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Les loups de François...

Enfin, c'est une façon de parler. Une très intéressante interviewe de Marco Politi, qui vient d'écrire un livre à la gloire de François, par Giuseppe Rusconi (Rossa Porpora) (4/6/2014, mise à jour)

>>> Voir aussi sur un sujet voisin: Fronde "ancien régime" au Vatican

     

Marco Politi est LE journaliste anti-Ratzinger par antonomase, nous l'avons rencontré à de multiple reprises dans ces pages (http://tinyurl.com/accgyq6 )
En janvier 2013, Benoît XVI encore régnant, le site Corrispondenza Romana l'épinglait sans indulgence pour ses approximations et son parti pris... anti-Benoît, en l'occurrence (benoit-et-moi.fr/2013-I/articles/marco-politi-continue-de-desinformer).

Il vient de publier un livre intitulé «Francesco tra i lupi. Il segreto di una rivoluzione» (François parmi les loups. Le secret d'une révolution). La quatrième de couverture énonce:
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C'est le leader le plus influent de la planète.
Il s'est fixé une entreprise gigantesque: réformer la curie et rénover l'Eglise.
Mais en coulisses, la lutte est de plus en plus âpre. Le temps est compté. L'enjeu est la physionomie du catholicisme de demain.

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Marco Politi a accordé une longue interviewwe à Giuseppe Rusconi, qui anime le remarquable site Rossa Porpora.
Il brosse un tableau assez réaliste des attentes qui se sont cristallisées autour de François depuis bientôt quinze mois.
On peut penser qu'il prend ses désirs pour des réalités, mais cette fois, contrairement à la désinformation qu'il pratiquait sous Benoît XVI, ses affirmations, étayées par des faits que nous avons quotidiennement sous les yeux, prouvent seulement que certaines perspectives du Pontificat sont... "clivantes".

Comme d'habitude, Giuseppe Rusconi commence par un résumé de son article à travars quelques points saillants.

     

MARCO POLITI: LES LOUPS DE FRANÇOIS? ILS NE VIENNENT PAS DE GUBBIO
Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
4 Juin, 2014
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Une ample interview du vaticaniste Marco Politi, auteur de «Francesco tra i lupi. Il segreto di una rivoluzione» .
Vrais consensus, consensus du bout des lèvres, oppositions latentes et étendues.
De nombreux blogs catholiques sont conservateurs.
Le Pape est conscient de la résistance au sein du monde catholique.
Une stratégie inclusive. Les médias comme instrument pour lancer le débat.
L'éloignement des jeunes, surtout les filles, avec de prévisibles graves difficultés dans la transmission de la foi.

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Une corpulence robuste, un imperméable blanc, une petite barbe grise. Et, dans les occasions importantes, un mouvement perpétuel à la recherche (sans complexe) d'une place journalistiquement au soleil. Bon connaisseur du monde russe (il a été correspondant à Moscou pendant six ans), il suggère parfois l'idée qu'il pourrait faire bonne figure dans un film sur la fin du XIXe siècle / début du XXe siècle, en tant que ministre tsariste ou conspirateur bolchévique. Personnage à l'ancienne, et à la ruse innée, Marco Politi, 67 ans, est aujourd'hui éditorialiste à Il Fatto Quotidiano , après avoir illustré pendant vingt ans la Repubblica avec ses chroniques vaticanes aussi aigües que malicieuses. Parmi ses livres, célèbres au niveau international, figurent “His Holiness/Sua Santità” (1997), écrit avec Carl Bernstein sur Jean-Paul II. Il a écrit en 2013 “Joseph Ratzinger. Crisi di un papato” (Joseph Ratzinger. Crise d'une papauté), et il répond aujourd'hui avec “Francesco tra i lupi. Il segreto di una rivoluzione” (François parmi les loups. Le secret d'une révolution), 250 pages (...) Parmi les titres prometteurs: «Le coup d'Etat de Benoît XVI», «Saint-Pierre n'avait pas de banque», «La guerre des cardinaux»


- «François parmi les loups»: Marco, le titre n'est pas un peu pessimiste?
- C'est une métaphore, un peu ironique, de la légende de saint François. Le loup de Gubbio, après le sermon de saint François, lui a léché les mains et est devenu un petit agneau ...

