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A propos du concours de l'eurovision

Quand les laïcs font ce qui devrait revenir aux clercs: Benigno Blanco, ex-ministre du gouvernement Aznar donne indirectement une leçon au cardinal Schönborn (17/5/2014, mise à jour - Schönborn)

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La formidable réflexion de l'homme politique l’espagnol tranche de façon éclatante avec le laxisme coupable du prince autrichien. Ce dernier n’en est pas à son coup d’essai. On se souvient de l’exposition blasphématoire organisée avec son assentiment dans le musée diocésain de Vienne, en avril 2008 (http://benoit-et-moi.fr/2008-II)

De Benigno Blanco, lire aussi: Avortement: la leçon espagnole vaut pour nous

(Carlota)

Voici ma traduction d’un article de Benigno Blanco (né en 1957), l’actuel président de l’association « forum espagnol de la famille ». Avocat de formation, il fut notamment secrétaire d’État (domaines de l’environnement et du développement) dans les gouvernements (1996-2004) de J. M. Aznar, entre les deux périodes socialistes de Felipe González (1982-96) puis de J.Luis Zapatero (2004-2011).

Original ici www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=35565

     

Benigno Blanco

L’HOMME EST DIEU ET L’EUROVISION SON PROPHÈTE?
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Cette année le festival de l’Eurovision nous a rapprochés un peu plus du roman « 1984 » d’Orwell: le grand frère télévisuel construit une réalité purement fictive pour nous vendre une vérité sur l’humain éloignée de la réalité des choses mais qui intéresse le pouvoir établi. La différence avec le monde totalitaire imaginé par Orwell c’est qu’il était sordide et gris, dans le grand frère euro-visionné c’est séduisant (ndt le néologisme castillan utilisé correspond à « glamoureux ») et esthétiquement brillant. La grande ressemblance est que dans les deux cas la finalité est de détruire la personne pour garantir le pouvoir des élites du moment.

L’Eurovision nous a présenté un personnage fictif (Conchita est en réalité un monsieur appelé Tom Neuwirrth) et impossible (l’androgyne, la femme à barbe) qui chante l’oiseau phénix qui renaît de ses cendres pour invoquer la re-création de la personne ; la vision de la personne selon l’idéologie du genre et de la pensée « queer » se transforme ainsi en centre du spectacle et du prix. Surtout, on peut penser avec raison que si on lui a donné le prix, plus que du fait des mérites musicaux, c’est pour s’inscrire dans le politiquement correct dans cette Europe décadente : affirmer la capacité d’un être humain à se créer par lui-même en définissant sa sexualité à la marge de la nature donnée comme homme ou femme. Si l’idéologie du genre est la rébellion de l’homme contre sa condition de créature, l’Eurovision a été son prophète par l’intermédiaire de ces quelques heures.

Nous nous habituons déjà : tout est manipulable au service de l’idéologie à la mode, du genre comme idéologie. Les parlements, la mode, la (pseudo) science, la technique, le droit, le langage… L’Eurovision : ils se rendent face aux maîtres du monde et ils contribuent à déconstruire ce qui est humain au service d’une cause terrible quoiqu’impossible : effacer l’empreinte de la création dans l’homme, déshumaniser l’être humain en le transformant en un dieu qui s’auto-crée lui-même sans le moindre présupposé naturel comme préalable…comme l’oiseau phénix que se construit de lui-même à partir d’une cendre informe. Avec ce jeu terrible, nous finirions par transformer l’homme réel en cendre si le projet était possible, mais il ne l’est pas, grâce à Dieu !
J’ai quant à moi, bien que je ne puisse pas le démontrer de façon apodictique mais à partir pour l’instant d’indices, que derrière tout cela se trouvent beaucoup de choses, mais qu’il y en a une qui est déterminante aujourd’hui. Les nombreuses choses sont : la vanité de beaucoup, le souci de gagner de l’argent, la perversion idéologique de tant d’autres de notre époque moderne, des intérêts économiques et géostratégiques de domination économique et politique du monde, la banalité du mal propre aux époques technocratiques, les vieux et éternels vices dans le domaine sexuel qui tentent tant de personnes et qu’il semble beau et libérateur de vêtir de progrès pour cacher sa mauvaise odeur, les intérêts économiques des entreprises du sexe, la malléabilité adaptative de ceux qui se lient à tout ce qui paraît moderne (de ceux qui sont capables d’êtres nazis dans l’Allemagne de 1935, léninistes en Russie en 1925, défenseurs du genre dans l’Europe de 2014 ou tout ce qui touche ce qui, dans le temps présent, est commode et profite) et les lâches ou indifférents qui ne sont pas capables d’avoir un jugement personnel sur la moindre chose ou de s’opposer à la mode du moment.

