire, s’il n’y a pas une vérité objective sur laquelle nous nous reconnaissons, ce sera déjà beaucoup plus difficile de chercher des points communs. Et ce terrain commun c’est la dignité de la personne humaine dans toutes ses dimensions, où l’on n’exclut pas la dimension transcendante ; ce n’est pas seulement la dimension personnelle, celle sociale, politique, économique, mais aussi la transcendante, par laquelle l’on reconnaît que l’homme est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu et que Dieu est sa source.


Q: C’est comme cela que le voit le Saint Père?

Mgr P: Le Pape François a insisté beaucoup sur cela: c’est la source la plus solide pour assurer le respect des Droits de l’Homme, le respect de la dignité humaine et des peuples dans une coexistence pacifique.


Q: Alors le problème est aussi le relativisme…

Mgr P: Le relativisme est une source de conflit.


Q: Et pour lutter contre le relativisme, comme pour obtenir la paix, pouvons-nous espérer avec Pietro Parolin une offensive diplomatique mondiale plus pénétrante ?

Mgr P: C’est une question compliquée. J’ai vu que la Secrétairerie d’État a été encouragée par les initiatives du Pape, lequel a pris aussi un mouvement diplomatique. J’espère en effet que nous pourrons [le faire] car nous avons un grand avantage par rapport aux autres églises, à d’autres religions : le fait de compter sur une présence institutionnelle internationale à travers la diplomatie. Donc nous devons en profiter !


Q: Dans quel sens?

Mgr P: En utilisant ces instruments. Ne pas les laisser là. Mais bien les utiliser comme l’a toujours fait la diplomatie vaticane. Surtout dans les moments d’urgence. Les utiliser pour obtenir les grands objectifs du bien de l’humanité.
Mais je veux souligner tout particulièrement que je dépends complètement du Pape.


Q: Pouvons-nous espérer une Église de ce point de vue, avec un rôle plus important ?

Mgr P: En effet, dans ce sens nous l’espérons. Surtout : tirer un meilleur profit de ces instruments que nous possédons. Le réseau des Nonciatures , les contacts que nous avons dans les organisations internationales (*)


Q: Des vaticanistes ont indiqué ces dernières heures que la géopolitique vaticane va être désormais plus éloignée des grands titres (de la presse), le voyez-vous ainsi?

Mgr P: Vous savez très bien que par inclination personnelle je ne voudrais pas la diplomatie des grands titres, mais une diplomatie qui soit efficace. Nous, nous ne cherchons pas, je crois, la popularité. Sincèrement aucun de nous ne le veut, mais le résultat. Et nous voulons prendre en compte ce que dit l’Évangile : que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite.


Q:
Est ce que Monseigneur Parolin est en train de travailler directement ou en conseillant, comme on l’a dit, ce travail qui est en train de se faire pour le cas de la Syrie?

Mgr P: Non, non. Je n’ai pas encore pris mon poste. Absolument pas. Je prendrai mes fonctions le 15 octobre et jusqu’à cette date j’exercerai, si Dieu le permet, les fonctions qui m’incombent. En outre, j’ai déjà suffisamment de maux de tête du fait de mon travail, ici, au Venezuela.
Mais j’ai un peu dans l’idée que, au-delà des détails et des choses concrètes, nous profiterons de ces instruments que nous avons comme Église Catholique. Elle s’est forgée dans le cours de l’histoire, et ce sont des outils précieux qui servent pour aider le monde
-Connaissez-vous déjà le nom du Nonce qui prendra le poste au Venezuela?
Honnêtement non. Et nous ne savons pas non plus dans combien de temps aura lieu la prochaine nomination. Ce que je peux commenter c’est nous avons déjà un Chargé d’Affaires pour le pays, il s’agit de Rüdiger Feulner (3).


Q: Qu’emporterez-vous du Venezuela?

Mgr P: Beaucoup de profonds et inoubliables souvenirs. Je voudrais en profiter pour vous demander vos prières, parce que la force de la prière est puissante. Je l’ai expérimenté ces 4 années de présences au Venezuela. Je vous le dit : conservez la foi, revivez la foi et faites d’elle un principe de rénovation de la société qui en a tant besoin.

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Notes de traduction
(1) « Diario Católico » a été fondé il y a plus de 80 ans par le désormais serviteur de Dieu, Mgr Sanmiguel qui fut le premier évêque du diocèse de San Cristobal, capitale de l’état de Tachira (état le plus au nord-est du Venezuela et sans accès à la mer). C’est le doyen des journaux de la presse de cet état.
(2) Il me semble qu’à l’époque-là déjà große preße n’avait pas vraiment mis en avant l’action du Vatican
(3) Père Rüdiger Feulner voir ici
http://www.hochschule-heiligenkreuz.at/institute/lehrende/feulner-ruediger/

(*) Carlota me rappelle un article de mon site à ce sujet, je pense à celui-ci (Sandro Magister): benoit-et-moi.fr/2009-II/