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La lettre de Jeannine du 2 mai

Benoît XVI, le soleil du 27 avril pour moi (2/5/2014)

Les moments décrits par Jeannine sont à revivre dans la vidéo de Gemma: Benoît XVI à la cérémonie de canonisation

     

Chère Béatrice,

Désolée de revenir si vite auprès de vous mais après avoir exploré au maximum toutes les photos fournies par Mgr Guido Marini sur sa page Facebook, il n'était pas question de ne pas suivre de nouveau avec les yeux et le cœur cette participation de notre Benoît XVI.

Ces contributions de Mgr Marini sont très appréciables. J'ai dit que je ne l'avais jamais vu rire du temps de Benoît XVI, j'avais tort. Le cliché pris en Afrique (tenues blanches pour cause de climat) montre un Benoît XVI riant avec ses deux cérémoniaires tout aussi réjouis et Mgr Marini, penché vers lui et désignant je ne sais quoi. Cela a dû se produire d'autres fois. On ne voyait jamais les photos prises dans la sacristie alors que Benoît XVI y arrivait pour se préparer pour les célébrations. Les photos "officielles" montraient rarement un Saint-Père riant vraiment, dans d'autres sources on en trouvait..

D'après le CTV j'ai fait des captures d'écran pour toutes les apparitions de Benoît XVI et cela m'a permis de le retrouver comme je l'espérais. J'ai suivi avec grande attention car je ne voulais pas manquer cette chance qui nous était offerte.  Je craignais un grand soleil ou de la chaleur : pas de problème. Assis là où il était placé il était abrité en cas de pluie. Il concélébrait avec les 150 cardinaux, assis avec eux : clair et net : un pape à l'autel et le pape émérite ayant accepté de venir concélébrer, mais à part  pour bien marquer la différence et éviter au maximum toute interprétation tendancieuse venant d'esprits tordus.

Cette fois, la cérémonie ayant lieu place Saint-Pierre, Benoît XVI a été visible dès son arrivée fort discrète entre Mgr Gänswein et un cérémoniaire qui sera à gauche de François pendant la célébration.
Il est habillé avec la mitre, sa canne accompagne son pas précautionneux, mais vif pour descendre les quelques marches bien que soutenu par son secrétaire et le cérémoniaire. Le visage est serein, reposé, souriant et de suite le geste si connu des mains levées pour saluer plusieurs fois.
Arrivé à sa place il continue à saluer, les longs applaudissements lui parlent mieux que des paroles. Un cardinal le salue longuement; je ne dirai pas son nom pour la seule et unique raison c'est que j'hésite entre plusieurs, je ne suis pas physionomiste et de profil de surcroît (ne serait-ce pas le cardinal Poupard ?)!! Ses mains prennent celles qui se tendent et les gardent avec la chaleur habituelle.
Son arrivée sur la place Saint-Pierre a été remarquée sur les écrans géants et les applaudissements accompagnés d'une grande clameur fusent. C'est Philippine de Saint-Pierre qui signale de suite cette manifestation en soulignant combien il est émouvant de retrouver Benoît XVI et son doux sourire. Elle le redira un peu plus tard en précisant que le même accueil se reproduit chaque fois qu'il apparaît de nouveau sur les écrans.

J'ai été surprise par le visage fermé, sans un sourire, de Mgr Gänswein lorsqu'il était à ses côtés en entrant. Il me paraissait préoccupé, Il a accompagné le pape émérite jusqu'à sa place en le laissant avec un religieux pour l'entourer.
Benoît XVI certes est fragile, les années passent : il a 87 ans et non pas 86 comme je l'ai vu écrit. Il a une vie calme, entourée de soins, d'affection mais on ne peut pas arrêter la fuite inexorable du temps. Sa présence pendant un aussi long temps de célébration me rassure car je suis aisément inquiète à son sujet.

Une fois bien installé on le retrouve assis, visage serein, en plan rapproché tentant de mettre ses lunettes qui, avec la mitre, opposent une certaine résistance au premier essai mais pas de problème à la fin. Ce moment m'a fait rire, il était d'une extrême simplicité, le même Benoît XVI qui cherchait son mouchoir pour essuyer son visage pendant les cérémonies qu'il présidait.