Mais au-delà de toutes ces causes et groupes de personnes, il y a un moteur du phénomène contemporain de déshumanisation que représente l’idéologie du genre dans ses versions les plus extrêmes ; ce moteur contemporain qui déshumanise est chaque fois plus patent et déterminant, il est au dessus et en même temps sous-jacent à toutes les autres idéologies. Il s’agit de la tentative pour quelques uns de créer une société post-religieuse et spécifiquement post-chrétienne car ils pensent que la religion, - et spécialement la véritable religion, est quelque chose qu’il faut dépasser si nous voulons construire (comme ils le veulent eux) un monde sans Dieu, un monde qu’ils identifient comme un monde sans guerre ni violence en ayant fait disparaître la grande cause de la division qui est, - selon eux, la prétention de la vérité de la religion (celle véritable). Pour eux, un monde qui aura éradiqué le christianisme sera un monde en paix, un monde endormi dans une indifférence ténue face à la vérité et au bien, où tout est possible parce que rien n’est impossible en n’ayant pas de limites éthiques ; un monde où il sera très facile de commander et d’exercer le contrôle car il y n’y aura plus comme critère que le pouvoir qu’ils croient avoir par droit naturel parce qu’ils sont ceux qui savent, ceux qui comprennent, ceux qui ont été destinés à contrôler, à décider et à s’enrichir.

Ceux qui voient ainsi les choses paraissent avoir fait un diagnostic très sûr : essayer d’en finir avec l’Église par la voie traditionnelle de la violence (tuer des curés et des évêques, brûler des églises, interdire les activités religieuses, etc.). Cela ne fonctionne pas. Ni Hitler, ni Lénine, ni Staline, ni Néron, ni Mao, ni …(1), ne l’ont obtenu. Il faut chercher une autre méthode. Si l’on n’arrive pas à en finir avec la religion en détruisant la superstructure ecclésiale, il faudra le faire en éliminant la base, les chrétiens. Et comment y arriver ? En déshumanisant l’homme. Sans l’homme il n’y aura pas de chrétiens. Et comment déshumaniser l’homme? En détruisant l’image de Dieu dans l’homme: la sexualité.

Et ils ont raison : si nous ne respectons pas notre sexualité, notre féminité ou notre masculinité, nous renonçons à ce qui nous définit comme humains puisqu’il n’y a pas d’autre forme d’être humain que d’être un homme ou une femme. Pour être l’oiseau phénix il faut renoncer à être un homme ou une femme. C’est pourquoi, le genre comme idéologie, le jeu méphistophélique « queer » sont une tentative de créer une société post-humaine et par conséquent post-chrétienne, un monde sans Dieu…et sans êtres humains qui seront remplacés par des alphas et des betas dépendants du soma (ndt σῶμα, le corps en grec, sans lien avec l’esprit), au sexe, comme jeu. Nous passons ainsi de la dystopie d’Orwell à celle d’Husley (2), mais qu’importe puisque les deux ont en commun la même chose : le monopole du pouvoir par une élite qui dirige et contrôle un troupeau de posthumains à figure humaine.

Que celui qui lira cela ne prenne pas peur. Ce que j’ai décrit est impossible, cela n’arrivera pas. Mais si nous ne l’arrêtons pas à temps, son coût en vies humaines (voir ce qu’il en est de l’avortement comme témoin) et en bonheur personnel peut être aussi terrible que celui des totalitarismes idéologiques du XXème siècle. Le paradis du genre n’existera jamais parce que c’est impossible comme l’était le Reich qui devait durer mille ans ou le paradis communiste. Pour le prouver, allons-nous en payer le même coût humain élevé que nous avons payé pour nous détromper des mythes nazis ou marxistes ? J’espère que non, que nous apprenions à temps.

