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La dernière oeuvre passionnée de Mario Palmaro

Cristina Siccardi, sur le site Corrispondenza Romana, revient sur son dernier livre co-écrit avec Alessandro Gnocchi et Giuliano Ferrara, "Ce Pape plaît trop", où ils tentent de tracer un portrait de François en marge de l'emballement général (21/3/2014)

>>> Cf. Ce Pape qui plaît trop

     

19 mars 2014
Ce Pape plaît trop: la dernière oeuvre passionnée de Mario Palmaro
Cristina Siccardi
http://www.corrispondenzaromana.it/questo-papa-piace-troppo-lultima-appassionata-opera-di-mario-palmaro/

Mario Palmaro (Cesano Maderno, 5 Juin 1968 - Monza 9 Mars 2014), avant de quitter ce monde à l'âge de 46 ans pas encore révolus, a voulu donner un signe profond de sa foi persévérante: les funérailles. Mercredi 12 Mars dans la magnifique cathédrale de Monza, une sublime messe solennelle de Requiem a été célébrée, réunissant quelque 1500 personnes: un acte sacré et public de grande signification et d'immense valeur spirituelle.

Le rite latin, entièrement chanté en grégorien par un excellent chœur, était d'une beauté extraordinaire, que toute l'assistance a appréciée et comprise, même si beaucoup assistaient pour la première fois de leur vie à cette forme d'obsèques. Le silence était absolu, respecté même par les dizaines et les dizaines d'enfants qui ont respiré, de manière édifiante, toute l'intensité catholique et religieuse du rite de saint Pie V que Palmaro avait demandé et obtenu, non sans difficulté.

Beaucoup de prêtres et de représentants de la culture et du journalisme italien, parmi lesquels Giuliano Ferrara, très impressionné, assistaient au rite liturgique. C'est justement Ferrara qui avec Alessandro Gnocchi et Mario Palmaro a écrit un livre publié ces jours-ci, intitulé Questo Papa piace troppo. Un’appassionata lettura critica.

Ferrara, un homme qui a traversé différentes phases dans sa pensée politique et philosophique, se déclare en dehors de l'Eglise, mais, comme lui-même l'affirme, il est baptisé et il est romain; en outre «je n'ai pas la foi, mais je considère comme perdue une humanité sans foi, fanatisée et uniformisée par l'incrédulité comme religion des Lumières et du politiquement correct» (p. 7).
Il regarde la transformation de l'Église et de l'institution de la papauté avec désenchantement, perspicacité et une inquiètude lucide. «Je pense à François comme à un jésuite du XVIe siècle, et je m'attends à ce qu'il leurre le monde et déçoive le demi-monde qui l'applaudit, le courtise, et le cajole par tous les moyens»; d'une certaine façon, le jésuite François le séduit et l'intrigue, lui, le laïc non catholique, mais intéressé par le catholicisme; il le voit comme un révolutionnaire, et il pense que l'intention du pape est de poursuivre la lutte secrète et camouflée avec le monde, suivant la spiritualité de saint Pierre Favre, confrère de saint Ignace de Loyola. «Je pense et j'espère qu'il n'est pas un banal progressiste, quelqu'un qui a envie de se fondre dans la pensée dominante pour l'amour d'une Eglise assurée de pacification politique, acceptation historique, démission éthique, anonymat culturel» (p. 8).

Ferrara réfléchit sur la façon bergoglienne de gouverner l'Eglise de manière autoritaire, brutale et expéditive, dépouillant le pouvoir pontifical des signes et des attitudes sacrées, apparaissant comme une personne ordinaire, demythifiant ainsi l'Église et la papauté.

«Questo Papa piace troppo» est un pamphlet, où l'on trouve un examen complet et synthétique et un résumé de l'action, jusqu'à ce jour, du pape François, aimé et adulé surtout par les malades de «l'hôpital de campagne», qui voient en lui leur tendre et miséricordieux avocat, «le plus béni des chouchous de ce monde qui se veut absous de ses péchés et de ses travers »(pp. 8-9).

Ferrara met en en lumière le magistère d'un Pape qui parle aux fils postmodernes de Diderot et d'Alembert, qui se définit plus Evêque que Pape , qui sépare les mains jointes d'un enfant de chœur, qui utilise les médias à son gré, qui incite à prendre l'odeur de la brebis, qui se déplace avec sa sacoche, qui téléphone aux citoyens, qui traite le troupeau rassemblé en foule avec les techniques politiques et sociologiques du populisme, qui utilise le moyen des sondages pour tester le consensus de la base, qui chaque matin fait un discours «biblico-politique dans la modeste chapelle de sa résidence précaire» (p. 15), qui brouille la persona papae dans son abstraction et donne énergie, individualité et activisme à la personnalité qui la détient pro tempore, jusqu'à donner vie au mythe Bergoglio, que la majorité exalte et utilise pour ses petits ou grands intérêts: de la femme divorcée qui vit en concubinage jusqu'au lobby homosexuel. Pour le journaliste James Carroll du «New Yorker», le pape François «n'est pas un libéral, mais si cela aboutit à un véritable tournant dans la manière dont le pouvoir est exercé dans l'Eglise, il peut être un radical» (p. 16).

A travers un panel de jésuites, théologiens et philosophes, Ferrara offre sa propre interprétation du pape Bergoglio et pense à haute voix jusqu'à atteindre un décryptage qui, en fin de compte, lui échappe des mains en raison des clins d'œil ambigus et périlleux du Pontife à l'ignorance abyssale de notre temps. Ignorance de la raison, de la religion, de la loi naturelle, du mystère et du sens réel de l'existence.

Ferrara se félicite de la critique respectueuse et vivante, éclairée par la dévotion, des catholiques Palmaro et Gnocchi dont le livre reproduit tous les articles profonds, réfléchis, ironiques et douloureux publiés sur «Il Foglio» dans le respect du pape régnant.
Le duo Palmaro - Gnocchi a placé François non sous l'objectif éphémère et fallacieux des caméras, de twitter ou de facebook, mais plutôt sous celui, éternel, de la tradition de l'Église, dont Jorge Mario Bergoglio sort de manière bien peu consolante pour ces catholiques qui veulent continuer à vivre en tant que catholiques.
En lisant leurs contributions, il vient une question: l'Eglise est-elle encore tendue vers la construction de la Cité de Dieu (le Dieu catholique et non pas œcuménique) ou bien est-elle encline aux règles confuses d'une très confuse cité de l'homme?

Le livre se termine par un appendice du directeur de «il Foglio», où l'on voit d'une certaine manière sa sympathie pour un pape scabreux (sic!), qu'il définit comme un homme du XVIe siècle, qui utilise toutes les méthodes modernes de la propagande pour gagner, avec la parole et le geste, une civilisation totalement sécularisée.
Pourtant, cette sympathie n'élide pas la constatation des faits: «Désormais, l'Église est la fille du monde, et son adultère sentimental est sous les yeux de tous. Jésus est avocat de nos faiblesses, comme l'a dit François dans un Angelus, et le péché n'existe que pour être effacé par une pénitence (..) qui doit être exprimée dans une confession bénigne» (p. 201), où le jugement divin n'est pas rigoureux comme on l'a toujours dit, mais est remplacé par une miséricorde de saveur toute psychanalytique (1).

* * *

(1) J'ai trouvé ce texte dans les archives de Il Foglio, il mériterait d'être traduit, car sans la moindre mesquinerie, Ferrara est une des rares personnes à essayer de déchiffrer la personnalité, qui reste aussi énigmatique que dérangeante, du successeur adulé de Benoît XVI.
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