- J'ai la nette impression que pour toi, ces loups sont des parents très éloignés du spécimen de Gubbio ...
- C'est vrai, de mauvais cousins. Il me semble que, comme le pape François lui-même le sait, sa prédication et surtout son programme suscitent des avis très différents. Et donc aussi des résistances. Et donc aussi des oppositions. Nous nous trouvons dans une phase de transition historique de l'Eglise, équivalente au temps du Concile: quiconque connaît la chronique de ces années sait que les oppositions à Jean XXIII et à ses projets de réforme étaient nombreuses. Cela ne signifie pas que l'on peut diviser la Curie et la hiérarchie de l'Église universelle entre «conservateurs» et «réformistes», étant doné que sur un point spécifique, quelqu'un peut être réformiste ou conservateur, comme cela s'est souvent passé et se passe encore.

- Mais ces «loups» du titre sont spontanément interprétés de façon négative ...
- François veut une Eglise plus communautaire, plus synodale, comme il l'a dit lui-même en appréciant la synodalité orthodoxe. Il y a au contraire des gens dans le monde catholique et aussi dans la hiérarchie de l'Eglise, qui craignent que cela signifie une réduction de la primauté du pape. D'où l'opposition. Je rappelle cependant que le cardinal Ratzinger lui-même, dans une interview qu'il m'avait concédée quelques mois avant d'être élu, avait admis que, dans le monde d'aujourd'hui «une église aux dimensions du monde ne peut plus être gouvernée de manière monarchique» (1).

- Certains disent: si l'Église catholique «perdait» son pape - réduit à une sorte de «un des nôtres» - elle pourrait aller au devant du triste destin du monde protestant, qui - du moins en Europe - est liquéfié ... En d'autres termes: la désacralisation de la figure du pape a des implications lourdes sur la façon dont il est perçu à l'intérieur et hors de l'Eglise, sur la présence, sur la force, sur l'influence de l'Eglise dans le monde ...
- Certes. Je connais l'objection, et j'en prends note. Je suis un observateur. Ce qui m'intéresse, c'est de faire comprendre au lecteur comment le grand processus de rénovation de l'Eglise que François a commencé, rencontre des consensus, des oppositions, de la passivité


FRANÇOIS NE PLAÎT PAS À TOUS
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- Pour les oppositions, il suffit de surfer sur Internet ... tant de voix ...
- Il y a tout un monde de sites Web, et aussi des journaux, comme en Italie "Il Foglio", dont l'objectif est de mettre en pièces la réforme de François. Par exemple, ils l'accusent de détruire la primauté papale ...

- Peut-être plutôt que d'«objectif», je parlerais d'idées et de gestes de François avec lesquels - même sur la base d'un discours rationnel - on peut ne pas être d'accord ...
- Je crois que nous devons revenir au panorama conciliaire. Toutes les forces au sein du Concile avaient pour but de faire en sorte que l'Église réponde à leur vision. Je pense qu'aujourd'hui aussi, il y a beaucoup de visions différentes. J'ajoute que, selon moi, plusieurs électeurs de François au Conclave ne pensaient pas que leur candidat pourrait aller aussi loin. Il est arrivé la même chose que ce qui s'est passé avec Jean XXIII. Par son élection, on voulait souligner la nécessité d'un Pape plus pastoral par rapport à la vision hiératique de Pie XII, mais personne ne s'attendait à ce qu'il lance un Concile et surtout qu'il assure la liberté de débat conciliaire. Une bonne partie des cardinaux qui ont voté pour François voulaient une réforme de la Curie, un nettoyage dans le domaine économique et l'intensification des contacts entre Rome et les évêques. François va plus loin: il a créé le Conseil des huit cardinaux (une sorte de «Conseil de la Couronne»), il a l'intention de confier aux Synodes un pouvoir réel de proposition pour desserrer les noeuds dans le domaine de l'éthique de la famille, il soutient que les femmes devraient être en mesure d'atteindre des postes de décision dans l'Église, il réclame un usage différent de biens économiques de l'Eglise ... ici, me revient à l'esprit l'exemple des couvents vides qui ne devraient pas être convertis en hôtels comme c'est le cas à Rome, mais destinés aux immigrés ...

- C'est vrai aussi que, grâce à l'argent obtenu, pas mal de congrégations peuvent aider leur «branches» engagées dans le travail social en Afrique, en Amérique latine ...
- Il est clair que ces idées de François créent des résistances ...