Le fictif oiseau phénix de l’Eurovision 2014 peut-être ne sait pas tout cela (3) ; il est probablement à ses affaires sans plus (je ne suis pas là pour le juger), mais dans le jeu global de la stratégie du genre ce spectacle que les télévisions européennes (4) viennent de donner est une pièce de plus du puzzle idéologique de notre époque devant lequel nous ne pouvons ni nous ravir ni nous montrer indifférents si nous voulons être des acteurs responsables de notre époque (5).

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Notes de traduction

(1) Énumération, bien sûr, non chronologique et très incomplète (Des hommes comme Robespierre ou Plutarco Elías Calles, l’homme d’état mexicain à l’époque de Cristeros, et les idéologies qui les portaient auraient pu aussi être évoquées, par exemple ?) car malheureusement les croyances mortifères nihilistes ont toujours existé. Mais c’est vrai qu’elles ne bénéficiaient pas avant le Siècle des Lumières et les suivants d’aussi efficaces technologies et d’autant d’avancées cientifiques pour agir.

(2) Dystopie : société organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. Aucune différence évidemment dans le résultat final qui sera identique à celui des sociétés utopiques, si ce n’est que les élites organisatrices du malheur des hommes (et donc animées toujours par le Malin) le font peut-être plus sciemment au départ…

(3) Il est certain que le « malheureux » Tom Neuwirrth dit Conchita Wurst (les hispanophones peuvent encore mieux apprécier le choix du prénom qui n’a peut-être pas été pris au hasard) est sans doute utilisé par le système car il ne se serait pas présenté et n’aurait pas gagné l’Eurovision s’il ne s’était agi d’une une stratégie concertée qui dépasse ses moyens personnels. Mais cela ne l’excuse pas complètement. Ce serait trop facile.

(4) Europe au sens très large car si je m’abuse, il y a aussi des candidats d’une Asie bien centrale, mais aussi du proche Orient (se rappeler également un candidat israélien qui avait déjà donné le ton lors d’une précédente Eurovision).

(5) La Russie vient de déclarer qu’elle ne participerait plus à l’Eurovision et qu’elle allait créer un concours Euro-Asie. J’espère que des interprètes auront ainsi une opportunité de se faire connaître leur talent et la langue française, une opportunité qu’ils n’ont plus via l’Eurovision. En attendant, un peu de nostalgie ou de découverte: il y a un demi-siècle à l’Eurovision, Rachel chantait «la chanson de Mallory» et Hugues Auffray «dès que le printemps revient»

     

Christophe Schönborn

Le Cardinal Schönborn, président de la Conférence épiscopale d'Autriche, semble quant à lui avoir apprécié la prestation de son (sa?) compatriote - il y voit un hymne à la tolérance qui devient décidément un fourre-tout pour toutes les dérives morales.
L'information, me dit Carlota (qui l'a trouvée sur le portail hispanophone InfoCatólica) est reprise dans toute la presse autrichienne et suisse alémanique

Par exemple ici: www.salzburg.com/nachrichten/oesterreich/kultur/sn/artikel/schoenborn-erfreut-ueber-conchita-wursts-sieg.

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Le cardinal de Vienne et président de la Conférence Episcopale d'Autriche, Christoph Schönborn, a félicité la «drag queen» barbue Conchita Wurst pour son récent triomphe au concours de l'Eurovisión. «Je me réjouis beaucoup pour Thomas Neuwirth, et le succès de sa prestation en tant que Conchita Wurst», écrit le cardinal dans le journal gratuit Heute, du 16/5 un des plus lus de la capitale autrichienne.
(...)
« Dans le jardin coloré de Dieu il y a une variété de couleurs. Ceux qui sont nés comme êtres masculins ne se sentent pas tous hommes, et la même chose vaut du côté féminin. Ils méritent comme personne le même respect auquel nous avons tous droit», a assuré le cardinal.
La tolérance, la devise principale de l'activité de Conchita Wurst, «est un sujet vrai et grand », explique le cardinal de Vienne. Et être tolérant signifie «respecter l'autre, même si l’on ne partage pas ses convictions», assure le chef de l'Église autrichienne. Je prie pour lui, pour que sa vie soit bénie, conclut le prélat.

