Mafia
Le 21 mars dernier, lors d'une soirée de prières avec les victimes de la mafia, François disait aux mafieux: "Convertissez-vous, ou vous irez en enfer". Samedi, en visite pastorale en Calabre, il les excommunie. Réflexions à contre-courant (23/6/2014)
Voir aussi:
¤ Les Papes et la mafia
¤ Les combats autorisés... et les autres
Titre de la Croix en ligne :
LE PAPE EXCOMMUNIE LES MAFIEUX DE CALABRE
Le pape François s’est rendu en Calabre samedi 21 juin, effectuant sa quatrième visite pastorale en Italie.
Au cours de son homélie, il a déclaré « excommuniés » les mafieux, citant explicitement la Ndrangheta, organisation criminelle prospérant depuis cette région du Mezzogiorno.
...
Mais l’excommunication déclarée par le pape François – un mot d’habitude étranger à celui qui met en valeur au contraire la miséricorde – ne présente pas a priori de valeur légale, n’étant pas prononcée au terme d’une procédure canonique.
Monique commente:
L'article précise que cette "excommunication" n'a pas de valeur légale.
Ce serait donc une façon de parler, que les prédécesseurs de François ont évitée à cause de son imprécision. En effet, je me demande si on peut excommunier (au sens propre) un groupe dont les contours sont flous par définition. Il me semble qu'on ne peut excommunier que des personnes bien précises, que l'on peut nommer. Les lumières d'un canoniste nous seraient utiles.
Je ne dis pas que les chefs et leurs complices, nommés un par un, ne mériteraient pas l'excommunication mais il faudrait alors engager la procédure canonique. De simples paroles au sens figuré ne peuvent pas les effrayer!
La nouvelle de cette excommunication collective a fait les manchettes de journaux pas spécialement réputés pour leurs sympathies catholiques, comme en témoigne cette capture d'écran sur Google.
Dans ce énième témoignage du conformisme moutonnier des médias, l'article d'Antonio Mastino est une bouffée d'air frais.
Attention: ceux qui refusent d'entendre la moindre critique contre le Pape (ici seulement implicite) sont priés de ne pas lire ce qui suit... sauf à leurs risques et périls.
Pour les autres, je précise qu'Antonio Mastino est lui-même originaire du Sud profond de l'Italie, le Salento, la pointe du talon de la botte. Et dans les commentaires suivant l'article, il écrit:
La mafia. Quelle mafia? Où est-elle? J'ai passé de nombreuses années dans le Sud, j'y suis allé avec la lanterne: je ne l'ai jamais trouvée. C'est une légende métropolitaine qui à une époque arrangeait le PCI, et aujourd'hui la gauche-caviar, pour pouvoir traiter leurs adversaires (exclusivement de droite) de mafieux. La mafia n'existe plus, elle existait dans des temps lointains... Et elle avait ses raisons... Quand il y avait la mafia, les gens du Sud n'émigraient pas: ils trouvaient un poste fixe..
Ces propos engagent évidemment leur auteur, je ne suis en mesure ni de les infirmer, ni de les confirmer, n'ayant pas de lumières spéciales sur la question de la mafia, mais c'est l'avis de quelqu'un qui connaît le Sud, pour y être né, et y avoir vécu. Ce qui n'est probablement pas le cas des auteurs des articles unanimes.
Passons à l'article lui-même, publié sur le quotidien en ligne Quelsi, auquel Mastino collabore.
Le titre hilarant (les lapins-garous!), qui pourrait servir pour décrire des tas d'autres réalités, indique l'intention satirique - donc peut-être aussi une certaine exagération.
Notons que l'évêque titulaire du diocèse où le Pape s'est rendu en visite et a prononcé son anathème contre la mafia n'est autre que Mgr Galantino, choisi par lui pour être secrétaire de la CEI (par intérim) et qui s'est depuis lors signalé par certaines déclarations intempestives (cf. Les évêques italiens vers le nouveau cours? ). Encore tout récemment, il a cru bon de suggérer aux catholiques de demander pardon aux non-croyants parce que trop souvent, "la façon dont nous vivons notre expérience religieuse ignore complètement leur sensibilité, et nous disons des choses qui très souvent ne les atteignent pas, et même les dérangent". Mastino lui réserve, dans un langage pas vaiment châtié, quelque flèches bien pointues que je n'ai pas traduites.