Mgr Gänswein est chargé d'accueillir les personnalités qui arrivent; il est souriant, affable, très à l'aise dans cette fonction qu'il n'exerce pas depuis longtemps.
Le couple royal espagnol est salué et la reine s'inquiète de Benoît XVI, Mgr Gänswein lui indique la place qu'il occupe, elle le salue de la main avec un grand sourire. Giorgio Napolitano avec son épouse apparaissent, regardent la place, viennent rapidement vers Mgr Gänswein dont ils serrent la main et accompagnés par lui se dirigent directement vers Benoît XVI. Attention applaudie, moment chaleureux, sincère, l'amitié est toujours présente, une belle preuve de grande compréhension entre des personnes très différentes mais l'intelligence permet de vivifier les points communs. Le temps n'est plus compté, personne à côté du pape émérite pour abréger cette parenthèse joyeuse, son sourire est radieux, ses mains gardent celles des visiteurs pour leur transmettre sa reconnaissance, son merci ému. Là je retrouve le fidèle secrétaire, le visage éclairé par un sourire joyeux, devant celui sur qui il veille. Ce n'est qu'en revenant à la tribune des officiels que Giorgio Napolitano salue tous ceux qui l'attendent.

Sœur Tobiana salue Benoît XVI avec chaleur et embrasse ses mains qu'elle garde longuement enfermées dans les siennes. C'est un joli moment émouvant et le visage de Benoît est heureux.

* * *

La procession d'entrée arrive. Il y a cette litanie des saints que je n'aime plus entendre depuis février 2013 car elle me semblait égrener le temps qu’il restait à le voir, à l'entendre. Les cardinaux précédant le pape gagnent leur place et saluent Benoît XVI, assis, très souriant avec ses lunettes, les mains ouvertes, tendues pour accueillir, là un cérémoniaire (j'ignore le nom de la fonction) régularise le flot afin que tout avance de façon fluide.

François a le visage fermé, celui des mauvais jours comme dit Sandro Magister, je ne sais. Il encense l'autel et, dérogeant au protocole, vient saluer le pape émérite: accolade chaleureuse, visage heureux de notre Benoît, souriant de François, le tout longuement applaudi. François s'arrête devant la Vierge à l'Enfant et regagne sa place sur le parvis. Deux personnalités si différentes et qui pourtant s'apprécient, j'en suis heureuse pour Benoît XVI.

Le rite de canonisation ne se prête pas, selon moi, à des changements. Cette partie est courte : rite de canonisation annoncé en vidéo par KTO (11 minutes). J'ai suivi toutes celles présidées par Benoît XVI. Bien sûr il ne canonisait pas un pape mais c'est l'homme dont on reconnaît la sainteté en dehors de la fonction. J'ai bien appris ma leçon mais je reste persuadée que la fonction papale est un atout supplémentaire. Benoît XVI dit les paroles en même temps que le rite se déroule. Mgr Gänswein est avec les invités, sur la gauche de François, en avant, seul avec un prie-Dieu. Il porte toujours de la dentelle dans sa tenue.

Pendant le Gloria, Benoît chante et suit sur son livret. Pour le psaume je retrouve le diacre au visage connu depuis longtemps, j'aime bien sa voix. L'évangile est lu en latin et en grec, classique. Benoît XVI est attentif, concentré, visage calme Par contre, à la fin de l'homélie, brève comme d'habitude, le visage de Benoît paraît concentré ou fatigué ou pensif, je ne sais. Autre passage sur Benoît : debout mais incliné il relève la tête. Avant la prière universelle il suit, debout, et chante. Pendant la consécration il est debout avec les autres cardinaux. Au moment du signe de paix le cardinal Bertone et d'autres viennent l'échanger avec le pape émérite. Il communie sous les deux espèces. Pendant le temps de silence après la communion il médite sans regarder autour de lui, très pris par la prière. Le petit livret remis est un fidèle compagnon pour lui.

Le Regina Caeli est chanté et cela me ramène au premier dimanche à la fenêtre de Benoît XVI le 1er mai 2005. Il l'avait chanté en entier, voix juste, assurée ; j'avais aimé mais cela ne se faisait pas, je l'ai lu par la suite. La messe est dite. François vient saluer Benoît XVI d'une accolade chaleureuse. Il s'en va et c'est Mgr Marini qui fait signe à l'autre cérémoniaire qui les rejoint de rester avec le pape émérite. Benoît se retire avec la même discrétion. Mgr Gänswein reste près de François pour le salut du pape aux personnalités présentes: on a parlé de 90 environ, 93, 98? J'ai lu que la coutume veut que les représentants officiels soient présentés au pape dans la basilique alors que la rencontre avait lieu sur le parvis, est-ce si important? La pluie commence à tomber et les gens sur la place se retirent.