- Tu viens de parler des nombreux sites internet et de certains journaux qui critiquent tel ou tel autre aspect du contenu du programme de François ...
- Derrière il y a aussi des éléments de la hiérarchie qui préfèrent - pour des raisons connues et sous réserve d'exceptions comme par exemple le cardinal américain Raymond Burke - s'exprimer indirectement sur les nombreux blogs conservateurs et sur de rares quotidiens ou mensuels connus. Rappeler cela m'intéresse pour montrer au lecteur que nous sommes au beau milieu d'un processus historique qui ne se termine pas avec des applaudissements sur la place Saint-Pierre. J'ai passé six ans à Moscou pour «La Repubblica» au cours de la perestroïka et je me souviens que les directeurs de journaux vantaient Gorbatchev gagnant ... nous tous, journalistes étrangers de culture démocratique avions une énorme estime pour Gorbatchev, et pourtant, dans les reportages, je racontais que dans l'Union soviétique se formait une opposition au président lui-même. En somme: je me sens un observateur qui veut informer des mouvements qui se déroulent dans un grand corps historique, social, culturel et spirituel comme l'est l'Eglise catholique avec sa communauté d'un milliard et 200 millions de membres.

- Le Pape François est bien conscient, et même: de plus en plus conscients de l'existence d'une opposition à tel ou tel aspect de son programme de Pontificat, tant et si bien qu'il l'a également mentionné dans la récente «conférence de presse» dans l'avion entre Tel Aviv et Rome ...
- François est non seulement conscient de cette opposition, mais applique une stratégie à lui, mettant en oeuvre une politique inclusive, fille de sa volonté, pour que toutes les différentes âmes de l'Église participent à l'effort de renouveau ...

UNE STRATÉGIE INCLUSIVE
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- À cet égard, on peut penser aux charges importantes confiées au Cardinal australien George Pell, qui ne peut pas être compté parmi les «progressistes» ...
- Je pense aussi à la composition même du Conseil des 8 cardinaux, qui voit le même Pell à côté de réformistes comme Rodriguez Maradiaga et O'Malley ou du centriste ratzingérien Marx. D'autre part, le cardinal Mueller ne fait pas mystère de son opposition à la communion pour les divorcés remariés, mais le pape lui a donné la pourpre. Il semble que ce qui intéresse François , c'est de susciter un climat de débat de type conciliaire, qui ait une issue comme au Concile, où le consensus pour l'une ou l'autre thèse s'est mesuré à coups de votes ...

- On peut toutefois penser que les «progressistes» partent favoris, étant donné le climat général qui règne dans la société et la crainte de beaucoup de paraître «passéiste» et donc d'être marginalisés ... Tu crois que certaines observations du pape en matière de règles et praxis anthropologiques visent seulement à susciter le débat, ou déjà dans un certain sens à l'orienter? Tu sais que ces observations sont ensuite souvent reprises, soulignées et généralisées par une partie de la presse ...
- Le pape est parfaitement conscient du jeu médiatique. Bergoglio entre autres choses, comme cardinal archevêque, fréquentait peu les médias à Buenos Aires, y compris sa télévision catholique. Devenu pape, il a compris que, pour susciter le débat et de donner ensuite une solution à un certain nombre de problèmes, il est important que la discussion soit ouverte aussi dans les médias, au prix parfois d'être rendue de façon simpliste, surtout dans les titres.

- Mais les titres sont importants, aujourd'hui, ils sont la partie la plus lue d'un journal ... et beaucoup s'arrêtent souvent là ...
- Je trouve également intéressante, cependant, la technique utilisée par le pape pour faire discuter, mettant souvent ses observations au moyen d'une question: «Qui suis-je pour juger?», «Que ferons-nous avec la petite fille triste qui rentre à la maison» ...

- Parce que la fiancée de sa mère ne l'aime pas? Questions, questions légitimes ... qui risquent de susciter de grandes attentes, peut-être au-delà de ce qui est objectivement possible de faire ...
- Absolument oui. Je pense qu'il y a une inquiètude, parmi ceux qui soutiennent le pape François, que se créent trop d'attentes. Et qu'elles ne puissent pas toutes être satisfaites. Et que cela puisse provoquer une réaction de déception. Quelque chose m'inquiète, comme observateur: les grands mouvements laïcaux, comme de nombreux épiscopats, jusqu'ici sont restés pratiquement inertes à l'égard de questions anthropologiques ou de la présence des femmes ou de l'utilisation des biens de l'Eglise ....