Antonio Mastino
http://www.qelsi.it/2014/il-papa-grida-mafiosi-scomunicati-conigli-mannari-in-chiesa/
(traduction partielle)
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Le Pape l'a "crié" aujourd'hui: «Les mafieux sont excommuniés».
Certes.
Quel courage.
Quel gaspillage d'énergie pour condamner les moulins à vent.
Quel gâchis de souffle face à ce qui ne fait pas partie des catégories protégées par le politiquement correct.
Quelle exhibition de muscles de la part d'une Église de ramollis du sommet à la base, devant ce qui, s'il existe encore (mais il y a encore une mafia? Il y a une bourgeoisie rampante qui est largement mafieuse sans l'être dans le sens traditionnel du terme) ne peut se manifester, ni réagir.
Se rappellent-ils, ces évêques-cœur de lion, certains tremblants de peur et certains en proie au démon de la diplomatie de la capitulation sans condition devant le mal, qu'ils se sont défilés pendant le Concile, quand le communisme était galopant et semblait (dans leur tête sans imagination) près de dominer le monde, si bien que non seulement ils ne le condamnèrent pas, mais n'osèrent même pas mentionner son nom dans les documents. Ces mêmes lapins-garous qui ensuite, dès que le communisme fût tombé en 1989, se réunirent en synode pour le «condamner» à mort avec des mots éloquents et courageux, et même criés. Une espèce d'autre procès "au cadavre", comme aux temps du Pape Formose (*).
Du reste, ils ne se sont pas rendus compte que le communisme n'était pas mort, mais s'était tout simplement transformé: en radicalisme de masse, et qui ainsi - vieux rêve - a vraiment conquis le monde, sauf, paradoxalement, la Russie.
Et aujourd'hui aussi, comme aux temps du Concile, ils s'alignent. Tandis qu'ils gaspillent leur souffle à condamner ls «mafieux», les fumeurs, les chasseurs (parfois les pédophiles) qui sont les seules catégories "non protégées" qui restent dans le monde, boucs émissaires et aimants du mépris universel, nouveaux parias du royaume. Tout comme aux temps du Concile, alors que le communisme avançait ses chars dans toute l'Europe, les lapins-garous évêques, au milieu des sessions du Concile, s'occupaient des Beatles, indiqués comme un exemple à suivre, y compris dans la musique liturgique.
(...)
Ces temps-ci, la pensée de l'Eglise est de plus en plus homologuée et homologuante: à part quelque raclée moraliste adressée à ce qu'un consensus diffus considère comme des «maux».
Et cela signifie que ces maux n'en sont plus, qu'ils ont perdu leur consensus, leur ascendant, leur force, et donc ne sont plus une menace: les dénoncer avec avec une telle fougue, c'est comme "pilonner l'eau dans un mortier". Tout au plus commettre le péché d'omission dans la dénonciation des vrais «maux», c'est à dire des péchés qui assiègent le monde sous les applaudissement unanimes. En effet, pour ceux-là, on adopte le "qui suis-je pour juger" parce qu'on en craint l'agression, et la fin de la pax mediatica, même si elle est basée sur la manipulation et l'équivoque, qui pour d'autres résonnent comme un "rompez les rangs" général..
* * *
NDT:
(*) Formose: Pape de 891 à 896. L'un de ses successeurs, Etienne VI, le mit en jugement en 897, dans ce qu'on a appelé le Concile cadavérique. Le cadavre fut exhumé, revêtu des vêtements d'apparat pontificaux et assis sur un trône pour faire face à toutes les accusations portées autrefois contre lui. Le verdict fut que le défunt n'était pas digne du pontificat. Toutes ses mesures et ses actes furent annulés et les ordres conférés par lui furent déclarés invalides. Les vêtements de cérémonie pontificaux furent arrachés de son corps, les trois doigts de sa main droite que le pape avait employés dans des consécrations furent coupés et le cadavre jeté dans le Tibre. On le retrouva pris dans des filets de pêcheurs et, après la mort d'Étienne, le corps fut réenterré à Saint-Pierre tandis qu'on interdisait d'intenter à l'avenir des procès contre des défunts (http://fr.wikipedia.org).