Je n'attache aucune importance au nombre des participants : 800 000, chiffre publié mais d'après les officiels on pourrait aller jusqu'à 2 millions; le maire de Rome avait même parlé de 3 à 5 millions.
Tout cela me fait rire car je ne peux oublier que pour Benoît XVI, lors d'un voyage, on avait publié 30 000 et rectifié ensuite pour 250 000 participants, chiffre bien réel, alors !!! D'ailleurs, pour lui, tous les chiffres étaient diminués.
Paraît-il 10 000 à 15 000 Français et une frange parmi eux qui a eu la malencontreuse idée d'introduire des oppositions personnelles dans une fête de la foi et de la joie; j'ai trouvé cela très franchouillard.
Je pense que les marchands de souvenirs auront fait un chiffre d'affaires important, car depuis François la vente des horreurs qu'ils présentent aux touristes est repartie à la vitesse V; la double canonisation n'aura fait qu'augmenter la fréquentation donc les ventes. Les caméras balayaient cette foule mouvante, colorée, internationale avec le rouge et blanc de la Pologne en dominante. Les pèlerins polonais, des jeunes qui étaient au premier rang paraissaient submergés par l'émotion, comme absents. Les drapeaux du monde entier flottaient au gré du vent, les parapluies multicolores, les vêtements divers et si colorés, tout cela apportait de la luminosité à cette journée qui en manquait tant. La foule était venue, joyeuse mais recueillie pendant l'office. Si Saint Jean XXIII a été le pape de la docilité, j'en connais un autre: Benoît XVI . Sa vie est un perpétuel "oui" à Dieu, Il l'a toujours mené par des chemins tortueux qui, à chaque "oui", ont infléchi le cours de ce qu'il croyait être sa vie et l'ont toujours éloigné de ce qu'il aurait voulu être.

De François, que dire? Il m'a semblé que parfois cette messe devait lui paraître un peu longue. Fidèle à lui-même: un fossé entre le pape des célébrations et le curé du monde des audiences et rencontres sans protocole. Toujours le même vocabulaire incisif et une courte homélie politique selon J-M Guénois. La famille est revenue comme thème essentiel, Saint Jean-Paul II était un maître en la matière.
Je viens de lire le commentaire fait par le cardinal Barbarin (Radio Vatican): je n'apprécie pas son style très particulier.
La célébration a été belle, Je ne suis pas capable de relever les modifications qui ont peut-être été apportées. François était plus "pape", utilisant le latin. Mgr Marini veillait à tout avec délicatesse, respect mais son regard mobile lui permettait sans doute d'enregistrer des choses à revoir, à repenser.
Pour le geste de paix le cardinal Dziwisz, souriant platement, m'a paru prêt à échanger quelques mots avec François mais Mgr Marini a canalisé un débordement inapproprié. Le temps de méditation pendant la communion et après m'a paru interminable. Du côté des officiels l'attention se relâchait. J'ai même repéré une représentante qui pianotait sur un portable ou équivalent.

Dans le fond je n'ai vu les canonisations que grâce à la présence de Benoît XVI. Du temps du pape émérite toutes ses paroles étaient reprises par moi afin de bien m'en imprégner, de pouvoir les relire avec profit. Ce n'est plus le cas maintenant, les articles des médias suffisent à me donner la couleur de l'actualité et je relève ceux qui me paraissent caractéristiques des "temps nouveaux".

Je n'ai pas suivi l'Angélus: c'est Benoît XVI que je suivais, que je guettais à l'écran.
Vous êtes ulcérée par ce silence de François dans ses propos au sujet du pape émérite (Pas un mot pour Benoît). Ce n'est pas la première fois que François choque : exemple du Cardinal Kasper, des franciscains interdits de messe dans le rite extraordinaire. Le cardinal Barbarin dans son commentaire d'homélie n'a pas dit un seul mot du pape émérite. La foule se souvenait de lui et c'est l'essentiel. Il était présent, participait à la messe et je ne sais pas s'il aurait été tellement utile de renchérir sur sa personne. Je vais choquer mais je sais que personnellement j'ai souvent été énervée par le nombre de fois où le Saint-Père Benoît XVI faisait référence à
"mon grand prédécesseur"
"mon bien-aimé prédécesseur"
"mon vénéré prédécesseur".
"mon inoubliable prédécesseur"

Toutes les dates se rapportant à lui faisaient l'objet d'une célébration et d'articles dans la Croix. Impossible d'y échapper. J'avais envie de dire à Benoît XVI d'exister par lui-même en éloignant cette grande ombre. Il suffisait qu'il parle de Jean-Paul II pour que les applaudissements éclatent et à chaque voyage le prédécesseur était encore là grâce à ses rappels. Cela a dû devenir plus rare à partir de la béatification et l'allusion se réduisait à Jean-Paul II. Je ne suis donc pas choquée, le temps passe et, dans le cas de figure présent, le prédécesseur est vivant, sur place, c'est une situation inédite. Il a été invité par le pape alors qu'il n'y a pas eu d'invitations nominales transmises aux autorités. Il faut bien doser ce qui est acceptable car les critiques auront tôt fait de relever toute exagération avec les commentaires acerbes appropriés. Benoît a regagné le monastère, retrouvé sa vie calme; la providence nous offrira peut-être une nouvelle fois la grâce de le revoir pour "de vrai" comme disent les enfants et de rompre ainsi sa longue absence.

A bientôt

Jeannine