GRANDS MOUVEMENTS LAÏCAUX "À LA FENÊTRE"
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- Tu veux dire qu'ils restent en attente de développements certains?
- Je ne vois ni soutien dans des documents écrits, ni prises de position franches ...

- C'est-à-dire négatives, selon le jargon utilisé dans les communiqués de l'époque communiste ...
- Oui, il me semble qu'il y a une grande partie du monde catholique organisé qui est en position d'attente ...

- En Italie?
- Non seulement en Italie, où le phénomène est sous les yeux de tous, mais aussi à l'étranger. Dans le passé, par exemple, lorsque Jean-Paul II a lancé son projet de ré-évangélisation, nous avons vu descendre massivement sur le terrain, et avec force, des mouvements comme Communion et Libération ou l'Opus Dei. Ici, en dépit de tout, je constate que le Pape est assez seul ...

- Mais si nous revenons par exemple à la question de la mise à disposition des couvents pour les immigrés, ou de la vente des églises pour les pauvres, nous devons reconnaître que ces questions sont très complexes et à multiples facettes, et qu'on ne peut pas les résoudre péremptoirement, avec un «oui» immédiat ...
- Précisément parce que la question est complexe, je m'attendais à ce que dans leurs réunions, les évêques ou les ordres et les congrégations religieux la mettent à l'ordre du jour pour un examen approfondi. Jusqu'à présent, cela ne semble pas être couronnée de succès. Il me semble que lorsque le pape traite d'arguments dans le domaine économique, les consensus sont plus «de lèvres» - Lippenbekenntnis, comme disent bien les Allemands - que profonds. Vu que nous parlons de l'économie, il est juste de dire que, parmi les «loups» déjà mentionnés, il y a aussi ceux «extra-ecclésiaux», qui ne sont pas d'accord avec la critique constante du pape contre la gestion du système économique international. Ils sont Américains, mais il y en a aussi en Allemagne et en Grande-Bretagne: après «Evangelii gaudium» on a lu des critiques très dures, où il était suggéré que le pape aimait le Vietnam du Nord, Cuba, la Corée du Nord ... en somme, une sous-estimation totale ce que François considère comme les nouvelles formes d'esclavage et la culture du rebut ("scarto"). Loups, ou même murs, qui n'ont aucune envie de parler avec un pape qui dit: «Je ne donne pas de recettes, mais je vous rappelle qu'il ya des millions d'êtres humains qui sont poussés vers l'exclusion».


"EFFET BERGOGLIO" DIFFICILE À QUANTIFIER
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- On parle beaucoup de «l'effet Bergoglio», un thème qui n'est facile qu'en apparence ...
- Dans mon livre, je suis très prudent à ce sujet. Je crois que Bergoglio a suscité l'attention, la réflexion et le débat dans les milieux agnostiques et non-croyants qui ne s'étaient jamais occupés de l'Église. Il a également réveillé un désir de retour chez les pratiquants qui s'étaient éloignés. Ce que je n'ai pas encore pu mesurer, c'est une augmentation réelle de la fréquentation de la messe ou de la pratique des sacrements. Chaque fois que je pose cette question à des évêques ou à des prêtres, je ne reçois que des réponses génériques, pas de chiffres réels ...

- Difficile de mesurer si les émotions que suscite le Pape se transforment vraiment en un changement des comportements ...
- Je parlerais en tout cas de la récupération de la présence et de la crédibilité de l'Église et de la papauté dans la société contemporaine. Mais nous ne devons pas oublier que l'éclipse du sacré est un phénomène social et historique très profond: l'érosion des Églises traditionnelles est un processus à long terme ...