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Post-Scriptum:
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L'information est reprise en ces termes par Die Welt :

Même le cardinal de Vienne fait l'éloge de Conchita Wurst
Le vainqueur barbu du Concours Eurovision est également synonyme de «l'idée la plus fascinante de Dieu», affirme Christoph Schönborn. L'ecclésiastique appelle au respect de Conchita Wurst.
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Applaudissements en provenance d'un angle inattendu: Le Cardinal catholique de Vienne Christoph Schönborn se réjouit de la victoire de la Drag Queen Conchita Wurst au Concours eurovision. Dans le jardin de Dieu, il y a une «grande variété de couleurs», dit Schönborn au journal autrichien "Heute" (Aujourd'hui). Même ceux qui ne se sentent pas chez eux dans leur corps ont droit «au respect auquel nous avons tous droit»

Sur l'identité de genre, l'archevêque de Vienne, 69 ans, affirme qu'il trouve que c'est «une merveilleuse idée» du Créateur d'avoir créé l'homme mâle et femelle. De cette polarité et complémentarité réciproque découle l'attirance, «se voir l'un dans l'autre», mais aussi «s'affronter l'un l'autre» Dans le contexte de la création, ce fut de la part de Dieu «l'idée la plus fascinante». De fait, cette idée fascinante est également inscrite dans Conchita Wurst (1).

Cette réaction bienveillante de l'Eglise catholique surprend un peu. Face à l'homosexualité, l'Eglise et Schönborn avaientt toujours montré une position ferme (ndt: en ce qui concerne Schönborn, c'est évidemment faux). L'Eglise orthodoxe russe a tout de suite émis de violentes critiques à l'issue du Concours de l'eurivision.

«La tolérance est une question importante»
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Conchita Wurst a gagné samedi à Copenhague avec la chanson «Rise Like A Phoenix» (Lève-toi comme un Phoenix). Derrière le personnage de fiction qui se produit sur scène avec la barbe et des vêtements de femmes, se cache un travesti de 25 ans Thomas Neuwirth, autrichien.

Le thème de la tolérance, auquel Conchita Wurst a dédié sa performances est, selon les paroles du Cardinal «un réel, un gros problème». Des gens comme lui doivent subir beaucoup de moquerie, de vulgarité et d'intolérance. En fin de compte, la tolérance consiste «à respecter quelqu'un d'autre, même si vous ne partagez pas ses convictions . Et en ce sens nous avons tous besoin de tolérance»

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(1) Le cardinal ne perçoit donc pas que l'image qui illustre l'article de "Die Welt" (soigneusement "composée", et mise en scène) et que chacun a pu voir partout est violemment blasphématoire?
Car il ne faut pas s'y tromper: Conchita "Wurtz" est une militante, d'une cause qui la dépasse probablement, mais qu'elle assume en toute liberté.
Le site www.francetvinfo.fr relate ses propos sans équivoque à l'adresse du public: "Nous sommes l'unité, et rien ne peut nous arrêter !".
En effet, interrogée ensuite en conférence de presse pour savoir si elle avait un message pour le président russe Vladimir Poutine et sa loi anti-"propagande homosexuelle", elle a rétorqué : "Je ne sais pas s'il regarde, mais si c'est le cas, j'ai été claire, rien ne peut nous arrêter".

N'en déplaise au cardinal Von Schönborn, et à ses lunettes roses, ou à sa capitulation sans condition devant le politiquement correct (malgré l'habit rouge qu'il porte symboliquement, comme prêt à verser son sang pour défendre l'Eglise), ce qui est en jeu, ce n'est pas la tolérance (qui ne se décrète pas, et ne se combat pas d'un côté par la loi, et de l'autre par la provocation), envers des personnes prétendument discriminéés, mais la relation de l'homme à Dieu: ce que les gens qui sont derrière "Conchita Wurtz" savent pertinemment, et ce que Benigno Bianco, lui, contrairement au prince de l'Eglise (et prince tout court) a parfaitement compris, et osé formuler.