- Dans le livre, tu me sembles pessimiste à ce sujet: te référant à l'Italie et citant une étude récente de l'Observatoire socio-religieux de Trivénétie, tu relèves que de moins en moins de jeunes vont à l'église, et parmi eux, la proportion des filles s'effondre .. ce qui suggère les difficultés futures dans la transmission de la foi dans la famille, normalement réservés aux femmes ...
- Je ne suis pas pessimiste, mais je rapporte uniquement des données, le résultat d'un travail très sérieux fait dans le diocèse de Venise: ces données enregistrent un phénomène nouveau, pas seulement italien, de l'éloignement des jeunes de la pratique et surtout indiquent qu'il n'y a presque plus de différence entre les garçons et les filles en ce qui concerne l'éloignement de l'église. Si ces données existent, le problème est énorme pour la transmission de la foi. Gorbatchev racontait que sa grand-mère lui avait transmis la signification de l'icône au coin de la rue ... mais aujourd'hui, j'entends beaucoup de personnes de mon âge qui sont grands-mères, et qui se plaignent: je ne peux plus influencerl'éducation religieuse de mes petits-enfants, du moment que les parents sont agnostiques . Une capacité de formation des générations s'est donc désormais brisée ...


LE «COUP D'ÉTAT» DU PAPE RATZINGER
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- Le dernier chapitre de ton livre s'appelle «Une papauté à durée limitée» ... en fait le Pape François, toujours dans la récente conférence de presse aérienne, n'a pas exclu, le moment venu, la possibilité de la renonciation ...
- Analysant la transition historique entre la démission de Benoît XVI et la manière dont François a voulu et est est en train d'institutionnaliser la réalité des Papes émérites (un peu comme les évêques retraités), j'ai compris pourquoi certains amis argentins m'ont dit depuis le début que ce pape, sachant qu'il n'aura pas beaucoup de temps, travaillerait intensément pendant trois, quatre, cinq ans, puis qu'il démissionnerait s'il comprenait qu'il n'avait plus assez de force pour s'acquitter de son mandat. Il y a quelques jours, le Pape l'a rappelé dans l'avion entre Tel Aviv et Rome. Nous sommes désormais entrés dans l'ère doù s'achève le temps de la papauté semi-divine et éternelle ...

- Ne penses-tu pas qu'une grande partie du peuple catholique a déjà assimilé - et il l'a fait très vite - l'idée du «pape à durée déterminée» jusqu'à ce que les forces physiques et psychiques ne fonctionnent plus?
- C'est un fait que le peuple des fidèles a absorbé beaucoup plus rapidement que la hiérarchie.

- Mais on ne peut nier que les craintes de pas mal de conservateurs sur les conséquences de la désacralisation de la figure du Pape ont de bonnes raisons en leur faveur ... par exemple l'effritement d'une identité catholique précise ...
- Ce qui a été considéré pendant des siècles comme élément fondamental, crucial, de l'identité catholique. Ratzinger a au contraire déplacé l'accent, en soulignant que l'Église est au Christ et pas au Pape. Le Pape est un serviteur, qui prête service jusqu'à ce qu'il n'ait plus assez de force pour le faire ...

- Dans ton livre, tu soutiens que le pape Ratzinger a fait un «coup d'Etat»...
- «Coup» est un langage métaphorique, pour dire que Benoît XVI n'a pas renoncé seulement à cause de la fatigue ou de la vieillesse: il a aussi renoncé, en homme rationnel, qui a compris comment sa démission a permis également de remettre à zéro tout ce nid de vipères et de corbeaux (comme l'a dit le cardinal Bertone) qui s'était créé au Vatican avec la question des Vatileaks . En ce sens, le pouvoir de tous les clans a été remis à zéro.

- Pour conclure: quelle est pour toi et pour l'instant la plus importante innovation du pontificat de François?
- C'est la perspective de donner de réels pouvoirs de proposition au Synode des Évêques, réalisant la collégialité. Attendons donc avec curiosité et même confiance les Synodes sur la famille de cette année et de l'année prochaine.

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Note (et mise à jour)

(1) Je me souviens très bien d'avoir traduit une interviewe de Marco Politi au Cardinal Ratzinger pour La Republicca du 19 novembre 2004, je n'y trouve pas trace de cette affirmation (texte en italien ici, ma traduction: benoit-et-moi.fr/2010-I)

Claude K. a trouvé le lien vers l'article auquel Politi fait allusion (un article qui, je dois le reconnaître avec le recul de 10 ans, résonne assez perspicace): http://ricerca.repubblica.it/repubblica/archivio/repubblica/2005/01/16/ratzinger-il-candidato-segreto.html